Tu as quitté le rivage sur un bateau blanc,
Tu es tombée comme la feuille dans le vent…
Maintenant les étoiles se lamentent, les sombres nuages se rassemblent
Et les routes sont noyées dans l’ombre, les ténèbres s’étendent
Et la brume recouvre mon cœur pour toujours !
Adieu, Ombe ! Quand sonnera le cor,
Nous nous retrouverons dans le gris crépuscule…
Tu me manques, Ombe.
Épilogue
— Walter ?
— Rose !
— Nina et Jules sont avec moi.
— Jules ? Mais… qu’est-ce qu’il fait là ? Il ne devrait pas… ?
— C’est bien le problème. Vous venez ?
— Bon sang, j’arrive tout de suite !
— Nina, raconte ton histoire à Walter.
— Voilà. Mademoiselle Rose m’a téléphoné il y a trois heures environ pour me confier une nouvelle mission. Elle m’avait prévenue que l’Association risquait d’avoir besoin de moi, alors je n’ai pas été surprise.
— Je n’étais pas au courant !
— C’est moi qui ai pris cette initiative, Walter.
— Ah ! Bon, bon. Continue, ma fille.
— Je me suis rendue sur le boulevard de Fombelle, où devait passer le fourgon que mademoiselle Rose m’avait chargé de surveiller.
— Une mission de surveillance ! Très bien, très bien.
— J’ai attendu longtemps, très longtemps. Ça m’a paru louche. J’ai téléphoné à mademoiselle Rose, qui m’a demandé de remonter le boulevard à sa recherche.
— Et alors ?
— J’ai trouvé la camionnette à la hauteur de la rue des Épouvantails. Renversée sur le côté.
— Hein ?
— Du calme, Walter. Et toi, Nina, poursuis.
— Le chauffeur était dans l’habitacle, couvert de sang. C’était horrible ! Il ne respirait plus.
— Et le corps, à l’arrière ?
— Disparu.
— Par tous les dieux !
— Jules, tu peux expliquer à Walter ce qui s’est passé ensuite ?
— Ben, quand j’ai vu Nina arriver, je suis sorti de ma cachette et je me suis précipité vers elle. J’avais les jambes comme du coton ! Je m’étais glissé, comme on me l’avait demandé, dans le fourgon quand les employés ont chargé le coffre réfrigéré contenant le corps d’Ombe. À un moment, j’ai entendu une explosion. La camionnette s’est retournée et a percuté un mur. Puis la porte a été arrachée par deux types habillés d’une combinaison noire qui les couvrait entièrement. Comme des ninjas. Vous voyez ce que je veux dire ?
— On voit très bien.
— Évidemment, ils ne m’ont pas remarqué. Ils ont sorti le coffre et se sont enfuis. L’un d’eux le portait sur ses épaules. Je me suis mis à l’abri et j’ai attendu d’avoir moins peur pour vous prévenir. Nina m’a devancé.
— Par tous les dieux !
— Ça pèse combien, à votre avis, Walter, un coffre réfrigéré ?
— Je ne sais pas, moi. Cent vingt kilos ?
— Auxquels on peut ajouter le poids d’un corps. Vous connaissez beaucoup de personnes capables de partir en courant avec cent quatre-vingts kilos sur l’épaule ?
— Oui. Un troll, un garou, un vampire…
— Mais pas un humain.
— Jules a également relevé que leurs gestes étaient très rapides.
— Vampires, alors.
— Vampires.
— Mais, Rose, pourquoi des vampires ?
— Un instant, Walter… Jules, Nina, merci beaucoup. Vous pouvez rentrer. Vous l’avez bien mérité.
— Vous êtes sûrs qu’on… ?
— Certaine. Ce soir, c’est le réveillon, non ? Vos amis ou vos parents vous attendent ! J’ai pris bonne note de vos déclarations. Je vous appellerai s’il me manque quelque chose. Ah oui : malgré la fête, n’oubliez pas de garder vos téléphones près de vous. Nous sommes en état d’urgence.
— Ah bon ? Depuis quand, Rose ?
— Depuis maintenant, Walter… Allez, filez, les enfants !
— Beau boulot, jeunes gens, beau boulot !
— Votre sentiment, Rose ?
— La motivation des voleurs m’échappe, Walter. Pour l’instant en tout cas. Peut-être y a-t-il un rapport avec le trafic de drogue démantelé par Ombe et Jasper…
— Une vengeance ?
— Peu probable. Un moyen de chantage ?
— Il y a une autre hypothèse, mais elle repose sur des éléments fragiles.
— Vous trouvez, vous aussi, que cet enlèvement tombe rudement bien pour empêcher une autopsie mystique ?
— Une coïncidence troublante, Rose, en effet. Les vampires pourraient être des hommes de main. Mais pour quels commanditaires ?
— C’est toute la question.
— Et puis, comment auront-ils su ?
— Ils guettaient peut-être l’occasion de faire disparaître un corps qui aurait révélé des secrets compromettants.
— Compromettants pour qui ?
— Ah, Walter ! C’est, encore une fois, toute la question… Est-ce que le Sphinx est rentré ? Nous allons avoir grand besoin de lui.
— Non, Rose, je ne l’ai pas vu. Son train est pourtant arrivé il y a deux heures. Je suis étonné. D’habitude il prend le chemin le plus court. Il devrait déjà être là.
— Vous croyez qu’il a pu lui arriver quelque chose ?
— Au Sphinx ? Grands dieux, non ! Qui serait suffisamment inconscient pour s’en prendre à lui ?
— Considérant les événements de ces derniers jours, Walter, je me permets d’envisager toutes les situations.
— Même les plus invraisemblables ?
— Surtout les plus invraisemblables.
[1] The Doors, « Riders on the storm ».