Выбрать главу

— Ouais. Une fois la flotte réapprovisionnée et nos pertes remplacées dans la mesure du possible. » Geary haussa les épaules. « C’est du moins ce que je préconiserais. Même si je n’en ai aucune envie. »

Tanya lui jeta un regard qui lui fit comprendre, l’espace d’un instant, qu’elle savait pertinemment de quoi il avait envie, mais que ni elle ni lui n’étaient encore autorisés à suivre cette voie. Puis cette lueur s’éteignit et il se retrouva de nouveau face au capitaine Desjani. « Ensuite seulement nous pourrons nous occuper des extraterrestres.

— En ce cas, tâchons de décider de la manière dont nous nous y prendrons. Du moins s’ils ne nous ont pas directement attaqués entre-temps. Si nous rentrons chez nous. Si je reste aux commandes de la flotte. Les hypothèques sont nombreuses. C’est complètement dément, ne trouvez-vous pas ? Nous avons échappé maintes fois à la destruction en nous efforçant de nous soustraire au piège tendu par les Syndics, et voilà que je propose d’y retourner. »

Desjani sourit à nouveau. « Si votre démence est contagieuse, j’espère que vous mordrez tous les amiraux que vous croiserez. »

Geary ne put réprimer un rire. « Nous mettons la charrue devant les bœufs. Nous sommes encore à un saut et une flottille de réserve syndic de l’Alliance.

— Eh bien, capitaine Geary, préparons-nous à botter le cul de quelques Syndics afin de pouvoir effectuer ce saut.

— Ça me paraît une excellente idée, capitaine Desjani. Montons sur la passerelle. »

Deux heures plus tard, Geary regardait s’écouler les dernières secondes du compte à rebours avant que la flotte de l’Alliance ne quitte l’espace du saut. En se demandant si ses pires appréhensions n’allaient pas se vérifier, si des rafales de missiles et de mitraille n’allaient pas accueillir la flotte de l’Alliance dès son émergence dans l’espace conventionnel d’Atalia. Auquel cas, si jamais cette version à échelle réduite de l’embuscade qui l’avait conduit à prendre le commandement de ce qui restait de la flotte dans le système mère syndic se produisait, il pourrait s’estimer heureux de conserver en un seul morceau la moitié de ses vaisseaux dès le début de l’engagement.

« Parés à quitter l’espace du saut, annonça la vigie des opérations.

— Soyez prêts à faire feu, ordonna Desjani. Réglez les armes en tir automatique dès qu’elles identifient des cibles à l’intérieur de leur enveloppe d’engagement. »

Les mêmes ordres étaient transmis à tous les vaisseaux. Assis dans son fauteuil, Geary, tendu, se demandait si dans quelques secondes la flotte de l’Alliance n’allait pas se jeter dans la mêlée la plus désespérée qu’elle ait connue depuis qu’elle avait quitté le système mère syndic.

« Sortie de l’espace du saut dans cinq, quatre, trois, deux, une seconde. Émergence. » Les étoiles réapparurent.

L’Indomptable fit un saut de carpe, tandis que les autres vaisseaux se préparaient à une manœuvre évasive préétablie. Il fallut à Geary un bon moment pour comprendre ce qu’il avait sous les yeux, à mesure que les senseurs de la flotte réactualisaient rapidement les données de son hologramme.

La première information qui lui apparut clairement, c’est qu’aucune arme ne tirait. Puis il constata l’absence de tout vaisseau ennemi à proximité du point de saut. Il marmonna une prière de remerciement puis réduisit l’échelle de son hologramme pour tenter de découvrir où se planquaient les Syndics dans ce système stellaire.

Système frontalier, Atalia avait déjà été le théâtre de nombreux heurts entre les Mondes syndiqués et l’Alliance. La plupart des épaves consécutives à ces accrochages s’étaient lentement répandues, à la dérive, dans le vide interplanétaire. Les carcasses de vaisseaux de guerre amis et ennemis s’y accumulaient depuis près d’un siècle.

Mais des champs de débris en expansion encore assez denses, quelques essaims de capsules de survie et un petit nombre de vaisseaux syndics endommagés s’y éparpillaient aussi selon un arc en dents de scie s’étirant depuis la septième planète jusqu’au point de saut pour Varandal. « Séquelles d’un combat ? s’interrogea Geary à haute voix.

— D’un combat qui dure encore », rectifia Desjani.

Dix

Il finit par les repérer en réduisant encore l’échelle : à près de quatre heures-lumière, des vaisseaux de l’Alliance se heurtaient à des syndics. Le point de saut pour Varandal se trouvait à peu près à la même distance de l’étoile Atalia que le point d’émergence de la flotte, mais au-delà, sur la frontière du système stellaire. Geary fixait son hologramme à mesure que les senseurs de la flotte ajoutaient des détails. Il faillit se crisper en voyant disparaître un essaim de vaisseaux de l’Alliance puis se rendit compte qu’ils n’avaient pas été détruits mais qu’ils avaient sauté hors du système.

D’autres bâtiments amis s’éclipsèrent et 0 se posa soudain la question de leur nombre. Il en restait un, toutefois, un unique cuirassé qui se dirigeait en chancelant vers le point de saut, tandis que d’innombrables bâtiments syndics le harcelaient de passes de tir.

« Le système a identifié ce vaisseau, déclara Desjani. Il s’agit de l’Intraitable, un des cuirassés que la flotte, en partant pour le système mère syndic, a laissés derrière elle afin de défendre l’espace de l’Alliance. » Elle hésita avant de poursuivre : « Il faisait alors partie de la même division que l’Invincible. »

L’Invincible. Le bâtiment commandé par Jane Geary, son arrière-petite-nièce. Avait-il déjà sauté pour Varandal ou bien des fragments de ce cuirassé dérivaient-ils dans ce système stellaire ?

Avec le temps, les senseurs de la flotte pourraient analyser les débris les plus récents et émettre des hypothèses sur le nombre des vaisseaux détruits ici lors des derniers engagements. Pour l’heure, Geary ne pouvait que se résoudre à observer des images vieilles de près de quatre heures, conscient de ne rien pouvoir faire pour sauver un Intraitable couvrant la retraite du reste de l’autre force de l’Alliance.

« Ça ne sera plus très long, marmonna Desjani, qui regardait les mêmes images que lui. C’est le seul vaisseau qui restait près du point de saut. Tous les autres avaient déjà sauté.

— A-t-il une chance de l’avoir atteint ?

— Seulement si les Syndics ont décidé d’arrêter de tirer. »

Rione se pencha. « Il faut faire quelque chose, murmura-t-elle d’une voix pressante. Distraire les Syndics. N’importe quoi.

— Madame la coprésidente, ils ne verront cette flotte que dans près de quatre heures. L’Intraitable est probablement détruit depuis ce même laps de temps. Nous n’assistons que maintenant à sa destruction.

— Malédiction ! » souffla-t-elle.

Sur ces images vieilles de quatre heures, l’Intraitable donnait l’impression d’avoir perdu sa capacité de manœuvre, et le cuirassé ripait latéralement et se retournait tandis que les frappes syndics le délogeaient de sa trajectoire. « Son équipage l’abandonne », lâcha Desjani. Des capsules de survie commençaient de s’échapper du cuirassé blessé. « Mais quelques-unes de ses armes semblent encore fonctionner. »

Quatre heures plus tôt, les Syndics avaient tiré une salve de missiles, dont la course s’était incurvée pour frapper l’Intraitable et réduire en miettes le cuirassé massif, d’ores et déjà pratiquement sans défense. Sa coque s’était brisée et sa proue s’éloignait en tournoyant dans le vide tandis que sa poupe s’émiettait en moindres fragments. Geary ferma un instant les yeux puis, en les rouvrant, vit culbuter dans différentes directions les débris du cuirassé ; on n’y décelait plus aucune trace de vie. Puissent vos ancêtres vous accueillir et les vivantes étoiles réchauffer vos esprits.