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Strazdas essaya de se libérer, mais les doigts d’Herkus autour de son cou étaient trop forts, telle une étreinte de pierre. Il poussa un gémissement rauque. Herkus desserra sa prise.

« Lâche-moi », ordonna Strazdas.

Herkus obéit. Il recula.

« Désolé, patron, mais il faut vraiment se tirer. »

Strazdas toussa et se dirigea vers le canapé. « Tu as trouvé la fille ?

— Non, répondit Herkus.

— Alors, on ne va nulle part. » Strazdas s’assit. « Quand elle sera morte, là, on pourra partir.

— Laissez tomber la fille, elle ne…

— J’ai promis à ma mère, dit Strazdas. Je tiens mes promesses. Et toi, tu devrais faire pareil. Tu as promis de me rapporter de la coke. »

Herkus secoua la tête. « Bon sang, mais vous vous entendez ? Quatre personnes sont mortes, et tout ce qui vous préoccupe, c’est votre coke ? »

Strazdas faillit répondre que, oui, il ne pensait qu’à ça, mais il se contint. « Je n’ai pas voulu ces morts, dit-il, et j’en suis désolé. Raison de plus pour retrouver la fille. C’est sa faute. Elle est la cause de tout ça. »

Herkus sortit un papier de sa poche et le confia aux genoux de Strazdas. Une enveloppe, sur laquelle était dessiné un homme barbu.

« Qu’est-ce que c’est ? demanda Strazdas.

— La dernière personne qui a discuté avec la fille, répondit Herkus en attrapant une vodka dans le minibar. Rasa m’a raconté qu’il était venu hier après-midi, mais la fille a dit qu’il voulait seulement parler. Il lui a donné une chaîne avec un pendentif. Une croix.

— Tu penses qu’il sait quelque chose ? »

Herkus descendit la vodka d’un trait et bloqua sa respiration. « Peut-être que oui. Peut-être que non. Mais c’est notre seule piste.

— Alors, trouve-le », dit Strazdas en lui rendant le portrait.

Herkus prit l’enveloppe. « Patron, je ferai tout ce que vous voulez. Vous le savez. »

Strazdas ne répondit pas.

« N’importe quoi. Il vous suffit de le dire… Mais par pitié, réfléchissez. Si les flics ne vous arrêtent pas, les loyalistes viendront vous demander des comptes. Je ne peux pas vous protéger pendant que je cherche la fille. Il faut que vous partiez. Je n’ai qu’à rester pour continuer les recherches, mais vous, foncez à l’aéroport et prenez le premier avion pour Bruxelles.

— Non, dit Strazdas.

— Pensez-y.

— Non. »

Herkus hocha la tête. « Bon. » Il examina le dessin. « Si ce gars-là fréquentait l’appartement de Bangor, il a dû voir d’autres putes. Je vais me renseigner. Mais faut être discret. Il y a un homme en qui je peux avoir confiance. Je sais où le trouver. »

Il partit vers la porte.

« Herkus », lança Strazdas.

Herkus s’immobilisa, les épaules affaissées. Il se retourna. « Oui, patron ? »

Strazdas se tapota le nez.

« Je vais voir ce que je peux faire », dit Herkus.

26

La douleur déferlait par vagues derrière les yeux de Galya. Elle se sentait parfois écrasée sous les lourdes couvertures, ou bien au contraire soulevée, flottant sur un courant d’air chaud. Sa conscience allait et venait, depuis des jours, lui semblait-il. Pourtant, tout au fond, dans le recoin de son esprit qui restait éveillé, elle savait que quelques heures seulement s’étaient écoulées.

Ses paupières, quand elle put enfin les ouvrir, laissèrent entrer le rai douloureux d’une pâle lumière. Elle les referma, non sans avoir pris conscience de son environnement.

Une chambre aux fenêtres obscurcies. Pas celle où on l’avait retenue prisonnière pendant presque une semaine. Un endroit différent. Mais où était-ce ?

Puis elle se rappela.

Le sang chaud sur ses mains, la fuite dans la nuit, le bitume gelé qui lui écorchait la plante des pieds, la camionnette blanche et son étrange conducteur, l’homme bon qui était venu la chercher.

Le café et l’odeur aigre-douce du panaché lait-citron.

L’estomac de Galya se révulsa à ce souvenir. Elle roula sur le bord du lit, les couvertures nouées autour des jambes. Ses haut-le-cœur ne produisirent qu’une maigre éclaboussure, un liquide sombre et amer.

Le café qu’il lui avait fait boire.

Avait-elle été droguée ? Ou bien était-elle simplement si fatiguée que le sommeil l’avait terrassée ? Se découvrant encore tout habillée, quoique délestée de ses chaussures, elle pouvait espérer qu’il ne l’avait pas touchée.

Galya s’assit sur le lit, mais la douleur ballotait sous son crâne, accompagnant chacun de ses mouvements. Elle pressa ses paumes contre ses tempes.

Quand le sang cessa de battre à ses oreilles, elle retint son souffle et écouta la maison autour d’elle.

Aucun bruit, pas même le tic-tac d’une pendule.

Elle repoussa les couvertures et posa les pieds par terre. Au contact de la moquette aux fibres grossières sur sa peau à vif, elle réprima un gémissement.

Dans la pénombre, elle prit la mesure de la pièce. Un papier peint à fleurs qui n’avait pas été changé depuis des années. Une vilaine commode contre le mur. L’air sentait l’humidité, sous laquelle affleurait un relent plus ancien.

Galya se hissa péniblement sur ses jambes. Elle réussit à tenir debout, mais s’abattit aussitôt contre la commode. Elle s’y appuya un instant, attendant que son équilibre revienne, puis s’approcha de la fenêtre et écarta le mince rideau.

Un panneau d’un seul tenant, sans poignée. La vitre était opacifiée par une couche de peinture noire. De minuscules écailles sur les bords laissaient filtrer un peu de lumière. Çà et là, la peinture avait été grattée à l’ongle, semblait-il. Sans réfléchir, Galya fit de même, éprouvant elle aussi la résistance de la peinture.

Qui pouvait bien peindre une fenêtre ? Pourquoi ?

Quelqu’un qui avait des choses à cacher, pensa-t-elle.

La peur s’éveilla en elle. Un frémissement, déjà prêt à grandir.

Galya traversa la chambre en se tenant au mur. Elle savait avant même d’essayer que la porte serait fermée à clé. Le battant se calait au millimètre près dans le chambranle, sans le moindre jeu. Elle effleura l’épaisse peinture du bout des doigts, sentit les fragments qu’on avait arrachés.

Appliquant sa joue contre le bois froid et lisse, elle tendit l’oreille à nouveau. Aucun bruit, aucun mouvement derrière la porte.

Galya inspira profondément, retint son souffle le temps d’une hésitation, puis lança : « Il y a quelqu’un ? »

Le silence d’un cimetière. Pas même le bourdonnement lointain de la circulation.

Elle posa une main contre le panneau de bois peint et ne bougea plus, comme s’il était possible de sentir battre le cœur de la maison, puis frappa deux fois.

« Il y a quelqu’un ? » répéta-t-elle, plus fort.

Quelque chose lui répondit.

Elle recula.

Le hurlement venait de plus haut. La plainte d’un chien blessé, ou d’une bête attendant son heure à l’abattoir.

Galya n’essaya plus d’appeler.

Elle retourna s’asseoir sur le lit. Là, elle réfléchit en se mordillant l’ongle du pouce, luttant contre la peur qui lui tenaillait le ventre, pour ne pas la laisser envahir son esprit et lui ôter toute raison.

Cet homme, Billy Crawford, n’avait pas l’intention de l’aider. Inutile de nier l’évidence. Alors, que voulait-il faire ? Les griffures sur la vitre et la porte — quelqu’un avait déjà été enfermé ici. Quelqu’un qui avait gratté la peinture de ses ongles pour tenter de s’échapper.