Выбрать главу

— Nom de Dieu, fit Lennon.

— Sacrée coïncidence, hein ?

— Ça oui. Quelqu’un a pu identifier l’autre corps ?

— Pas encore.

— Qui est chargé de l’affaire ?

— L’inspecteur chef Keith Ferguson. Vous voulez qu’il vous appelle ?

— Absolument. » Lennon raccrocha.

Susan s’assit en face de lui. « Des ennuis ? »

Lennon hocha la tête, penché sur sa tasse de café.

« Ça peut attendre que tu aies dormi un peu ?

— Sans doute pas », dit Lennon.

Un mouvement à la fenêtre attira son attention. Des flocons de neige qui voletaient dans le noir, paresseusement, de l’autre côté de la vitre. Susan tourna la tête pour suivre son regard.

« Tu crois que ça tiendra ? demanda-t-elle.

— Il y a des chances. Le sol est sec. »

Lennon se représenta les flocons s’aplatissant sur le visage froid de Tomas Strazdas, levé vers le ciel, même si son corps gisait maintenant sous le toit transparent d’une tente de la police scientifique.

Susan tendit le bras par-dessus la table et posa sa main sur la sienne. « Pourquoi ne vas-tu pas t’allonger un peu sur mon lit ? Juste pour te reposer les yeux.

— D’accord. » Il lui serra les doigts et sortit de la cuisine.

Il connaissait le chemin, pour avoir dormi dans le lit de Susan à plusieurs reprises.

« Ne fais pas attention aux petites culottes par terre », lança-t-elle dans son dos.

Lennon se débarrassa de ses chaussures et s’écroula sur le lit défait. Cela sentait le parfum et l’adoucissant pour le linge. Fermant les yeux, il se laissa couler de tout son poids dans le matelas. Le sommeil ne mit pas longtemps à le gagner. Il rêva d’un homme qui émergeait d’entre les flammes, les yeux pleins de haine. Peu après, il fut dérangé par un autre corps qui se couchait près de lui. Il sentit l’épaule de Susan se presser contre la sienne et ne protesta pas.

* * *

Quand il s’éveilla, Susan était partie. Il tâta le matelas à côté de lui : encore chaud.

Physiquement, Susan et lui ne s’étaient jamais aventurés au-delà de baisers et de simples caresses, bien qu’elle eût souvent guidé ses mains vers des endroits qu’il désirait ardemment explorer. Mais il avait résisté, convaincu qu’il finirait par la faire souffrir et détruirait leur amitié s’il franchissait ce pas. Néanmoins, ils trouvaient tous deux réconfortant de pouvoir dormir contre un corps chaud quand ils en éprouvaient le besoin.

Une lumière froide et bleue filtrait par la fenêtre. Dehors, la neige tombait plus dru dans l’air immobile. Il s’assit sur le lit, se demandant combien de temps il avait dormi. Son téléphone était posé sur la table de chevet. L’appareil sonna au moment où il s’en emparait pour regarder l’heure. Il répondit.

« J’ai l’inspecteur chef Ferguson en ligne, annonça l’agent de service Moffat.

— Merci.

— Jack Lennon ? demanda une voix.

— Lui-même, fit Lennon, essayant d’avoir l’air bien réveillé.

— Ici Keith Ferguson. Nous nous sommes croisés il y a quelque temps de ça, à l’enterrement de Gordon.

— Je me rappelle, oui », dit Lennon. Un souvenir qu’il aurait préféré oublier. De l’autre côté de la tombe, la veuve de Gordon l’avait fusillé du regard. Il savait qu’elle le tenait pour responsable de la mort de son mari.

« Ce type de Newtownabbey, dit Ferguson, Mawhinney… Ce n’était pas un tendre. On dirait qu’il est tombé sur un os, cette fois. On n’a pas encore identifié l’autre corps. Un étranger, apparemment. Le sergent Moffat me dit qu’il y aurait peut-être un lien avec votre gars sur les quais.

— Peut-être, dit Lennon. Il a été arrêté en même temps que les frères Mawhinney pour une agression.

— Mouais, ça lui ressemble.

— Vous le connaissez ?

— Mieux que ça, répondit Ferguson. Son frère et lui. Ils se sont mis dans des embrouilles jusqu’au cou dès qu’ils ont lâché le sein de leur mère. »

Lennon fit la grimace.

« Drogues, cigarettes de contrebande, DVD piratés… Tout ce que vous pouvez imaginer, ils y ont touché. Aux dernières nouvelles, ils se sont lancés dans la prostitution. Ils possèdent plusieurs appartements, deux à Carrick, un à Bangor. On ira jeter un coup d’œil tout à l’heure.

— Bangor, fit remarquer Lennon. C’est sur la rive du Lough, du même côté que là où on a retrouvé le corps de Strazdas.

— Affirmatif, dit Ferguson. Si vous voulez reprendre l’affaire, ne vous gênez pas. Débrouillez-vous juste pour obtenir l’accord du District C.

— Ça marche.

— Mais au fait… vous êtes dans l’équipe de l’inspecteur chef Thompson, non ?

— Exact.

— Alors, comment se fait-il que je sois en train de vous parler ? demanda Ferguson. C’est à Thompson de diriger l’enquête.

— Il aime bien déléguer, dit Lennon.

— Mouais… Bon, restons en contact sur ce coup-là. En espérant que ça ne nous entraînera pas trop loin. »

17

Herkus ouvrit le minibar et attrapa une vodka. Il méritait bien ça, après une si longue nuit. Seuls les pédés diluaient leurs boissons avec du cola ou autres sodas, aussi vida-t-il la flasque en buvant directement au goulot. L’alcool lui réchauffa la gorge et irradia dans sa poitrine.

Arturas marchait en rond autour de lui. Herkus ne l’avait pas appelé pour lui demander s’il voulait interroger Darius en personne, il connaissait d’avance la réponse. Le patron ne quittait pas sa suite à l’hôtel. Il ne sortait jamais, sauf s’il ne pouvait l’éviter. Herkus le trouva pâle et agité à son arrivée.

Des traces de poudre blanche subsistaient sur la desserte en verre.

Herkus s’exhorta à la prudence, autant dans ses paroles que dans ses gestes.

« Vous buvez quelque chose, patron ? demanda-t-il.

— Non, répondit Arturas.

— Vous ne voulez pas vous asseoir ? Ce serait peut-être une bonne idée de commander un petit déjeuner…

— Non. Pas envie de manger. Il te reste de… ? »

Il désigna ses narines rougies.

Herkus secoua la tête. « Plus tard, patron. Asseyez-vous un peu, d’accord ? »

Arturas se laissa tomber dans le canapé en soupirant. « Voilà, je suis assis. »

Herkus s’approcha et prit un fauteuil en face de lui. « Darius a parlé, dit-il.

— Je veux tout savoir.

— Vous êtes sûr ?

— Certain », répondit Arturas.

Herkus expira bruyamment, hocha la tête, puis commença son récit.

* * *

Darius avoua tout, la voix tremblante, les mots se bousculant entre les mailles de la terreur. Il pleurait. Il avait beau être gros et lent d’esprit, il n’était pas stupide. Il savait qu’il allait mourir. Mais dans quelles souffrances, voilà à quoi se résumait la question.

Il raconta qu’ils avaient commencé à boire au début de l’après-midi, Tomas et lui. Rien d’inhabituel. Tomas était de bonne humeur, il parlait, parlait, parlait. Il reluquait les femmes, les tripotait. À trois reprises, Darius avait dû le serrer contre lui en une étreinte amicale, riant et l’embrassant sur la joue, simplement pour lui éviter de s’attirer des ennuis.

Darius considérait Tomas comme un frère, à savoir qu’il le haïssait et l’adorait à parts égales. C’était un connard de première à qui il avait parfois envie d’arracher la tête, mais aussi, à d’autres moments, une petite chose squelettique qui le faisait tellement rire qu’il en avait mal au ventre.