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Ce ne pouvait être qu’un de ses domestiques, croyant la pièce vide.

Il ouvrit la bouche pour l’injurier et resta paralysé, une terreur abjecte lui tordant l’estomac.

Dans l’embrasure de la porte s’encadrait la silhouette de Malko. Ses yeux dorés étaient presque verts et son visage impassible.

L’émir s’écarta brusquement de Mandy qui leva la tête à son tour.

— K ! fit-elle d’une voix étranglée. Qui est-ce ?

L’émir avait trop peur pour lui répondre. Il s’était rué sur le téléphone.

— Je vous écoute, répondit la voix froide de Milton Brabeck assis au standard. Vous voulez commander un cercueil ?

L’émir raccrocha brutalement. Malko s’était avancé au milieu de la pièce.

— Que voulez-vous, monsieur Linge ? réussit-il à dire. Cette affaire est terminée.

Malko désigna Mandy, entièrement nue, toujours appuyée à la table :

— D’abord que vous disiez à cette jeune personne de prendre une tenue plus décente.

Mandy reconnut l’accent d’un homme bien élevé et reprit un peu son sang-froid. Si l’inconnu n’avait pas eu une attitude menaçante, elle se serait volontiers partagée. Les cheveux blonds et les yeux dorés c’était assez son genre.

— Qu’êtes-vous venu faire ici ? répéta l’émir. Malko eut un sourire froid :

— Vous vous posez encore la question ? Je suis venu vous tuer, émir Katar. Parce que Kitty Hillman est morte par votre faute. Vous n’avez pas eu pitié d’elle, n’est-ce pas ? Ni de son père…

Mandy étouffa un petit cri d’horreur. Elle avait remis son slip et son soutien-gorge et regardait toute la scène, du divan. Elle poussa un second cri quand Chris Jones apparut silencieusement derrière Malko, le Beretta 7,65 dans la main droite. Ses yeux gris et froids étaient complètement dépourvus d’expression. L’émir regarda autour de lui, affolé :

— Vous n’allez pas m’abattre comme ça, murmura-t-il. Malko inclina la tête :

— Si.

— Mais c’est un meurtre.

— C’est un meurtre.

L’Arabe cria et recula jusqu’au mur.

— Je connais des gens de votre gouvernement. Je me plaindrai. Cela ne fit même pas sourire Chris Jones. Malko dit :

— Nous ne travaillons pas pour la C.I.A. Nous sommes des bandits de grand chemin. C’est vous-même qui l’avez dit. Des gangsters.

Il se tourna vers Mandy.

— Mademoiselle, voulez-vous avoir l’obligeance de passer dans la salle de bains et de vous y enfermer. Je tiens à vous éviter une scène pénible.

— Non, cria l’émir. Ne t’en va pas. Ils vont me tuer.

Le petit cerveau de Mandy Wheeler travaillait à toute vitesse. C’était peut-être l’occasion inespérée de gagner le cœur de l’émir, définitivement. Une histoire pareille c’était infiniment plus efficace que n’importe quelle partie de jambes en l’air.

Elle se rapprocha de l’Arabe et foudroya Malko du regard.

— Je vous dénoncerai, menaça-t-elle. Malko eut un sourire poli.

— C’est votre droit. Pour l’instant je vous demande de sortir de cette pièce, sinon je me verrai contraint d’employer la force. Brusquement, elle s’écarta de l’émir et marcha vers le bar. Dix secondes plus tard, elle se retournait : le petit pistolet noir à la main, braqué sur Malko.

— Haut les mains !

— Non, cria Malko pour retenir Chris qui levait déjà le bras. Mandy courut jusqu’à l’émir et lui glissa le pistolet dans la main. Malko n’avait pas bougé, mais Chris s’était écarté de trois mètres. Le visage dur, il ne perdait pas un mouvement de son adversaire.

— Vous allez mourir quand même, dit Malko. Écartez cette jeune fille.

— Si cet homme tire je vous tue, fit l’émir, pas très sûr de lui. Malko haussa les épaules et dit d’une voix lasse :

— Cela n’a aucune importance. Si je ne vous tuais pas maintenant, je ne pourrais jamais me regarder devant une glace. Je compte jusqu’à cinq. Chris, vous êtes prêt ?

Malko ramassa un coussin et le plaqua devant le canon de son pistolet pour étouffer le bruit, à défaut de silencieux.

— Je suis O.K., dit Chris.

Il régnait une tension intolérable dans la pièce en dépit du Concerto d’Aranjuez qui continuait à exploser dans les haut-parleurs. L’émir regarda le canon du pistolet de Malko et le visage impassible de Chris. Quelque chose lui échappait.

Brutalement, il se décomposa, jetant son pistolet à terre.

— Ne me tuez pas, supplia-t-il. Ne me tuez pas.

Son accent chantant rendait sa voix encore plus pathétique. De grosses gouttes de sueur coulaient sur son visage. Sa bouche tremblait.

— Ne me tuez pas, répéta-t-il à voix basse.

Malko abaissa imperceptiblement les commissures de ses lèvres. Il avait horreur de tuer quelqu’un de sang-froid. Depuis toujours. Cela ne lui était arrivé qu’une fois, au Brésil[15].

Puis, il se souvint de la cruauté glaciale de l’Arabe quand il avait mutilé Kitty. Il vit les joues graisseuses trembler de peur, et le mépris fut plus fort que la pitié.

— Vous avez perdu, dit-il. Dites à cette jeune fille de sortir et tâchez d’avoir un peu de courage. Tout le monde doit mourir un jour. Chris donna un coup de pied dans le pistolet tombé sur le tapis. L’émir fit un pas en avant vers Malko, les mains jointes. Ses yeux roulaient dans ses orbites :

— Cent mille dollars, dit-il. Je vous donne cent mille dollars. Malko secoua la tête.

— Deux cent mille dollars.

L’Arabe tomba à genoux et se traîna jusqu’à Malko.

— Un million de dollars, je vous signe un chèque d’un million de dollars. Personne ne le saura. Jamais. Il regarda Chris. Vous aussi, je vous donne un million de dollars.

Mandy n’avait plus de salive dans la bouche. Un million de dollars ! Comment la vie d’un homme pouvait-elle valoir autant d’argent ? Les deux hommes ne bougeaient pas. L’émir se releva et courut jusqu’à un secrétaire qu’il ouvrit. Il se retourna, une poignée de billets à la main.

— Prenez tout.

— Il vous reste une minute à vivre, annonça Malko. L’émir eut un sanglot de désespoir, jeta les billets par terre :

— Mais qu’est-ce que vous voulez ?

— Votre vie, dit Malko. Pour celle d’une jeune fille de dix-huit ans. Cela ne se rachète pas. Chris, emmène mademoiselle.

Chris prit Mandy par le bras et la traîna jusqu’à la salle de bains. Elle se laissa faire docilement. Soudain l’émir poussa un cri étranglé et fonça vers la porte. Chris n’eut pas le temps de tirer, mais au passage, le frappa à la tempe avec la crosse de son pistolet. L’Arabe battit l’air de ses deux bras et boula sur un tapis de prière, où il resta étendu sur le dos, les yeux fermés… Dans la chute, sa moumoute se décolla et tomba près de lui. Milton Brabeck surgit brusquement dans la pièce, affolé :

— Les flics ! Il y en a partout. Avec le capitaine. Il veut voir le Prince.

Malko serra les dents et regarda le corps inerte à ses pieds. Impossible de tirer un coup de feu. Les Italiens les arrêteraient immédiatement. Et il n’était pas question d’engager une bataille rangée avec les carabiniers. Est-ce que l’émir allait leur échapper au dernier moment ? La petite boîte jaune tombée par terre lui donna soudain une idée. Derrière le store, il avait suivi la scène de séduction de l’émir. Il remit son pistolet dans sa ceinture et la ramassa. Puis, il tira le corps de l’émir jusqu’à ce que sa tête repose au-dessus de la fosse abritant la table en position basse. L’Arabe était face contre terre.

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15

Samba pour S.A.S.