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Il choisit un coucher de soleil sur la baie qui ressemble à un portrait de lui surexposé, griffonne quelque formule de voyage et me demande de cosigner. J’écris en post-scriptum : « Voyage de rêve ! Les filles sont subîmes et peu farouches » et je me hâte de confier ce coup de pied de mon camarade Jarnac à une boîte des postes californiennes sans le faire lire à Xavier. Ça fera de la conversation assurée pour le couple lorsque Mathias rentrera.

Je fais l’acquisition d’un gros ceinturon de cuir pour Toinet, dont la boucle représente une tête d’Indien toutes plumes dehors. Il n’est jamais trop tôt pour enseigner le bon goût aux enfants.

* * *

Et on retrouve le gros barlu avec son pavillon ricain, sa rouille et sa cargaison d’obèses en train de se gaver de pop-corn, de beignets, de chips et de club-sandwiches pour s’occuper les maxillaires pendant les quelques minutes de traversée. L'Amérique est le pays qui fournit la plus grosse quantité de monstres au mile carré.

N’en plus d’être énormes, ils s’accoutrent ridiculement, ces nœuds, avec des hardes insensées aux couleurs grinçantes. Les caméléons explosent à leur approche et on a trouvé des gens malvoyants qui devenaient franchement aveugles en les examinant. C’est un bled very dangerous, les States, sans parler de leurs conneries atomiques qui commencent à lézarder kif celles des Popoffs ! Écolos, pas écolos, on va l’avoir dans cul avant lurette, je pressens. Entre le trou de l’ozone et la pollution terre-mer, c’est du peu avant de jouer dans « La Planète des Allongés ». On y passera tous, mes frères. Ne restera plus, çà et là, qu’un alpiniste et un spéléologue qui se trouvaient en » situation » au moment du grand vilain clash et qui seront obligés de s’enculer pour tenter de perpétuer l’espèce.

C’est pas faute d’avoir été prévenus, pourtant !

Moi qui rêvais de laisser derrière moi un humus fertilisant, j’ai le bonjour.

— Tu crois que Béru dort toujours ? me demande Mathias.

— Essaie de lui téléphoner en rentrant de l’île.

Le Gros, à cet instant de tension nerveuse, j’en ai rien à triturer. J’ai enfilé un thermolactyl sous ma limouille, car, malgré tout, je crains que la nuit soit humide et peu bandante.

Il fait frisquet dans ce gigantesque pénitencier désert. Je me demande s’il est surveillé nuitamment ? A quoi bon ? Y a personne à garder, rien à prendre ! Mais les yankees sont tellement chenilleux ! Tu veux parier que, juste pour le sport, ils ont foutu des signaux d’alarme ?

Je m’en confie à Xavier.

— Non, me rassure-t-il. J’ai observé les lieux et je n’ai rien vu d’inquiétant à ce propos. Mais je vais encore examiner les portes.

Il dit, et voilà qu’il se produit un petit turbin regrettable. Ma faute ! Sémaphore, sémaphore, c’est ma très grande faute !

J’avais allongé mes jambes et l’une d’elles débordait dans la travée ; une vieillarde dénuée de vision a buté sur mon tibia favori. Bien qu’elle fût agrippée au bras de sa petite-fille, elle choit, entraînant sa descendance dans sa chute !

La vioque cogne du cigare contre la banquette d’en face et se met à appeler sa mère ! Tu te rends compte ? Sa mère ! A elle qui est devenue trisaïeule par un ami de son défunt époux.

Elle a un bleu à l’âme, à l’arcane souricière, à la rotule, à la pommette, à la cuisse gauche ; sa dernière dent gît sur le sol et une touffe de poils pubiens, rêches et gris, tombe de ses jupes. Sa petite-fille, une exquise créature blonde, aux yeux presque verts et au tailleur tout à fait rouge, s’applique à relever ce century à terre, aidée du chevaleresque San-Antonio qui, après avoir fait gourder la mémé par inadvertance, s’active volontairement à la relever. On la fait asseoir, on la choie, on l’essuie, on la frotte, on l’oint, la console, l’emmitoufle de notre tendresse.

Ces attentions, puisqu’on se dit tout, me permettent de respirer à pleins poumons la belle fille blonde, de caresser ses doigts, de frôler ses cheveux de mes lèvres, bref, de lui interpréter cette danse incantatoire que je réserve aux personnes du sexe qui me procurent un émoi immédiat et impératif.

S’en aperçoit-elle ? Probablement puisqu’elle me vote des sourires éclatants qu’on a envie de bouffer sur l’arbre. Quand l’ancêtre est colmatée, étoupée, vulnérée (un bourbon sec), j’entreprends cette aimable créature sur laquelle, je le sens, mon charme et mon accent français agissent comme une application de pommade Eucéta sur une brûlure.

Elle me raconte qu’elles arrivent de Vaginston, la grand-mère et son petit chaperon rouge. Native de Frisco, mémé souhaitait revoir sa Normandie avant d’aller débiter des vers dans le sol du district de Columbia. D’où ce voyage. Le premier époux de la vioque a été secrétaire d’un des directeurs de la prison d’Alcatraz et ces dames viennent visiter la fameuse maison.

Elles sont descendues à l’hôtel Whitekouilh, lequel se trouve pile en face du nôtre qui s’appelle grand hôtel Blackburn. J’extasie devant la coïncidence et je lui demande à quelle heure on couche les vieillards en Californie. Elle me répond 9 heures p.m., ce qui va nous permettre de dîner en tête à tête demain, vu que ce soir j’ai un engagement antérieur. Le postérieur sera pour tomorrow, O.K. ? C’est par un yes franc et massif qu’elle accepte mon invitation. Rancard est pris à mon hôtel pour 9 h 30. Et moi, sa culotte, je la vois déjà grosse, non pas comme une maison, mais comme une main de bébé, et je décide que si elle est blanche, je lui demanderai de me l’offrir afin que j’en fasse une pochette pour mon smoking.

Le valdingue de la mère-grand la handicapant pour arquer, on la laisse dans la maison tenue par les rangers, près de l’embarcadère, et nous partons à l’assaut de la prison. Mathias fait la gueule, jugeant que j’ai mieux à faire en cet instant que de chambrer une nana. Mais tu connais le gars Ma Pomme, fils aîné, unique et préféré de Félicie ? Quand la digue le biche, il vendrait périmètre (comme dit Béru). Rien n’est plus primordial qu’un beau cul et je lui accorde priorité absolue.

Je te passe mes délicates et innocentes manœuvres d’approche (pour commencer), puis d’installation. D’abord je lui prends la main comme pour l’aider à grimper, puis le bras, puis la taille. Alouette, gentille alouette. On marque un premier temps d’arrêt comme à un chemin de croix et je lui fais face en riant éclatant, somptueuse image de santé rayonnante, d’assurance tranquille ; qu’on sente bien la vigueur déterminée de l’homme, ses inépuisables réserves physiques, son goût marqué pour la troussée cosaque. C’est plein d’ivresse retenue, de promesses échevelées. Elle sait déjà que le coup de rapière qui se prépare, ce ne sera pas du yaourt fitness et qu’elle aura la démarche du pingouin pour se rendre « ensuite » à la salle de bains.

A la seconde station de ce merveilleux rosaire, je me risque à une pelle mutine. Elle l’agrée, alors je lui vote une galoche à talon aiguille qui en raconte long commak sur mes capacités thoraciques.

C’est parti sur les bouchons de roue. Ils loueraient des piaules à Alcatraz, aussi sec je serais client. Que même (si tu ne me crois pas, va te faire mettre), que même, reprends-je, je caresse un instant le projet d’aller tirer Mary (elle se prénomme comme ça, et moi je raffole) sur le plumard d’une cellule témoin en demandant à la Rouillance de faire le gaffe ; ce serait bénaise, d’autant qu’il n’y a pas foule pour cette dernière visite de la journée. Malheureusement, un tordu de Japonouille, nikonné jusqu’aux roustons, n’en finit pas de se perpétrer un documentaire avec sa gerce aux cannes arquées et à la frime large comme un brie de Meaux qui se tient assise sur le bord du plumard.