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Les Syndics avaient tiré sur la position prévue de la flotte de l’Alliance des rafales de missiles et de mitraille dont la majeure partie avaient survolé ses vaisseaux. En revanche, la mitraille de l’Alliance ne pouvait pas rater sa cible et elle avait frappé de plein fouet le centre, relativement plus faible, de la flottille syndic. Compte tenu de la densité de sa formation et de la courte portée de ses tirs, ce déluge de billes d’acier avait anéanti les croiseurs légers et avisos syndics qui se trouvaient sur son passage, tandis que chatoyaient des éclairs marquant la fin de ces escorteurs. D’autres fulgurèrent quand la mitraille de l’Alliance frappa les boucliers des croiseurs lourds, cuirassés et croiseurs de combat au cœur de la flottille syndic. Alors que les vaisseaux des deux flottes adverses se croisaient à une vitesse invraisemblable, les lances de l’enfer lacérèrent leurs cibles et des champs de nullité s’épanouirent hors des croiseurs de combat et cuirassés de l’Alliance pour engloutir d’entières sections des bâtiments syndics.

La riposte syndic ne tarda pas à marteler les boucliers massifs et l’épais blindage des cuirassés de l’Alliance. Ceux-ci essuyèrent les plâtres, mais les tirs ennemis, affaiblis et pourtant toujours mortellement dangereux, flagellèrent les vaisseaux suivants de la flotte.

Le tout ne dura qu’une fraction de seconde, durant laquelle les humains ne purent se fier qu’à la résistance de leurs défenses, à la précision de leurs systèmes de visée automatisés et à leur bonne étoile. À présent que la formation de l’Alliance et la flottille syndic s’éloignaient l’une de l’autre à une vitesse fulgurante, Geary regarda les senseurs de la flotte en évaluer les résultats.

Les sept cuirassés et les trois croiseurs de combat syndics qui formaient le pivot de la flottille ennemie avaient affronté trente cuirassés et croiseurs de combat. Face à une puissance de feu trois fois supérieure à la leur et privés des champs de nullité qui conféraient à la flotte un énorme avantage à courte portée contre des vaisseaux aux boucliers déjà affaiblis, les Syndics avaient inéluctablement souffert. Leurs trois croiseurs de combat et deux de leurs cuirassés avaient explosé, un troisième s’était brisé en trois énormes morceaux, et les quatre cuirassés restants partaient à la dérive, durement éprouvés, leurs coques témoignant de larges éventrations dues aux frappes des champs de nullité, tandis que bien peu de leurs systèmes restaient opérationnels.

La liste des croiseurs et avisos syndics détruits ou hors de combat était d’une longueur gratifiante. Le cœur de leur flottille avait purement et simplement disparu.

« Exécution du jeu d’instructions de manœuvre numéro deux à T quatorze », annonça Desjani, dont l’excitation, dans le feu de l’action, triomphait enfin de son énervement contre Geary.

Ce dernier contrôlait en même temps le statut de la flotte et les mouvements de la flottille ennemie. Les Syndics faisaient pivoter leur formation vers la droite pour revenir sur la flotte de l’Alliance tout en maintenant leurs quatre sous-formations d’angle enchaînées les unes aux autres, sans doute parce qu’ils s’attendaient à voir leurs adversaires poursuivre leur route vers le point de saut. Mais, au lieu de cela, leur corps principal recommença à se dissoudre, tandis que croiseurs de combat, croiseurs légers et nombre de destroyers piquaient vers le bas pour se regrouper en une nouvelle formation et que cuirassés, croiseurs lourds, auxiliaires, bâtiments endommagés et destroyers restants se rapprochaient les uns des autres pour incurver leur trajectoire vers le haut.

Geary eut soudain l’impression d’avoir avalé de la mitraille : son écran crépitait d’alarmes signalant de graves dommages ou la destruction de vaisseaux de l’Alliance. Dans le sillage de la flotte, un symbole en surbrillance marquait l’emplacement d’un champ de débris en expansion : tout ce qui restait de l’Exemplaire, son dernier cuirassé de reconnaissance. Plus petits que les cuirassés mais plus gros que les croiseurs, les cuirassés de reconnaissance avaient sans doute paru indispensables à certains, mais ils avaient souffert du compromis présidant à leur conception. À l’instar de ses congénères détruits lors d’engagements précédents, l’Exemplaire était assez volumineux pour attirer davantage le feu ennemi sur lui, mais trop petit pour le soutenir.

Aucun cuirassé de l’Alliance n’était hors de combat, mais les Syndics avaient concentré leurs tirs sur le Résolution et le Redoutable quand ils avaient engagé le combat, et ces deux bâtiments avaient essuyé de très graves dommages à l’avant. Le Résolution, qui souffrait également d’avaries à ses unités de propulsion, s’efforçait de rester à la hauteur de la flotte mais perdait progressivement du terrain sur les autres vaisseaux.

Le croiseur de combat Incroyable dérivait à la traîne de la flotte, ses unités de propulsion encore plus endommagées pendant qu’il protégeait les auxiliaires. Quelques-unes de ses armes étaient toujours opérationnelles, mais ce n’était plus désormais qu’une cible facile, dont l’équipage devait prier pour qu’il restât à l’écart des combats jusqu’à ce qu’il eût récupéré une partie de sa capacité de propulsion.

Les croiseurs lourds Tortue, Brèche, Kurtani et Tarian étaient éliminés, et il ne restait plus des deux premiers que des débris. Les croiseurs légers Kissaki, Cimier et Trunnion n’existaient plus, et les destroyers Épine, Yatagan, Fente et Arabas avaient été détruits.

Geary n’avait tout bonnement pas le temps matériel de procéder à l’inventaire des moindres dommages dont avait souffert la flotte pendant cette première passe d’armes.

Là où s’étaient télescopées les deux formations, l’espace était saturé d’essaims de modules de survie, rescapés des vaisseaux détruits de l’Alliance mêlés aux Syndics qui avaient abandonné leur bâtiment en perdition.

Pire, la seconde salve de missiles tirée par les Syndics au moment où les deux forces s’interpénétraient avait frappé très sérieusement l’un des bâtiments que Geary ne pouvait pas se permettre de perdre. « Toutes les unités de propulsion du Gobelin sont HS, rapporta la vigie des opérations. Les impacts de deux missiles ont fortement endommagé sa proue. Délai estimé pour la récupération partielle de sa capacité de propulsion, une heure au minimum. »

Geary observa la course de l’auxiliaire dans l’espace alors que le Gobelin blessé, incapable de l’altérer ni d’accélérer, épousait celle des épaves et débris consécutifs à l’engagement tout en s’écartant des autres vaisseaux de la flotte selon une trajectoire incurvée. Prolonger par simulation cette trajectoire tout en la comparant aux mouvements des Syndics débouchait sur une déplaisante constatation : « Le Gobelin n’a aucune chance de s’en tirer. Peut-on me confirmer que le délai probable avant que les Syndics ne le frappent est d’environ vingt-cinq minutes ?

— Confirmé, capitaine, répondit aussitôt la vigie des opérations. Vingt-quatre selon mon estimation. »

Beaucoup trop court, puisqu’il faudrait au moins une heure au Gobelin pour recouvrer sa capacité de propulsion ; et, de toute manière, la moitié de ses unités de propulsion se fussent-elles miraculeusement rétablies à l’instant même que le poussif auxiliaire n’aurait pas pu en réchapper. Pas plus que la flotte de l’Alliance ne pouvait revenir sur ses pas à temps pour tenter d’interdire une passe d’armes aux Syndics. Geary poussa un soupir et appuya sur une touche. « Gobelin, ici le capitaine Geary. Je recommande l’abandon sans délai du vaisseau, assorti de l’autodestruction de son réacteur dans vingt minutes. » Il comptait bien gagner cette bataille, mais l’issue restait douteuse et il ne pouvait pas prendre le risque de la capture d’un Gobelin intact.