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Il entra une commande. Le message du Lorica se matérialisa au-dessus de la table ; le logiciel de conférence avait fait en sorte qu’il fût lisible par tous. « Vous vous souvenez sans doute du premier ver implanté dans les systèmes opérationnels de la flotte, celui qui aurait interdit le fonctionnement de la plupart des unités de propulsion par saut à l’exception de celles de quelques vaisseaux qui, comme l’Indomptable, se seraient retrouvés piégés à tout jamais dans l’espace du saut. » Il montra le message. « Ceci nous permet de déterminer la seule information qui nous manquait, le vaisseau d’où provenait ce virus. » Tout le monde fixait Geary quand il reporta le regard et toute son attention sur Kila. « En l’occurrence de l’Inspiré, capitaine Kila. »

Cette déclaration eut l’air de la stupéfier. « Vous êtes sûr ?

— Oui, capitaine Kila. Auriez-vous l’obligeance de nous expliquer comment il se fait que votre bâtiment est à l’origine de logiciels malveillants qui visent traîtreusement vos collègues de la flotte ?

— Je n’ai cure de vos sous-entendus, capitaine Geary ! aboya-t-elle.

— Nous devrions envoyer tout de suite à l’Inspiré l’ordre d’arrêter les coupables, affirma Badaya avec véhémence. Faites-le avant qu’ils ne soient au courant. »

Kila se tourna vers Badaya. « Ce message n’a toujours pas été authentifié. Provient-il vraiment du Lorica ? Et, si c’est le cas, est-il authentique ou falsifié ? Je peux garantir à tous les officiers présents que, si j’avais été informée d’une telle affaire, j’aurais moi-même veillé à ce que les coupables fussent traduits devant la justice ! Quant à votre proposition, capitaine Badaya, je suis parfaitement capable d’ordonner moi-même l’arrestation de ces officiers et de leur faire avouer tout ce qu’ils savent. »

Si Rione ne lui avait pas soufflé d’y prêter attention, Geary n’aurait sans doute pas remarqué qu’une main de Kila s’était dérobée au regard durant ses fougueuses dénégations. Une main « parfaitement capable » de manipuler des contrôles à l’insu du logiciel de conférence, « Le message peut être examiné par toute personne cherchant à établir son authenticité, rétorqua-t-il en s’efforçant de s’exprimer d’une voix égale alors que l’envie de lui répondre en hurlant le démangeait. Tous les officiers des communications et de la sécurité qui l’ont étudié jusque-là ont conclu que sa source était le Lorica. Vous ignoriez que le virus provenait de votre vaisseau ?

— Évidemment ! » Kila balaya la salle des yeux puis son regard se fixa sur Duellos. « C’est toi qui as monté cela de toutes pièces, pas vrai ? L’amoureux depuis longtemps éconduit prend enfin sa revanche ! »

Duellos secoua la tête ; feindre l’innocence lui était aisé, dans la mesure où il n’avait pas été prévenu de l’existence du message, mais le mépris que lui inspirait Kila crevait encore les yeux. « J’aurais cru qu’un commandant de vaisseau se soucierait moins de sa petite personne et davantage de découvrir la source de ce virus à bord de son vaisseau.

— Les responsables devront en rendre compte, déclara Kila en se levant. Je dois aller superviser l’enquête à mon bord avant qu’ils n’aient vent de cette information. Pourvu, du moins, ajouta-t-elle aussitôt, que ce message censé provenir du Lorica soit authentique. »

Geary jeta encore un regard à Carabali pendant que le colonel de l’infanterie prêtait l’oreille à des propos inaudibles pour l’assistance puis hochait une dernière fois la tête. Geary adressa à Kila un sombre sourire. « Nous devrions peut-être commencer par interroger l’officier de la sécurité de votre vaisseau, ne croyez-vous pas, capitaine Kila ? Ainsi que celui des communications et votre second.

— Bien sûr ! Si vous me laissez procéder à mes investigations, je veillerai à ce qu’ils ne soient pas avertis de l’existence de cette preuve avant d’avoir eu le temps de…

— L’enquête est déjà en cours, la coupa Geary. Pourriez-vous mettre l’assemblée au courant, colonel Carabali ? »

Carabali évitait de regarder Kila. « Sur les ordres du capitaine Geary, mes fantassins affectés à l’Inspiré ont attendu le début de cette conférence pour placer sous garde préventive le second et les officiers de la sécurité et des communications de ce vaisseau », expliqua-t-elle d’une voix neutre, en affichant un masque tout professionnel.

Les images des commandants dévisageaient tantôt Carabali, tantôt Geary ou Kila. Geary espérait qu’il n’avait pas trop l’air de triompher. Quant au visage de Kila, s’il ne révélait strictement rien, il affichait à présent une rigidité bien peu naturelle.

« Ces officiers aux arrêts ont été placés dans une cellule de haute sécurité à isolement maximal, et on les a fouillés pour vérifier qu’ils ne portaient rien de dangereux pour eux ni pour l’Inspiré. Ces cellules sont dotées d’un ancien système d’isolation totale, connu sous le nom de “cage de Faraday”, qui bloque toutes les radiations émises de l’intérieur comme de l’extérieur. Nous maintenons les communications avec eux par le biais de messages matériels filtrés par une succession de verrous protégés. » Carabali s’interrompit un instant puis regarda Kila droit dans les yeux. « Il y a trois minutes environ, les contrôles effectués sur l’officier de la sécurité des systèmes et celui des communications ont révélé la présence de NDNI. Voilà une minute, les senseurs placés à l’extérieur des cellules ont détecté et effacé une série de signaux utilisés dans les transmissions codées à haute sécurité. Ces signaux ont été émis de l’intérieur de l’Inspiré. »

Le capitaine Tulev rompit le bref silence qui s’ensuivit. « Des NDNI, dites-vous ?

— Des nanodisrupteurs neuronaux injectés, expliqua Carabali. Communément surnommés “friture de cervelle” en raison des effets qu’ils exercent sur le système nerveux une fois activés. On peut les injecter à un individu à son insu, pourvu qu’il soit distrait. Les signaux interceptés semblaient précisément destinés à déclencher ces fritures de cervelle. » Cette fois, le silence s’éternisa. « Quelqu’un aurait-il tenté de tuer ces trois officiers ? s’enquit finalement Badaya sur le ton de l’incrédulité.

— Ceux de la sécurité et des communications, indubitablement. Nous examinons toujours le second pour vérifier si ces NDNI sont présents dans son organisme. » Carabali ne quittait pas Kila des yeux. « Comme je viens de le dire, ces signaux étaient émis depuis l’Inspiré. »

Le regard de Desjani était également verrouillé sur Kila, telle une batterie de lances de l’enfer s’apprêtant à tirer. « Curieux, non, qu’on ait tenté de tuer ces officiers juste après que nous avons appris, à l’occasion de cette conférence, que le ver d’origine provenait de l’Inspiré ? Qui à son bord aurait pu savoir qu’on allait les interroger ? »

Duellos hocha la tête ; il affichait un masque aussi dur que le blindage d’un cuirassé. « Il ne sera pas inintéressant de savoir qui ils dénonceront en apprenant qu’on a tenté de les tuer. Pour les réduire au silence ? Pour les faire passer pour les coupables ? Nous nous serions retrouvés avec trois officiers morts sur les bras et, peut-être, une preuve convaincante qu’ils se seraient donné la mort en apprenant qu’on les soupçonnait. »