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Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'été

Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises

L'Émigrant de Landor Road

A André Billy.

Le chapeau à la main il entra du pied droit

Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi

Ce commerçant venait de couper quelques têtes

De mannequins vêtus comme il faut qu'on se vête

La foule en tous sens remuait en mêlant

Des ombres sans amour qui se traînaient par terre

Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumière

S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs

Mon bateau partira demain pour l'Amérique

Et je ne reviendrai jamais

Avec l'argent gardé dans les prairies lyriques

Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais

Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes

Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin

Mais habillé de neuf je veux dormir enfin

Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes

Les mannequins pour lui s'étant déshabillés

Battirent leurs habits puis les lui essayèrent

Le vêtement d'un lord mort sans avoir payé

Au rabais l'habilla comme un millionnaire

Au dehors les années

Regardaient la vitrine

Les mannequins victimes

Et passaient enchaînées

Intercalées dans l'an c'étaient les journées neuves

Les vendredis sanglants et lents d'enterrements

De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent

Quand la femme du diable a battu son amant

Puis dans un port d'automne aux feuilles indécises

Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi

Sur le pont du vaisseau il posa sa valise

Et s'assit

Les vents de l'Océan en soufflant leurs menaces

Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés

Des émigrants tendaient vers le port leurs mains lasses

Et d'autres en pleurant s'étaient agenouillés

Il regarda longtemps les rives qui moururent

Seuls des bateaux d'enfants tremblaient à l'horizon

Un tout petit bouquet flottant à l'aventure

Couvrit l'Océan d'une immense floraison

Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire

Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins

Et l'on tissait dans sa mémoire

Une tapisserie sans fin

Qui figurait son histoire

Mais pour noyer changées en poux

Ces tisseuses têtues qui sans cesse interrogent

Il se maria comme un doge

Aux cris d'une sirène moderne sans époux

Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales

Jusqu'à l'aube ont guetté de loin avidement

Des cadavres de jours rongés par les étoiles

Parmi le bruit des flots et des derniers serments

Rosemonde

A André Derain

Longtemps au pied du perron de

La maison où entra la dame

Que j'avais suivie pendant deux

Bonnes heures à Amsterdam

Mes doigts jetèrent des baisers

Mais le canal était désert

Le quai aussi et nul ne vit

Comment mes baisers retrouvèrent

Celle à qui j'ai donné ma vie

Un jour pendant plus de deux heures

Je la surnommai Rosemonde

Voulant pouvoir me rappeler

Sa bouche fleurie en Hollande

Puis lentement je m'en allai

Pour quêter la Rose du Monde

Le brasier

A Paul-Napoléon Roinard

J'ai jeté dans le noble feu

Que je transporte et que j'adore

De vives mains et même feu

Ce Passé ces têtes de morts

Flamme je fais ce que tu veux

Le galop soudain des étoiles

N'étant que ce qui deviendra

Se même au hennissement mâle

Des centaures dans leurs haras

Et des grand'plaintes végétales

Où sont ces têtes que j'avais

Où est le Dieu de ma jeunesse

L'amour est devenu mauvais

Qu'au brasier les flammes renaissent

Mon âme au soleil se dévêt

Dans la plaine ont poussé des flammes

Nos cœurs pendent aux citronniers

Les têtes coupées qui m'acclament

Et les astres qui ont saigné

Ne sont que des têtes de femmes

Le fleuve épinglé sur la ville

T'y fixe comme un vêtement

Partant à l'amphion docile

Tu subis tous les tons charmants

Qui rendent les pierres agiles

Je flambe dans le brasier

Je flambe dans le brasier à l'ardeur adorable

Et les mains des croyants m'y rejettent multiple innombrablement

Les membres des intercis flambent auprès de moi

Éloignez du brasier les ossements

Je suffis pour l'éternité à entretenir le feu de mes délices

Et des oiseaux protègent de leurs ailes ma face et le soleil

Ô Mémoire Combien de races qui forlignent

Des Tyndarides aux vipères ardentes de mon bonheur

Et les serpents ne sont-ils que les cous des cygnes

Qui étaient immortels et n'étaient pas chanteurs

Voici ma vie renouvelée

De grands vaisseaux passent et repassent

Je trempe une fois encore mes mains dans l'Océan

Voici le paquebot et ma vie renouvelée

Ses flammes sont immenses

Il n'y a plus rien de commun entre moi

Et ceux qui craignent les brûlures

Descendant des hauteurs

Descendant des hauteurs où pense la lumière

Jardins rouant plus haut que tous les ciels mobiles

L'avenir masqué flambe en traversant les cieux

Nous attendons ton bon plaisir ô mon amie

J'ose à peine regarder la divine mascarade

Quand bleuira sur l'horizon la Désirade

Au-delà de notre atmosphère s'élève un théâtre

Que construisit le ver Zamir sans instrument

Puis le soleil revint ensoleiller les places

D'une ville marine apparue contremont

Sur les toits se reposaient les colombes basses

Et le troupeau de sphinx regagne la sphingerie

A petits pas Il orra le chant du pâtre toute la vie

Là-haut le théâtre est bâti avec le feu solide

Comme les astres dont se nourrit le vide

Et voici le spectacle

Et pour toujours je suis assis dans un fauteuil

Ma tête mes genoux mes coudes vain pentacle

Les flammes ont poussé sur moi comme des feuilles

Des acteurs inhumains claires bêtes nouvelles

Donnent des ordres aux hommes apprivoisés

Terre

Ô Déchirée que les fleuves ont reprisée

J'aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries

Vouloir savoir pour qu'enfin on m'y dévorât

Rhenanes

Nuit rhénane

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme

Écoutez la chanson lente d'un batelier

Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes

Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde

Que je n'entende plus le chant du batelier

Et mettez près de moi toutes les filles blondes

Au regard immobile aux nattes repliées