Parlons sérieusement, c’est-à-dire froidement: vous reverrai-je? l’idée que non me fait frissonner. — Vous me direz: consolez-vous. Fort bien, mais comment? devenir amoureux? impossible. Il faut d’abord oublier vos spasmes — m’expatrier? m’étrangler? me marier? Tout cela présente de grandes difficultés, j’y répugne… Ha! vos lettres, à propos. Comment les recevrai-je? Votre tante ne veut pas de cette correspondance si chaste, si innocente (et le moyen… à 400 verstes). Il est probable que nos lettres seront interceptées, lues, commentées et puis brûlées en cérémonie. Tâchez de déguiser votre écriture et je verrai le reste. — Mais écrivez moi et beaucoup en long et en large et en diagonale (terme de géométrie). Voilà ce que c’est que diagonale. [195] Mais surtout donnez moi l’espérance de nous revoir. Si non, je tâcherai vraiment d’être amoureux autre part. J’oubliais: je viens d’écrire à Netty une lettre bien tendre, bien basse. Je raffole de Netty. Elle est naïve — et vous ne l’êtes pas. Pourquoi n’êtes vous pas naïve. N’est-ce pas que je suis beaucoup plus aimable par poste qu’en face? hé bien, si vous venez, je vous promets d’être extrêmement aimable — je serai gai lundi, exalté mardi, tendre mercredi, leste jeudi, vendredi, samedi et dimanche je serai tout ce qu’il vous plaira et toute la semaine à vos pieds. Adieu.
28 août.
Ne décachetez pas la lettre ci-jointe. Ce n’est pas bien. M-me votre tante s’en fâcherait.
Mais admirez comme le bon Dieu mêle les choses: M-me Ossipof décachette une lettre à vous, vous décachetez une lettre à elle, je décachette une lettre de Netty — et nous y trouvons tous de quoi nous édifier — vraiment c’est un charme! {29}
162. П. А. ОСИПОВОЙ
28 августа 1825 г.
Из Михайловского в Ригу.
Oui, madame, honny soit qui mal y pense. Ha, les méchants qui croient qu’une correspondance puisse mener à quelque chose! Serait-ce par expérience qu’ils le savent? mais je leur pardonne, faites en de même et continuons.
Votre dernière lettre (de minuit) est charmante; j’ai ri de tout mon coeur: mais vous êtes trop sévère envers votre aimable nièce; il est vrai qu’elle est étourdie, mais patience: encore une vingtaine d’années et elle se corrigera, je vous le promets; quant à sa coquetterie, vous avez tout-à-fait raison, elle est désolante. Comment ne pas se contenter de plaire à Sire Kern, puisqu’elle a ce bonheur? Non, il faut encore qu’elle tourne la tête à M-r votre fils, à son Cousin! arrivée à Trigorsky, il lui passe par l’esprit de captiver M-r Rokotof et moi; ce n’est pas tout: arrivée à Riga, elle voit dans sa maudite forteresse un maudit prisonnier, elle devient la coquette Providence de ce sacré каторжник! ce n’est pas tout, vous m’apprenez qu’il y a dans l’affaire encore des uniformes! ha, par exemple, c’en est trop: M-r Rokotof le saura, et nous verrons ce qu’il en dira. Mais, Madame, croyez-vous sérieusement qu’elle fasse la coquette indifféremment? Elle dit que non; j’aime à la croire, mais ce que me rassure encore plus, c’est que tout le monde n’a pas la même manière de faire la cour, et pourvu que les autres soient respectueux, timides et délicats, c’est tout ce qu’il me faut. Je vous remercie, Madame. de n’avoir pas rendu ma lettre, elle était trop tendre, et dans les circonstances actuelles, ce serait ridicule de ma part. Je m’en vais lui écrire une autre, avec l’impertinence qui me caractérise, et décidément je m’en vaisrompre avec elle; il ne sera pas dit que j’ai tâché de porter le trouble au sein d’une famille; que Ермолай Федорович puisse m’accuser de n’avoir pas de Principes et que sa femme puisse moquer de moi. — Que vous êtes aimable d’avoir trouvé le portrait ressemblant: «hardie dans etc.» N’est-ce pas? Elle dit encore que non; mais c’est fini, je ne la croirai plus.
Adieu, Madame, c’est avec bien de l’impatience que j’attends votre arrivée — nous médirons de la Netty du Nord que je regretterai toujours d’avoir vue, et encore plus de ne pas avoir possédée. Pardonnez cet aveu un peu trop sincère à celui qui vous aime bien tendrement quoique bien différemment.
Michailovs. {30}
163. К. Ф. РЫЛЕЕВУ
Вторая половина июня — август 1825 г.
Из Михайловского в Петербург.
(Черновое)
Мне досадно, что Рылеев меня не понимает — в чем дело. Что у нас не покровительствуют литературу, и что слава богу? зачем же об этом говорить? pour réveiller le chat qui dort [196]? напрасно. Равнодушию правительства и притеснению цензуры обязаны мы духом нынешней нашей словесности. Чего ж тебе более? загляни в журналы в течение шести лет посмотри, сколько раз упоминали обо мне, сколько раз меня хвалили поделом и понапрасну — а об нашем приятеле ни гугу, как будто на свете его не было. Почему это? уж верно не от гордости или радикализма такого-то журналиста, нет — а всякий знает, что, хоть он расподличайся, никто ему спасибо не скажет и не даст ни пяти рублей — так лучше ж даром быть благородным человеком. Ты сердишься за то, что я чванюсь 600-летним дворянством. (NB, мое дворянство старее). Как же ты не видишь, что дух нашей словесности отчасти зависит от состояния писателей? Мы не можем подносить наших сочинений вельможам, ибо по своему рождению почитаем себя равными им. Отселе гордость etc. Не должно русских писателей судить, как иноземных. Там пишут для денег, а у нас (кроме меня) из тщеславия. Там стихами живут, а у нас граф Хвостов прожился на них. Там есть нечего, так пиши книгу, а у нас есть нечего, служи, да не сочиняй. Милый мой, ты поэт и я поэт, но я сужу более прозаически и чуть ли от этого не прав. Прощай, мой милый, что ты пишешь?