Выбрать главу

Il a la largeur (environ trois mètres) du couloir pour prendre son élan. Le prend ! S’élance ! La tournante produit un craquement de goélette percutant un iceberg et bée (de stupeur). Nous fonçons d’un commun accord, Bourrelœil, Audeport et moi. Honnissoit reste en place pour couvrir la porte voisine. Quant à Marie-Laure, je ne sais pas, mais je lui fais confiance.

La chambre 114 est vide. La porte de communication avec la 116 est ouverte. Je fais signe à Audeport de visiter la salle de bains et, flanqué de Bourrelœil, pénètre dans le second appartement. Là, une surprise grosse comme l’Opéra Bastille nous attend. À première vue, la pièce semble vide, mais à seconde, on découvre une femme nue ligotée et bâillonnée sur le lit à baldaquin, tombeau de mes aïeux et nid de mes amours ! Pas mal du tout. Bien balancée, un peu forte en meules, mais je déteste pas quand c’est pour rentrer et non pour sortir en ville. Elle est liée si serré que ses chairs violacisent. On lui a collé sur la bouche un sparadrap large comme une main qui affecte aussi sa respiration nasale, ce qui fait que la malheureuse est à cinquante mètres à peine de l’apoplexie galopante.

On la détache, on la débayonne (comme le jambon). On lui sert un verre d’eau minérale. Je crie à mes soudards d’aller appeler la direction afin de stopper cette inondation inutile.

Puis, à la femme :

— Où sont les deux types qui logeaient ici ?

Elle est commotionnée, la chère femme. Vraiment belle, par-devant comme par-derrière. Vaguement épaisse, ce qui fait que t’as de la main quand tu l’escalades. Son regard qui fut fardé est barbouillé : du noir, du rouge, du bleu se sont délayés. Elle porte une plaie au flanc, causée dirait-on par une lame effilée, mais qui ne semble pas très profonde. Apercevant Marie-Laure qui nous a rejoints, elle lui fait signe d’approcher. La petite Rouletabille de Libé obtempère. L’autre lui chuchote quelque chose.

— Elle a besoin de la salle de bains ! me dit ma coéquipière d’une nuit.

Elle soutient la femme jusque dans le local immergé. On patauge dans la limonade à présent.

Quand Marie-Laure revient, elle nous dit, sombrement :

— Elle a été violée et a besoin de… de faire un peu de toilette.

Nous comprenons parfaitement et une grande gêne masculine nous fait évacuer la chambre.

Maintenant ça effervesce dans le landerneau, biscotte l’inondation. Le dirluche, lui, les expéditions policières nocturnes, il les remercie beaucoup, tout le plaisir sera pour lui. S.O.S. plombier, la lyre… Bon pour la renommée de sa taule ! Tu penses que les pédégés en puissance de maîtresse iront tirer leurs conquêtes en des lieux moins lacustres et plus tranquilles !

Nous nous rabattons sur un salon d’étage qui ne sert probablement jamais.

Ange Honnissoit ressemble à un zombie, du reste il a la dégaine du dernier avec qui j’ai pris un pot.

— C’est vraiment stupéfiant ! dit-il.

— Mais non, ricané-je : vos gars sont poreux, tout simplement et nos deux gredins ont mis les adjas avant que nous n’arrivions.

Franck Audeport, oubliant tout respect hiérarchique se récrie comme quoi, depuis qu’il est laguche avec sa squadra, il peut jurer sur la Bible, voire sur la grossesse intra-utérine qu’est en train de faire son ex-épouse, qu’aucun des deux bandits n’est reparti et qu’à preuve, leur putain de tire est toujours au parking !

Retour de Marie-Laure qui continue d’assister la dame violée ; laquelle est décente, ayant passé un peignoir-éponge fourni par le Relais du Val Fleuri.

On la fait asseoir dans un fauteuil d’aspect si Louis XV que le Bien-Aimé s’en commanderait une douzaine.

Une main de bienveillance et d’altruisme lui tend un verre d’alcool dont elle absorbe deux gorgées.

Elle fond en sanglots longs comme ceux des violons de l’automne.

— Messieurs, messieurs, hoquette-t-elle, il ne faut pas que mon mari sache, je vous en supplie, ce serait la mort de mon foyer et nous avons deux enfants, dont l’un, l’aîné, est handicapé moteur. Il me croit chez une amie malade. S’il apprenait que je venais rejoindre deux hommes dans cette hostellerie, et surtout, surtout, que j’ai été violée par un troisième…

— Calmez-vous, ma gentille amie, miséricordié-je. Votre honneur sera sauf. Racontez-nous calmement ce qui vous est arrivé.

Ma voix chaleureuse et mon regard plein d’une infinie charité chrétienne la mettant en confiance, elle parle.

Ce qu’elle dit ?

Il ne tient qu’à toi de l’apprendre ; pour cela, il te suffit de lire les pages suivantes.

Dans l’après-midi, alors qu’elle prenait le thé dans le quartier de la Madeleine, elle a fait la connaissance d’un couple d’étrangers : des Argentins, d’apparence fortunée. Ils étaient âgés d’une trentaine d’années, très beaux, sympathiques. La conversation a vite pris un tour polisson. Ils ont dit à Maxence (elle se prénomme Maxence) qu’ils étaient des passionnés de l’amour sexuel, qu’ils la trouvaient exquise et qu’ils aimeraient partouzer avec elle.

Cette requête, la première du genre pour Maxence, au lieu de l’indigner, l’a troublée et elle a accepté de venir les rejoindre dans la soirée (quand ses enfants seraient au lit), en ce relais et châteaux réputé.

Le diable la poussant, elle s’est donc pointée, sur le coup de neuf heures. Comme elle achevait de garer sa voiture, deux hommes qui devisaient à voix basse dans l’ombre l’ont abordée. Ils lui ont déclaré sans jambage qu’ils la tueraient si elle ne faisait pas point par point ce qu’ils lui ordonneraient.

Comme preuve qu’ils ne plaisantaient pas, l’un d’eux a sorti un couteau et lui a entaillé la hanche. L’autre lui a réclamé ses clés et papiers de voiture ; elle lui a tendu son sac qu’il a gardé. Ensuite le gars au couteau l’a conduite à la chambre 116 où il l’a obligée à se dévêtir. Elle a dû subir ses assauts, comme on disait puis à l’époque où les hommes bandaient dur. Ç’a été si terrible qu’elle peut pas raconter ! Tu te rends compte ? Elle est pas prête de refaire du cheval, crois-la ! Et du vélo encore moins ! Un sadique, ce mec ! Quand il a eu terminé sa petite histoire (qui est une grosse affaire !), il l’a ligotée et bâillonnée ; après quoi il a mis les effets de Maxence, car c’est un homme mince, il a noué son carré de soie sur sa tête et a quitté la chambre.

Nous la remercions pour ce palpitant récit. Elle remet alors la gomme avec son cocu qui, sous aucun prétexte, etc. Je lui réitère ma parole de donneur qu’elle peut compter sur nous, gentlemen de la Police française. Qu’elle nous laisse ses coordonnées pour qu’on puisse la contacter discrètement, pendant les heures où son vieux est au turf, et l’inspecteur Bourrelœil, ici présent, va la reconduire à Paris. A-t-elle un endroit où trouver des vêtements avant de rentrer au logis ? Oui ? Leur villa de Montfort-l’Amaury ? Seulement elle n’a pas la clé ? Casse la tienne, Bourrelœil « lui arrangera ça ».

Elle nous quitte, « bouffie de sanglots », avec son pauvre fion défoncé par l’ignoble individu !

CHAPITRE VII

PRÉSERVATIF : dispositif en matière souple utilisé comme contraceptif et dans un but prophylactique.

Ce que prononce Honnissoit, après que Mme Maxence… (attends que je regarde ses coordonnées)… Devache, après que Mme Maxence Devache est partie, peut figurer parmi les répliques célèbres style : Mme Cambronne à son fils : « Mange » ; ou bien, du roi Henri III : « Tournez-moi les pages, je vous prie ».

Il dit :

— On l’a eu dans le cul, monsieur le directeur ! C’est âpre, fort et ça résume. Oh ! que ça résume bien ! Ma penauderie est telle que je n’ose regarder Marie-Laure. Comme démonstration de haute police, c’est réussi, non ? Qui qui l’a profoundly in the babe ? Le Santonio joli, mes sœurs !