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Geary comprit : « Vous voulez abuser les commandos syndics en leur laissant croire que leur cible est toujours sur place, jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour qu’ils s’en prennent à la véritable évacuation.

— Oui, capitaine. Mais je dois aussi maintenir une force d’appui, et, quand j’aurai fini d’exfiltrer tout mon monde, ils se seront beaucoup rapprochés. Nous pouvons les ralentir mais pas les arrêter. » Une fenêtre s’ouvrit sur l’écran de Geary, montrant l’hologramme de planification tactique de Carabali. « Je compte la placer ici et là, hors de la ligne de mire de commandos syndics arrivant sur elle de ces deux directions. Il me faudra aussi poster des pelotons de fantassins ici, ici et là. » De grossiers arcs de cercle, formés de symboles représentant chacun un fantassin, apparurent sur l’écran. « Tout de suite après le décollage de ma dernière navette d’évacuation, trois autres se poseront le long de la lisière du terrain d’atterrissage, aux points les plus proches de mes gars. Et les trois derniers pelotons piqueront un sprint d’enfer pour les rejoindre et dégager. Les mulets seront réglés pour s’autodétruire immédiatement après. »

Geary étudia le plan en hochant la tête. « Si jamais les Syndics flairaient le piège et déclenchaient aussitôt leurs grenades nucléaires, est-ce que ça laissera aux dernières navettes le temps de se mettre à l’abri ?

— Je ne sais pas, capitaine. Probablement pas, mais c’est ma meilleure option.

— Un petit instant, colonel. » Geary se tourna vers Desjani pour lui exposer le problème. « Qu’en pensez-vous ? Y a-t-il autre chose que nous puissions faire contre un ennemi armé de grenades nucléaires, si proche du site d’évacuation des nôtres ? »

Desjani baissa pensivement la tête, plongée dans ses réflexions, puis releva les yeux. « On pourrait essayer quelque chose. Je n’étais encore que sous-officier, mais, autant qu’il m’en souvienne, ça a très bien fonctionné dans le système stellaire de Calais. La situation était presque identique et l’ennemi arrivait juste après le décollage des dernières navettes.

— De quoi s’agit-il ? »

Desjani esquissa un sourire torve. « Nous avons déclenché un bombardement intensif destiné à croiser la route des navettes d’évacuation pour ne frapper la surface que lorsqu’elles auraient pris assez d’altitude pour se trouver hors de danger.

— Vous voulez rire ? Larguer une telle quantité de cailloux dans le même espace aérien que celui que traversent vos propres navettes ? Qu’est-ce que leurs pilotes ont pensé de ce plan ?

— Ils ont hurlé au meurtre. Les évacués n’étaient pas non plus très enthousiastes. Mais nous pourrions recourir au même stratagème que là-bas, en téléchargeant dans les pilotes automatiques des navettes les trajectoires prévues de chacun des projectiles du bombardement. Théoriquement, ils sont capables de louvoyer entre les cailloux et de grimper assez haut avant que ceux-ci ne commencent à frapper la surface en en projetant des fragments jusqu’au ciel. »

Geary réfléchit. Ça ne lui plaisait pas. Mais… « Ça a fonctionné à Calais, dites-vous ?

— Oui, capitaine. Enfin… globalement. Tous les cailloux n’ont pas traversé l’atmosphère en épousant la trajectoire prévue. Mais, à Calais, le nombre des navettes à qui nous avons fait traverser ce barrage était bien plus important qu’ici. »

Globalement. Geary rappela Carabali. « Colonel, nous disposons peut-être d’un moyen d’appuyer votre décollage final. » Il lui donna les grandes lignes du concept décrit par Desjani. « À vous de décider si nous tentons le coup ou pas. »

Apparemment, il avait enfin réussi à surprendre Carabali, du moins si ce que trahissait son visage était de la stupeur et non de l’horreur. Mais le colonel exhala et hocha la tête. « Si nous ne le tentons pas, capitaine, nous risquons de perdre ces trois pigeons et leurs fantassins. Ce stratagème a au moins le mérite de leur offrir une meilleure chance de s’en tirer. Je vais avertir les pilotes de ces trois dernières navettes.

— Si aucun ne se portait volontaire, prévenez-moi que je puisse les remplacer. »

Carabali se renfrogna légèrement. « Ils se sont d’ores et déjà portés volontaires, capitaine. Ils appartiennent tous les trois à l’infanterie spatiale. Veuillez me faire part des détails du bombardement quand vous les connaîtrez.

— Certainement. » Geary coupa la connexion, se rejeta en arrière et inspira profondément. « Très bien, tout le monde. Nous allons adopter le plan du capitaine Desjani. Il faudra minuter le bombardement avec la plus extrême précision si nous voulons laisser une chance à ces navettes.

— Ce n’est pas exactement mon plan, marmotta Desjani avant de passer à l’action. Lieutenant Julesa, lieutenant Yuon, enseigne Kaqui, affichez le plan d’évacuation des fantassins tel qu’il a été récemment amendé par le colonel Carabali et soumettez un plan de bombardement aux systèmes de combat. Il devra saturer la zone que les navettes viennent de quitter et être synchronisé avec l’heure butoir des fantassins, afin de frapper la surface cinq secondes après qu’elles se seront soustraites à la zone d’impact.

— Et si une ou plusieurs navettes avaient un problème ou étaient retardées, commandant ? demanda Yuon.

— Partez du principe qu’il n’y aura pas de retard. Les trois derniers pigeons devront décoller exactement à temps, faute de quoi les Syndics les détruiront. Il me faut ce plan de bombardement il y a cinq minutes. »

Les vigies se mirent à l’œuvre pendant que Geary observait son écran. Sur la section de celui-ci montrant le champ de bataille, il voyait les symboles représentant l’ennemi apparaître et disparaître subitement, à mesure que les senseurs des fantassins captaient des signes de la présence des commandos syndics. Les fantassins tiraient chaque fois qu’ils détectaient un mouvement, mais sans jamais faire mouche, visiblement, sur des cibles mouvantes extrêmement difficiles, se déplaçant dans un environnement truffé de planques. Alors que les commandos se rapprochaient de plus en plus du terrain d’atterrissage, les fantassins se repliaient lentement en tentant de maintenir un écran entre les Syndics et le centre du camp.

Sur le champ d’atterrissage proprement dit, les derniers prisonniers libérés s’entassaient encore dans les navettes et le colonel Carabali battait le rappel de ses autres hommes. On apercevait sur l’écran les deux mulets persans, s’employant diligemment à transmettre les signes de la présence de troupes importantes à proximité du terrain.

Nombre de facteurs devraient fonctionner correctement. Geary détestait l’idée d’en dépendre.

« Bizarre, n’est-ce pas ? lâcha Desjani. C’est exactement comme à Corvus, quand nous avons eu affaire à des commandos des Forces spéciales syndics en mission suicide.

— Ça y ressemble, j’imagine, convint-il.

— Vous n’avez pas tué ceux de Corvus. » Elle lui jeta un regard inquisiteur. « Mais vous allez liquider ceux-là.

— En effet. À Corvus, je cherchais à démontrer à ces commandos la vanité de leur tentative et à leur refuser le martyre. Ici… (il montra l’hologramme) ils auront droit à leur martyre, mais ils n’en rempliront pas leur mission pour autant. En revanche, nous mènerons la nôtre à son terme en dépit de tous leurs efforts, et nous ôterons tout sens à leur sacrifice. Quoi qu’il en soit, le seul moyen de les arrêter est de les faire sauter.