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Allait-il pouvoir enfin se détendre ?

Cinq minutes plus tard, le lieutenant Iger le convoquait de toute urgence dans la section du renseignement.

Sept

Les visites au lieutenant Iger étaient d’ordinaire riches d’enseignements et quelquefois très surprenantes. Jamais de façon très agréable, si Geary se fiait à sa propre expérience, mais les nouvelles déplaisantes se révèlent souvent d’une importance critique.

Dans la mesure où Iger n’avait pas l’air content à son arrivée, Geary en déduisit qu’il s’agissait encore d’une mauvaise nouvelle. « Annoncez-moi que la guerre civile dans ce système stellaire ne nous créera plus d’ennuis, lieutenant.

— Euh… non, capitaine. Elle ne devrait plus nous en poser. Il s’agit d’un problème tout à fait différent.

— Oh. Merveilleux ! Un gros problème ?

— Oui, capitaine. Très gros. »

Sentant poindre une migraine, Geary se massa la nuque. « Très bien. Accouchez.

— Nous avons analysé les communications syndics dans ce système stellaire, capitaine Geary, commença Iger. C’est-à-dire les messages qui avaient déjà été émis à notre arrivée. C’est la procédure standard, destinée à identifier les échanges courants et les communications importantes, pour tenter de les décrypter et de les déchiffrer de notre mieux. Nous avons tout de suite remarqué une concentration de communications à très haute priorité nettement supérieure à la normale. Encore une fois, c’était avant l’effondrement de l’autorité centrale. »

Geary hocha la tête. La limitation de la vitesse de la lumière posait d’habitude un problème, mais pas quand on tentait d’intercepter des messages émis quelques heures ou jours plus tôt, avant que quiconque dans le système stellaire ait eu vent de l’irruption de l’ennemi. Ceux-là continuaient de sortir du système à la vitesse de la lumière, il suffisait de les trouver. « Une idée de leur teneur ? Les Syndics pensaient que nous venions ici et ça devait les turlupiner.

— Non, capitaine, pas tous. Nous avons réussi à décoder partiellement certains des messages à haute priorité interceptés. » Iger se retourna pour taper sur des touches et afficher une succession de lignes de données. « Ce sont les transcriptions de transmissions orales et de messages textuels sous diverses formes. Ces communications officieuses sont souvent les plus utiles parce que les gens parlent sans réfléchir. Il y a dans ce fatras plusieurs allusions à quelque chose que nous n’avions encore jamais rencontré. Ici, là et encore là. »

Geary parcourut les lignes indiquées en fronçant les sourcils. « Flottille de réserve ? Vous n’aviez jamais entendu les Syndics employer ces termes ?

— Non, capitaine. Une recherche dans les bases de données du renseignement n’a permis d’identifier que trois occurrences de cette formule au cours des dernières décennies. Nous ne disposons d’aucune donnée réelle, seulement de la certitude que les Syndics se sont servis de la désignation “flottille de réserve”, sans aucun moyen de déterminer ce qu’elle recouvrait exactement. » Iger pointa une autre ligne. « C’est un bon de commande. Nous avons réussi à décoder une bonne partie de ce message parce que nous savons comment les Syndics formatent ces demandes de fournitures et que nous connaissons donc la signification de certains paragraphes. Ces lignes-ci relèvent globalement de la requête, et cette partie-là se rapporte à la demande qu’Héradao devait censément satisfaire. La rigidité de leur logistique est caractéristique des Syndics. Si l’on veut approvisionner en vivres un croiseur de combat de classe D pour une soixantaine de jours, on commande une quantité x de telle denrée, une quantité y de telle autre et ainsi de suite.

— Une masse effroyable de x et de y, dirait-on, fit remarquer Geary en parcourant le bon.

— Oui, capitaine. » Iger expira longuement. « Si l’on part du principe qu’il s’agit effectivement d’une demande d’approvisionnement standard pour soixante jours, courante chez les Syndics, et du panachage habituel d’unités combattantes, cette requête tendrait à couvrir les besoins d’une force composée de quinze à vingt cuirassés, quinze à vingt croiseurs de combat et entre cent et deux cents croiseurs lourds, croiseurs légers et avisos. »

Geary sentit diverses réactions, dont certaines très négatives, se faire jour en lui. Comment les Syndics pouvaient-ils encore disposer d’une flotte de cette envergure ? La sienne avait combattu héroïquement et sans doute subi de sérieuses pertes, mais au moins le chemin du retour semblait-il enfin dégagé. Jusque-là. Il s’efforça de se concentrer sur les questions les plus constructives. « Ça n’a absolument aucun rapport avec celle que nous venons de détruire ?

— Non, capitaine. C’était destiné à l’extérieur du système.

— Vous en concluez donc qu’il existe encore une force syndic de cette importance dans un système stellaire voisin ?

— Oui, capitaine. » Il fallait au moins reconnaître à Iger qu’il ne cherchait pas à tourner autour du pot pour annoncer les mauvaises nouvelles.

« Comment ? Comment les Syndics auraient-ils pu rassembler une force de cette dimension sans que nos services du renseignement en aient eu vent avant aujourd’hui ? »

Iger pointa de nouveau l’index. « Nous ne pouvons que le pressentir, capitaine, mais il me semble que nous visons juste. Certains échanges de messages, concernant selon nous cette flottille de réserve, font allusion à deux systèmes stellaires. Surt et Embla.

— Surt ? Embla ? » Ces noms lui étaient vaguement familiers, sans qu’il s’en rappelât la raison. « Où se trouvent-ils ? Pas moyen de m’en souvenir.

— Parce qu’ils sont très éloignés de l’espace de l’Alliance, expliqua Iger en s’approchant de l’hologramme des étoiles qui flottait tout près. Là. Sur la frontière syndic la plus éloignée. »

Brusquement, tout se mettait en place. « Une flottille de réserve. Maintenue par les Syndics sur leur frontière avec les extraterrestres au cas où ceux-ci les attaqueraient.

— Oui, capitaine, admit Iger. C’est sans doute l’explication la plus logique. Une flotte à ce point distante que l’Alliance a été incapable de recueillir des indications sur elle et ne s’est jamais doutée de son existence. Mais, maintenant, les Syndics redoutent tellement de nous voir rentrer chez nous avec la clé de leur hypernet qu’ils l’ont rappelée pour tenter de nous barrer la route.

— Malédiction ! Manquait plus que ça !

— En effet.

— Une petite idée de sa position actuelle ? demanda Geary en scrutant l’hologramme.

— Pas bien loin d’ici, avança Iger. Dans un système stellaire à un ou deux sauts d’Héradao. C’est notre estimation la plus précise. Ou du moins s’y trouvait-elle encore récemment.

— Kalixa ? Depuis Dilawa, c’était une des destinations qui s’offraient à nous. Elle aurait pu y défendre le portail de l’hypernet et celui-ci lui aurait permis de changer rapidement de position si nous décidions finalement d’éviter Kalixa. »

Iger opina. « C’est une bonne déduction, capitaine. Mais les vaisseaux de la flottille de surveillance d’Héradao ne tarderont pas à gagner Kalixa pour lui apprendre que nous sommes ici, de sorte qu’elle va sûrement se poster dans un système stellaire sur notre route pour tenter de nous bloquer le passage. »