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— Celui-ci ! vociféra triomphalement la vigie des systèmes de combat. Nous avons dû retracer sa trajectoire à l’envers, mais ça ne peut être que lui.

— Sa proue présente-t-elle des avaries ?

— Oui, capitaine. Nombreuses.

— Excellent. » Desjani adressa un signe de tête à Geary. « Voilà un enseigne qui mériterait d’être promu lieutenant.

— Rappelez-le-moi. » L’avant du croiseur lourd était passablement déchiqueté, mais il avait conservé la majeure partie de sa capacité de propulsion. Depuis qu’il avait vu la flotte de l’Alliance, il avait accéléré à 0,06 c. « Peut-on l’intercepter ?

— Ni l’Illustre ni sa formation, capitaine, répondit la même vigie sur un ton nettement moins enthousiaste. Une fois qu’ils auront ralenti pour recueillir ces capsules, ils ne pourront plus accélérer assez pour le rattraper.

— Et nous ? »

L’officier des opérations entra des trajectoires et des vélocités puis eut un geste contrit. « Le huitième escadron de croiseurs légers, sur notre flanc tribord, pourrait réussir une interception en accélérant et en freinant au minimum, capitaine. Le vingt-troisième escadron de destroyers pourrait l’accompagner. »

Geary compara l’armement de ces vaisseaux à celui qu’on attribuait encore au croiseur lourd syndic. « La puissance de feu devrait suffire. Toutefois, il ne s’agit pas d’éliminer ce croiseur mais de récupérer nos prisonniers. Et ni les croiseurs ni les destroyers n’ont d’infanterie à bord.

— Exhortons-le à se rendre, suggéra Rione.

— Ça ne nous a rien valu de bon par le passé, madame la coprésidente.

— Ce sera peut-être différent cette fois-ci. Exiger leur reddition ne vous coûte rien. Ou, à tout le moins, la libération des prisonniers qu’ils ont capturés.

— Pas grand-chose, en effet, admit Geary.

— Vous pourriez passer un arrangement avec eux, insista Rione. Laisser la vie sauve à ce croiseur en échange de cette libération. »

Geary sentit les gens se raidir autour de lui. Mais seule Desjani réagit, encore qu’elle parût s’adresser à elle-même plutôt qu’à Rione : « Les ordres en vigueur exigent qu’on prenne toutes les mesures nécessaires pour détruire l’ennemi et interdisent qu’on laisse s’échapper toute force syndic encore en état de combattre. »

Sans doute pouvait-il les outrepasser en sa qualité de commandant de la flotte, mais, en l’occurrence, ça ne lui semblait pas bien venu. Pourtant, de quel autre moyen de négocier disposait-il ?

Rione regardait désespérément autour d’elle. « Passez un accord, capitaine Geary ! Si vous ne consentez pas à leur laisser leur vaisseau, au moins la vie de l’équipage est-elle entre vos mains ! »

Geary poussa un soupir exaspéré. « Jusque-là, les commandants syndics n’ont jamais paru beaucoup se soucier de la vie de leur équipage.

— Certains l’ont fait. Vous l’avez vous-même fait remarquer à propos de spatiaux qui abandonnaient trop tôt leur vaisseau. Pourquoi ces commandants les auraient-ils laissés faire s’ils ne se souciaient pas de leur vie ? »

Rione marquait un point. Ces rares cas pouvaient sans doute s’expliquer par la panique, mais ils étaient peut-être le produit de l’attention que portaient les commandants au sort de leurs subordonnés. « Et, même s’il ne s’inquiète pas de la vie de ses spatiaux, le commandant de ce croiseur se souciera peut-être de la sienne. Ça vaut la peine d’essayer. » Geary enregistra une requête et la transmit, puis envoya au huitième escadron de croiseurs légers et au vingt-troisième de destroyers l’ordre d’accélérer et d’altérer leur trajectoire pour intercepter le croiseur lourd syndic ; il se rejeta ensuite en arrière pour attendre, pris d’une fébrilité croissante.

« Commandant ? Il y a quelque chose d’étrange dans les dommages de ce croiseur lourd syndic… celui qui a recueilli les capsules de survie du Sans-pareil », annonça la vigie des systèmes de combat.

Desjani se retourna vers son officier pour le fusiller du regard. « “Étrange” ? Veuillez préciser.

— Nous avons concentré nos senseurs sur lui et, à l’analyse, il s’avère que ces dommages n’ont pas été causés par des impacts multiples mais par une seule frappe massive.

— Une seule ? » Desjani fronça pensivement les sourcils. « Qu’est-ce qui a bien pu faire cela ?

— Raison inconnue, commandant. Aucune arme de l’arsenal de l’Alliance n’aurait pu infliger de pareils dégâts. »

Desjani se rembrunit encore. « Une collision, peut-être ? »

L’officier entra des chiffres. « Théoriquement possible, commandant, mais les chances pour qu’une collision frontale soit assez violente pour provoquer ces dommages et pas davantage sont infimes. Ce qui a frappé ce croiseur a télescopé sa proue, mais bien peu survivraient à de pareils chocs de plein fouet. Et toute la proue a été touchée, de sorte qu’il ne peut s’agir d’un objet de petite taille.

— Hmm. Effectivement très étrange. Mais, en l’absence de preuves d’une cause différente, il nous faudra continuer d’en attribuer la responsabilité à une collision. Si d’autres détails susceptibles de l’expliquer se présentaient, faites-le-moi savoir. » Desjani se tourna vers Geary comme si elle l’avait entendu poser une question à haute voix. « Capitaine ?

— Pourquoi a-t-elle sauté pour Varandal ? lui demanda-t-il.

— La flottille de réserve syndic ? Pour anéantir le restant de la force de l’Alliance qui l’avait attaquée ici.

— Mais elle avait sûrement reçu l’ordre de nous arrêter avant que nous n’atteignions Varandal. Les Syndics n’ont pas l’habitude d’improviser. » Il fixait l’écran comme si la réponse s’y cachait. « Pourquoi n’est-elle pas restée pour nous frapper à notre émergence ? »

Desjani fronça les sourcils. « On a dû lui ordonner de se rendre à Varandal. Les vaisseaux de l’Alliance qui ont déboulé à Atalia sont certainement tombés sur la flottille de réserve alors qu’elle gagnait le point de saut pour Varandal. » Elle tapa sur quelques touches et étudia le résultat. « Ça correspond à la traînée de débris. La flottille de réserve n’allait pas nous attendre ici. Elle a dû projeter de sauter pour Varandal avant notre arrivée afin d’arraisonner ses défenses puis de nous frapper au moment où nous regagnons notre espace, la garde baissée et nos réserves de carburant et de munitions au plus bas. »

Ça faisait sens, mais un point au moins restait obscur. « Il aurait été bien plus simple de mener ces opérations à Atalia. » Nulle suggestion ne faisant écho à sa réflexion, il se radossa et se replongea dans ses pensées, sans résultat cette fois.

Il ne prit conscience du temps qui s’était écoulé que quand la vigie des communications l’interpella : « Capitaine Geary, le commandant du croiseur lourd syndic propose de vous restituer ses prisonniers en échange de votre promesse de ne pas attaquer les modules de survie de son vaisseau. »

Desjani réagit aussitôt : « C’est un piège. Ou une ruse.

— Ça se pourrait », admit Geary tout en prenant la communication.

Une image du commandant syndic s’afficha. Elle semblait le défier, mais ses yeux étaient vitreux, comme si elle aussi était en état de choc. « Mon vaisseau ne peut pas se défendre. Je consens à vous livrer mes prisonniers en échange de votre consentement à laisser la voie libre à mon équipage. Je resterai en otage à bord de mon bâtiment avec les prisonniers après l’évacuation de mes gens et je n’opposerai aucune résistance au détachement que vous enverrez pour les récupérer. Mais toute tentative d’arraisonnement de mon vaisseau ou d’incursion hors de la zone où ils sont détenus se soldera par sa destruction. Telles sont mes conditions. Si vous ne les acceptez pas, je combattrai jusqu’à l’anéantissement de mon appareil et la mort de tous ceux qui se trouvent à son bord.