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— Ils éclairent un fortin. Balancez-lui un caillou ! »

Desjani, qui regardait et écoutait comme lui, secoua la tête. « Nous l’emportons ?

— Je crois. » Geary se tourna vers la vigie des systèmes de combat qui venait de l’interpeller ; « Capitaine, les fantassins demandent de très nombreux bombardements.

— Toutes les frappes en dehors de la zone de sécurité de cent mètres qui entoure nos gars sont censément approuvées automatiquement, répondit Geary d’une voix un tantinet agacée.

— Oui, capitaine, mais nous répondrions plus vite à ces requêtes si leur gestion était assurée à cent pour cent par les systèmes automatisés, comme dans un combat contre des vaisseaux. »

Geary secoua la tête. « Lieutenant, nous y gagnerions peut-être quelques secondes en délai de réaction, mais les fantassins ont demandé que chaque frappe soit vérifiée par des yeux humains avant d’être définitivement approuvée, afin de s’assurer qu’elle visera la bonne cible. Pas question de contrecarrer leurs exigences. » Le lieutenant semblait mécontent, aussi Geary prit-il le temps de lui expliquer : « Quand nous engageons le combat avec des vaisseaux, nous sommes contraints de laisser aux systèmes de visée automatisés l’acquisition et le verrouillage des cibles. Compte tenu des vélocités impliquées, il est physiquement impossible aux sens humains de réagir assez promptement. Mais ces Syndics et nos fantassins ne se déplacent pas à une fraction appréciable de la vitesse de la lumière. Nous pouvons donc nous permettre d’intervenir dans le processus. Si jamais vous avez vent de retards exagérés dans l’approbation d’une demande de frappe, informez-m’en. Je peux vous garantir que les fantassins seront les premiers à nous faire part de leur mécontentement.

— À vos ordres, capitaine. » Le lieutenant reprit sa tâche, à peine confus.

« Vous êtes très tolérant avec les lieutenants, fit remarquer Desjani sans quitter son écran des yeux.

— J’en ai été un moi-même. Tout comme vous. » À l’instar de Desjani, Geary concentrait pratiquement toute son attention sur la situation, mais il accueillait favorablement toute diversion susceptible de soulager sensiblement la tension. Il la soupçonnait de sentir à quel point il était crispé et de s’efforcer de le distraire.

« Pas moi, répondit-elle. Je suis née capitaine d’un croiseur de combat.

— Votre mère a dû en souffrir. »

Elle sourit. « Maman est dure à la tâche, mais même elle n’avait pas envie de voir des spatiaux dans la salle de travail. » Sur ces mots, son sourire s’évanouit, une transmission à haute priorité venant de leur parvenir par le réseau de l’infanterie :

« Troisième compagnie clouée au sol ! »

Geary afficha des fenêtres jusqu’à trouver les images transmises par la cuirasse de combat du lieutenant responsable de cette unité : en l’occurrence des murs brisés et éventrés vibrant ou explosant sous l’impact de tirs ennemis. « Fortins dérobés lourdement armés, lâcha le lieutenant. Nous avons dû tomber sur une sorte de zone fortifiée façon citadelle. Ils y ont la supériorité de l’armement et nous subissons de nombreuses pertes. »

La voix du colonel Carabali se fit entendre : « Pouvez-vous vous replier par étapes vers le centre du camp, lieutenant ?

— Négatif, mon colonel, négatif ! » L’image transmise par le lieutenant tressauta ; quelque chose venait d’exploser assez violemment pour culbuter les fantassins les plus proches. « Nous ne pouvons pas nous déplacer sans tomber sous le feu ennemi. Demandons tout le soutien disponible de la flotte. » Geary vit s’afficher des cartes tactiques sur l’écran frontal de l’officier puis il le vit marquer une vingtaine de cibles encerclant grossièrement les symboles désignant les positions de sa troisième compagnie. « Demandons bombardement de soutien sur les coordonnées suivantes. Le plus tôt possible.

— Nous recevons une autre demande de bombardement de soutien de la part des fantassins, capitaine, rapporta la vigie des systèmes de combat. Mais les cibles se trouvent à l’intérieur des paramètres de sécurité. »

L’image du colonel Carabali apparut à Geary pendant qu’il vérifiait. « Ma troisième compagnie a besoin de tirs de soutien, capitaine Geary. Et sans délai.

— La plupart de ces cibles ne se trouvent qu’à cinquante mètres de vos hommes, colonel. Parfois même à vingt-cinq.

— Je sais, capitaine. C’est là qu’est l’ennemi.

— Nous lâchons des cailloux dans l’atmosphère, colonel. Je ne peux pas vous garantir que nos frappes épargneront vos hommes.

— Nous en sommes conscients, capitaine, affirma Carabali. Le lieutenant le sait. Mais il en a besoin. C’est l’officier supérieur sur site. Il a demandé qu’on frappe ces cibles en dépit des risques encourus par ses propres forces. Approuvez la demande et procédez le plus tôt possible au marmitage, capitaine. »

Geary la regarda droit dans les yeux. Carabali comprenait le danger aussi bien que lui, mais elle se fiait au jugement de son subordonné sur site. Le commandant en chef de la flotte ne pouvait guère faire moins. « Très bien, colonel. Ça vient. » Il se tourna vers Desjani. « Comment optimiser la précision d’un bombardement au sol ? »

Desjani montra les deux paumes. « Dans l’atmosphère et malgré toute la ferraille que nous leur avons déjà balancée ? En plaçant en orbite basse le vaisseau chargé de ce bombardement. La plus basse possible. Mais ça risque de l’exposer aux tirs de surface.

— D’accord. » Un bref coup d’œil à l’hologramme lui permit de déterminer le candidat idéal : un cuirassé. Grâce à sa puissance de feu et son blindage massif, il avait de plus grandes chances de survivre à la riposte ennemie. « Écume de guerre, adoptez la plus basse orbite possible et exécutez aussitôt la mission suivante de tir de soutien.

— Ici Écume de guerre. Bien reçu.

— Capitaine, nous détectons des appareils aériens en route vers le camp de prisonniers. Profil militaire et tous dotés de grandes capacités furtives.

— Abattez-les », ordonna Geary.

Des lances de l’enfer jaillirent de l’orbite vers la surface, dessinant autour des avions des résilles de particules à haute énergie. Contre tous les vaisseaux de l’Alliance qui orbitaient dans l’espace au-dessus de la planète, un avion n’avait aucune chance. Si difficile qu’il fût de les repérer, le seul impact direct d’une lance de l’enfer aurait suffi à les liquider et l’air en était saturé. « Tous les avions sont regardés comme détruits. L’Écume de guerre ouvre le feu. »

Sur l’image transmise par le lieutenant de la troisième compagnie, les murs commencèrent de s’effondrer vers l’intérieur, tandis que le sol se livrait à une danse féroce et ininterrompue à mesure que l’Écume de guerre pilonnait ses cibles de petits projectiles cinétiques et de lances de l’enfer. Les images ne tardèrent pas à se voiler d’un halo, poussière et particules saturant l’air autour du lieutenant, jusqu’à ce que la transmission soit coupée.

« Nous avons perdu la connexion avec la troisième compagnie de fantassins, déclara la vigie des communications. Le bombardement et les lances de l’enfer ont à ce point pollué l’atmosphère que le signal ne passe plus. Nous nous efforçons de rétablir le contact, mais il s’en faudra peut-être de plusieurs minutes. »

Mais restait-il encore quelqu’un avec qui le rétablir ? Cette pensée eut tout juste le temps de se former dans la tête de Geary avant qu’une autre vigie n’intervienne.

« Largage de missiles depuis l’installation orbitale Alpha Sigma. Trois missiles. Probablement des ogives nucléaires pour bombardements orbitaux. Trajectoire initiale vise le site du camp. Les systèmes de combat préconisent déviation des vecteurs du croiseur léger Octave et des destroyers Shrapnel et Kris pour les intercepter, et le lancement de projectiles cinétiques par le Vengeance pour détruire cette installation.