A Vienne, il avait loué une voiture sous une troisième identité, grâce au passeport chypriote, et pris la route pour Budapest. Depuis le départ des troupes soviétiques, il n’y avait pratiquement plus de contrôles à la frontière austro-hongroise. Il était quand même arrivé au Hilton vers six heures du soir, crevé. Juste le temps d’un contact avec deux membres de la Force Al-Qods[4] officiellement gardes de sécurité à l’ambassade d’Iran de Budapest, chargés de lui donner ses dernières instructions et de l’accompagner au rendez-vous auquel il devait se rendre à dix heures le soir même.
L’opération « Darius » avait donné lieu à une mobilisation sans précédent des services iraniens. Said Mohajerani, vice-président de l’Iran, avait requis d’abord la collaboration d’Ali Fallahiyan, ministre du Renseignement, dont dépendaient la Savama, les Gardiens de la Révolution et la Force Al-Qods, le Service Action du renseignement iranien.
Les hommes de Al-Qods, des jeunes fanatisés recrutés dans les bas-fonds de Téhéran, étaient prêts à tout. Il y en avait dans chaque ambassade iranienne à l’étranger, sous couverture de gardes de sécurité.
Dans le cadre de « Darius », ils avaient ordre de se mettre à la disposition d’Ishan Kambiz.
Ce dernier pouvait également faire appel au réseau des attachés culturels du ministre de l’Orientation Islamique, Ali Mohammad, présents eux aussi dans toutes les ambassades.
Enfin, c’était la Savama qui procurait les faux passeports et les relais pour les déplacements.
Dans la phase finale de l’opération, Akbar Torkan, ministre de la Défense, de la Logistique et des Forces Armées, tenait prêts des moyens de transport aériens sous couvert de vols humanitaires.
Quant à l’argent, Said Mohajerani n’avait de comptes à rendre qu’à l’ayatollah Rafsanjani. Les fonds étaient sans limite, l’opération « Darius » devant permettre à l’Iran de redevenir une grande puissance régionale et, le cas échéant, de s’opposer militairement aux États-Unis.
Ishan Kambiz savait tout cela et se sentait fier d’avoir été choisi pour une telle aventure. Il bâilla. Sa fatigue était telle qu’il n’avait même pas dîné, l’estomac chamboulé par le décalage horaire. Il était en train de s’endormir devant son thé lorsqu’il avait repéré la fille aux cheveux tressés. Il avait beau se dire que c’était probablement une pute, la vue fugitive de ces seins épanouis avait injecté une dose massive d’adrénaline dans ses artères.
Afin de se reprendre, il consulta sa montre : dix heures moins vingt. Juste l’heure de partir à son rendez-vous. Heureusement, le soir, les ponts franchissant le Danube n’étaient pas embouteillés comme dans la journée.
Avant de se lever, il jeta un dernier coup d’œil à l’inconnue aux cheveux tressés. Le blouson de cuir s’était refermé ; l’Iranien remonta jusqu’aux yeux bleus à peine maquillés et leurs regards se croisèrent. La fille soutint le sien avec une sorte d’intensité soumise. Comme un chien qui attend qu’on le caresse. Une boule de plomb se forma instantanément au creux de l’estomac d’Ishan Kambiz. Il pouvait avoir cette inconnue… Seulement le temps lui manquait. Il eut soudain une idée.
Il se leva et se dirigea avec une lenteur voulue vers les ascenseurs. Après avoir appuyé sur un des boutons d’appel, il se retourna, fixant la fille. Elle sembla d’abord ne pas remarquer son manège. La cabine arriva, et Ishan Kambiz y pénétra. Au moment où les portes allaient se refermer, la jeune inconnue bondit littéralement de son siège et le rejoignit d’un bond, les portes se refermant juste derrière elle.
Une intense vague de satisfaction submergea Ishan Kambiz. Il ne s’était pas trompé !
— A quel étage allez-vous ? demanda-t-il poliment en anglais.
La brune aux cheveux tressés, au lieu de répondre, s’approcha de lui, plongeant son regard dans le sien avec la même intensité soumise. Pour éviter que les portes ne se rouvrent, Ishan Kambiz appuya sur le bouton du troisième, le sien. La fille ne bougea pas. Simplement, des deux mains, elle écarta son blouson de cuir. Devant ces seins lourds offerts, qui tendaient le tissu du T-shirt comme des fruits, les pointes se découpant nettement, l’Iranien disjoncta. Il s’était promis de descendre à son étage et de reprendre ensuite un autre ascenseur. Après une simple satisfaction d’amour-propre. Mais ses mains montèrent toutes seules vers les seins de l’inconnue et les emprisonnèrent.
Leur contact embrasa d’un coup Ishan Kambiz, envoyant une rafale de picotements exquis dans son bas-ventre.
Il les tenait encore à pleines mains quand l’ascenseur s’arrêta au troisième.
Heureusement, il n’y avait personne sur le palier. La fille recula, se préparant à descendre, mais Ishan Kambiz la retint par le poignet.
— No, dit-il, you come with me.
— Where ? demanda-t-elle d’une voix rouée, montrant qu’elle comprenait l’anglais.
— In my car, répliqua Ishan Kambiz en appuyant sur le bouton du rez-de-chaussée.
Ainsi, il ne perdrait pas de temps. En plus, il ne voulait pas révéler le numéro de sa chambre, ni rien qui permette de l’identifier. Tandis que l’ascenseur redescendait, la fille aux cheveux tressés précisa de la même voix rouée :
— Twenty dollars.
— No problem ! affirma l’Iranien.
Ils traversèrent le hall l’un derrière l’autre, et sortirent. La neige avait cessé, mais un vent glacé balayait Vàrhegy. Heureusement, la Mercedes de location du Libanais était juste devant la façade baroque du Hilton, place Hess Andrâs. La fille s’installa à côté de lui, et il démarra aussitôt. Il descendit jusqu’à la poterne fermant la vieille ville et s’engagea dans Ostrom utça, se demandant où il allait réaliser son fantasme. La fille le guignait, du coin de l’œil. Arrivés à la place Moszkva, elle avança la main.
— Money !
Ishan Kambiz avait préparé un billet qu’il lui tendit, plié. La brune le déplia avant de le glisser dans son jeans. Il mit le chauffage et, par gestes, fit comprendre à sa passagère d’ôter son blouson. Elle obéit, révélant sa poitrine énorme moulée par le T-shirt. Tout en descendant Màrtirok utça, il se mit à la palper de sa main droite, comme un collégien. Il en était tellement excité qu’il faillit percuter un tram jaune sur le flanc duquel s’étalait une pub pour les poupées Barbie.
Il continua en direction du pont Margit, conduisant avec une sage lenteur. N’en pouvant plus, il prit la main de sa passagère et la posa entre ses cuisses. Docilement, elle fit ce qu’il attendait d’elle, avec tant de dextérité qu’il dut immobiliser son poignet pour ne pas exploser prématurément. Entre l’obscurité et le mauvais temps, personne ne risquait de remarquer son manège.
Il n’eut pas le temps de souffler. La tête aux cheveux tressés, évitant le volant, plongea sur lui et une bouche chaude commença à aller et venir le long de son sexe, lui procurant des sensations exquises.
En dépit de sa position inconfortable, sa passagère était bien décidée à lui en donner pour son argent. Du coup, Ishan Kambiz pesa sur la tête jusqu’à ce que la jeune Hongroise ait un haut-le-cœur, étouffée par l’importance de son membre. De la main droite, l’Iranien commença à jouer avec les seins magnifiques. Gêné par le T-shirt, il l’arracha hors de la ceinture du jeans pour entrer directement en contact avec la peau tiède.