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— Je ne comprends rien à cette histoire. Et je m’en plaindrai à M. Hillman. Il est intolérable que l’on puisse me soupçonner.

— Où est Kitty Hillman ? coupa Malko. C’est tout ce que je veux savoir.

Le Professeur Soussan reposa la carte sur le bureau :

— Elle n’est pas ici. Mais revenez la semaine prochaine, vous pourrez la rencontrer…

— La semaine prochaine ?

Malko regardait le Professeur sans comprendre. Celui-ci semblait parfaitement sûr de lui.

— Pourquoi la semaine prochaine ? Soussan laissa tomber :

— Elle subit en ce moment une série d’examens chez un confrère. Sur la demande de son père. On doit me la ramener ensuite.

La moutarde commençait à monter au nez de Malko. L’assurance et la bonne conscience de Soussan étaient exaspérantes.

— Professeur Soussan, dit-il solennellement, je suis ici en mission officielle pour retrouver Kitty Hillman. C’est votre histoire qui ne tient pas debout. Nous avons la preuve formelle qu’elle a été kidnappée. Alors, si vous n’acceptez pas de collaborer totalement avec moi, je m’adresse à la police suisse. Je possède assez d’éléments pour que l’on vous pose beaucoup de questions…

Le Suisse se cabra :

— Mais enfin, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Pourquoi son père ne vient-il pas lui-même dans ce cas ? Il me semble que…

— M. Hillman est en ce moment hors d’état de se déplacer, répliqua Malko sèchement. Voulez-vous, oui ou non, m’aider ?

Sans répondre, Soussan se leva, alla à un grand classeur d’acajou et en tira un dossier. Il le feuilleta et en sortit une feuille de papier qu’il posa sur son bureau.

— Voici l’adresse où se trouve Mlle Hillman à Zurich. Mais je n’ai pas le droit de vous la révéler. Je ne la dirai qu’à la police de mon pays.

Malko plissa ses yeux dorés. Il était maintenant sûr que le Suisse était de bonne foi. Ce qui ne simplifiait pas automatiquement le problème. Si les Suisses s’en mêlaient, cela allait être aussi discret qu’un bombardement de B 52.

— Professeur, dit-il patiemment, voulez-vous avoir l’obligeance de téléphoner à cette clinique ? Nous continuerons la conversation ensuite.

— Mais pourquoi… ?

— Faites ce que je vous demande. Vérifiez seulement que Mlle Hillman s’y trouve bien. Je n’en suis pas aussi certain que vous.

Ils s’affrontèrent du regard une seconde puis Soussan céda.

Il y eut une série de cliquetis, et, de son fauteuil, Malko entendit la voix impersonnelle d’un disque :

« Il n’y’a pas d’abonné au numéro que vous avez demandé… veuillez refaire votre appel. »

Le Professeur refit trois fois le numéro, trois fois avec le même résultat. Il reposa le combiné pour la quatrième fois. Son regard affolé allait de la feuille de papier posée devant lui à Malko. Ce dernier savait maintenant à quoi s’en tenir.

— Je pense qu’il doit être facile de vérifier s’il existe une clinique de ce nom à Zurich, dit-il. Dix minutes plus tard, après de multiples vérifications, le Suisse, hagard, reposait le récepteur. La clinique où était censée se trouver Kitty Hillman n’existait pas. Soussan ôta ses lunettes et balbutia :

— C’est affreux, je ne comprends pas. On est venu la chercher avec une ambulance et deux infirmiers. Le médecin avait une autorisation écrite de M. Foster Hillman.

— Vous l’avez ?

— Bien sûr.

Le Professeur Soussan se précipita sur son dossier et en sortit triomphalement une lettre qu’il tendit à Malko. Seule la signature était manuscrite. Et visiblement imitée. Ce mot, très court, disait seulement de confier Kitty Hillman au porteur de la lettre à fin d’examen. Malko le rendit au Professeur.

— Racontez-moi tout, sans oublier le moindre détail, dit-il. On a abusé de votre confiance. Foster Hillman n’a jamais dicté cette lettre. Le Professeur Soussan se triturait les mains. Il balbutia :

— J’ai reçu un coup de téléphone la veille, il y a huit jours, d’un homme se disant médecin. Il m’expliqua qu’à la demande de M. Hillman, il allait tenter un nouveau traitement sur sa fille. Il me demanda quand il pourrait venir la chercher.

— Cela ne vous a pas étonné ? Soussan secoua la tête :

— Pas du tout. Une fois, j’ai dû l’emmener à Londres voir un spécialiste japonais de passage. M. Hillman lit toute la presse spécialisée. Chaque fois qu’il voit le plus mince espoir de guérir sa fille, il le tente. J’ai pensé à un nouvel essai. Sans plus.

Il avait des excuses. Le kidnapping n’est pas une spécialité suisse. Pas plus que les barbouzes.

— Je vois, dit Malko. Comment était l’homme qui est venu la chercher, ce soi-disant médecin.

— Voyons… c’était un homme d’un certain âge, aux cheveux blond foncé, mince, le visage assez triste, certainement médecin car nous avons bavardé ensemble et il possédait des connaissances médicales étendues. Extrêmement soigné de sa personne, et voyez-vous, le genre d’homme en qui on a instinctivement confiance…

— Quelle nationalité ?

— Allemand, je pense. Il m’a dit s’appeler Karl Babor. Il parlait français avec un léger accent mais je l’ai entendu parler allemand au chauffeur de l’ambulance. Ce dernier avait le type plutôt méditerranéen.

Allemand, cela ne voulait pas dire grand-chose. Depuis 1945, les restes de l’Abwehr et de la Gestapo se sont répartis assez équitablement entre l’Est et l’Ouest. Pénurie de spécialistes.

— Et Kitty, elle n’a pas protesté ? demanda Malko.

— Kitty !

Le Professeur Soussan eut un sourire triste.

— Pauvre petite ! Elle fait docilement tout ce qu’on lui dit. Comme une enfant. Du moment qu’on ne l’effraie pas, elle est adorable.

— Serait-elle capable de reconnaître ses ravisseurs ?

— Non. Elle ne reconnaît même pas son père.

Il y eut un long silence pénible, rompu par le Professeur :

— Je dois prévenir la police immédiatement. Et M. Hillman. C’est atroce. Mais pourquoi ?

Malko secoua la tête.

— Attendez, en ce qui concerne la police. Cela ne changera rien. Ce n’est pas une affaire comme les autres. On ne trouvera rien. Ni votre clinique, ni votre médecin. Quant à l’ambulance elle a été volée ou maquillée, j’en mets ma main au feu. Ce sont des spécialistes qui ont opéré.

— Mais la Police, protesta Soussan, a des moyens…

— Pas dans ce cas-là, dit fermement Malko. Donnez-moi plutôt des détails sur la façon dont ces gens ont kidnappé miss Hillman.

Le Suisse fit d’une voix défaite :

— Ils sont venus vers neuf heures. Le docteur Karl Babor m’a donné la lettre de M. Hillman, nous avons bavardé quelques instants puis j’ai été chercher Kitty. Les deux infirmiers l’ont emmenée dans l’ambulance pendant que j’accompagnais le docteur Babor à la comptabilité. Malko sursauta :

— À la comptabilité ?

Pour la première fois depuis la découverte du kidnapping le Professeur Soussan reprit une voix ferme pour expliquer :

— Bien sûr. C’est une règle absolue de la clinique. Aucun malade ne sort si son compte n’est pas réglé. D’ailleurs le docteur Babor n’a fait aucune difficulté. Il m’a réglé par chèque…

Malko répéta :

— Par chèque ! Mais alors, nous pouvons le retrouver. Où est ce chèque ?

— Nous photocopions tous les chèques que l’on nous donne, dit Soussan. Je vais demander à la comptabilité.

Le Professeur appela son comptable : trois minutes plus tard ce dernier apportait la photocopie du chèque. Malko la regarda attentivement et fit la grimace. Il n’y avait pas le moindre nom au-dessous de la signature. Seulement un numéro : 97865. Le chèque avait été tiré sur la Société zurichoise de Dépôts, 49 Bahnhofstrasse, Zurich. Malko secoua la tête pensivement et dit :