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La rancœur de Maria Da Silva est intense ; le stoïcisme du chieur inconscient à toute épreuve. Les vitupérations de la cheftaine passent du français zozoté au portugais concassé pour pouvoir atteindre un paroxysme.

Ce qu’entendant, le Gros, à bout de patience et d’arguments, tire sur la fermeture Éclair de son futal et dégage sans trop d’encombre son paf de quarante centimètres hors tout !

L’hôtesse suprême se tait devant une anomalie de nature aussi phénoménale.

— Dans la vie, faut choisir, ma poule, déclare l’Immense : ou tu fermes ta gueule, ou tu suces cette chopine pour t’en avoir l’ cœur net !

La brunette (qui trimbale le contenu de son matelas de crin sous ses deux bras) se tait, mais sans pour cela passer à la deuxième suggestion du Gravos.

Comme toutes les dames confrontées pour la première fois à ce zob classé monument historique, elle contemple « la chose » d’un air absent ; puis elle avance la main et se saisit du formidable gland violet.

— Eh bien…, soupire-t-elle ; eh bien…

Elle lâche à regret cette rosette de trois livres et se rend dans le poste de pilotage pour sucer le commandant pendant qu’il est en automatique.

* * *

Je vais te dire, Recife, c’est pas là que je me retirerais pour planter mes goyaviers et mes papayers. Pas bandant comme coinceteau, autrefois, ça s’appelait Pernambouc et ça devait être plus sympa. À présent c’est une ville grouillante, industrialisée et plutôt cradoche. Rien qui incite trop au tourisme, si ce n’est quelques églises baroques.

Comme nous sommes au début de l’après-midi, je me dis qu’il serait bon de se mettre dare-dare en quête d’un z’avion pour Manaus, manière de ne pas perdre davantage de temps. Je vais donc à une agence de la Varig dans le centre de la ville et m’enquiers des vols. Justement, il y en a un de prévu dans trois heures. Au moment où je m’apprête à retenir nos places, Marie-Laure me tire par la manche.

— Vous ne croyez pas qu’on pourrait s’assurer que la dame Braker a bien pris un vol pour Manaus ?

— Tu deviens une vraie pro, applaudis-je.

Et je demande à une préposée moustachue, qui a sur la joue gauche un morceau de pelage fauve (sa maman a dû rêver à un renard quand elle l’attendait), la liste des passagers qui se sont embarqués pour Manaus à partir de lundi dernier.

Si je lui demandais d’enlever son slip, elle serait davantage consentante.

— À quel titre ? interroge-t-elle, outragée.

Je tire une liasse de dollars de ma poche revolver, l’écosse d’un talbin de cent points que je plie en quatre et conserve dans le creux de la main.

— Quand vous me passerez les listes, je m’arrangerai pour vous glisser ça discrètement dans le creux de votre jolie menotte, roucoulé-je en jouant des mirettes.

C’est soudain comme si je me trouvais en prise directe avec son clito.

Elle s’approche d’une table-bureau chargée d’appareils vidéeux, ouvre des tiroirs, manigance, et revient avec ce que j’ai demandé, ce qui augmente le capital de la dame de cent dollars.

Elle lit des mots, des chiffres, pianote des claviers. J’en piaffe d’impatience.

Je la vois tressaillir (c’est-à-dire avoir une brusque secousse du corps). Elle ne se rembrunit pas, étant déjà très foncée, mais ses grands yeux un tantisoit proémineurs prennent des tons hépatiques. Elle revient à son comptoir et s’informe :

— C’est quelqu’un qui vous touche de près ?

Drôle de question.

— Pas tellement, réponds-je.

Ça paraît la soulager.

— Tant mieux.

— Pourquoi ?

— Parce qu’elle est morte dans le crash du vol Recife-Manaus de mardi.

— Le crash ?

— Oh ! oui ! s’exclame Marie-Laure. Effectivement, j’ai vu passer une nouvelle à la rédaction ; je n’y avais pas pris garde ; les accidents d’avion qui surviennent sur d’autres continents ne font pas nos choux gras : trois lignes en bas de page intérieure, tout au plus.

Comme la préposée fixe ma main avec insistance (et inquiétude), je lui délivre la coupure verte que ma transpiration palmaire a rendu poisseuse. Elle s’humecte davantage que le billet en s’en emparant.

— Parlez-moi de ce crash, bonita senhora.

Elle rougit comme si elle était responsable des infortunes de la compagnie aérienne qui l’emploie.

— Un attentat, assure-t-elle, car notre compagnie est la meilleure du monde. L’appareil a explosé en vol ; les membres du poste de pilotage n’ont pas eu le temps de prononcer la moindre parole.

— On a retrouvé l’épave ?

— Impossible ! L’avion s’est désintégré à onze mille mètres au-dessus de « l’Enfer Vert », dans la région inextricable du Toutétinclu. Là-bas la végétation est si forte qu’on dit, en plaisantant, que les branches d’arbres coupées ont déjà fourni d’autres arbres avant qu’on ait eu le temps de les tronçonner !

— Mais… les corps ?

Elle se signe.

— Ils sont dévorés dans les heures qui suivent. « L’Enfer Vert », vous dis-je !

— Il n’empêche : on pourrait tenter une expédition de repérage ?

Elle hausse les épaules.

— Il faudrait y consacrer beaucoup de temps et d’argent, tout ça pour ne trouver, en mettant les choses au mieux, qu’un morceau de carcasse disloquée qu’il serait impossible de ramener dans un lieu civilisé !

— Une commission d’enquête parviendrait peut-être à déterminer les causes de la catastrophe ?

— Une commission d’enquête ! Oh ! senhor, on voit que vous ne connaissez rien à l’Amazonie. Qui accepterait de partir sans données précises dans « l’Enfer Vert » ? Les experts tiennent à leur peau autant que les autres hommes !

Je lui vote un sourire navré, m’incline et m’en vais en prenant Marie-Laure par la main.

— Dans le cul la balayette, soupiré-je en retrouvant la forte lumière de l’avenue. Nous avons traversé l’Atlantique en diagonale pour découvrir un fait que nous aurions aussi bien appris depuis Paris-sur-Seine !

Pour un peu, je m’insulterais in petto devant ma légèreté. Elle n’est pas digne d’un Big Boss de la Rousse. On n’abandonne pas la ferme et les chevaux pour venir bavarder dix minutes en Amérique du Sud avec une dame moustachue, en pleine méno. D’un seul coup d’un seul, ma décision est arrêtée : en rentrant je présenterai ma démission pour incompétence lubrique ! Quand on est un excellent capitaine, on ne fait pas nécessairement un général valable !

On retrouve les compères à la terrasse d’un restaurant « typique » auquel une tête de toro énorme, naturalisée, sert d’enseigne. Pinaud boit une batida[18], Béru mange le contenu d’une immense assiette ovale où se trouvent rassemblés sur un lit de petits haricots noirs : des saucisses de porc, des côtes de veau et de mouton grillées, un quartier de bœuf qui suffirait à assumer un banquet de trente personnes, des rognons flambés et autres babioles comestibles que je renonce à identifier. Sa bouche dégouline de graisses multiples, unies par la fondaison. Il mange lourdement, pareil à un molosse affamé. Manger est un verbe du premier groupe, mal utilisé dans le cas présent. Je te l’échange contre un autre, du deuxième, qui fait son infinitif en « ir » et son participe présent en « issant » et qui est le verbe « remplir ».

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18

Long drink à base de tequila à laquelle on adjoint du jus de citron, de coco, de papaye ou autre. C’est agréable à boire et cela soûle avec dextérité.