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Palpant le linoléum à l’aveuglette, Galya chercha désespérément un objet lourd, tranchant, n’importe quoi qui pût tenir lieu d’arme. Elle ne découvrit que des creux et des arêtes dans le revêtement, comme si on avait comblé des fissures dans le béton en dessous.

« Je sais que tu as trouvé… des choses. » Les pas s’arrêtèrent à la porte de la cave. « Je sais que ça paraît bizarre. De garder ces choses. Mais je ne veux pas que tu t’inquiètes. Tout se passera bien. »

S’écartant du congélateur, Galya se déplaça lentement le long du mur. Elle heurta une masse dure, en bois, qui lui bloquait le passage. Un placard aux portes grandes ouvertes.

« Ces gens dont je t’ai parlé… », dit-il. Sa voix, si proche au sommet de l’escalier, maintenue à distance par une simple porte. « J’ai discuté avec eux. Je suis allé les voir, c’est pour ça que j’étais sorti. Ils vont venir te chercher. »

Elle explora l’intérieur du placard, en haut dans les coins, sur le dessus, ses doigts n’accrochant rien d’autre que de la poussière et de minuscules fragments de peinture sèche.

« Pas aujourd’hui, c’est la veille de Noël. Ils n’ont pas de personnel. Il faut attendre jusqu’à après-demain. Mais ils viendront. Alors tu pourras rentrer chez toi. Je te le promets. »

Un mince rai de lumière se découpa sur le sol au moment où la porte s’ouvrait.

« Je te le promets », dit-il.

42

Dès qu’il fut de retour dans la voiture, Lennon envoya l’image au téléphone de Connolly ainsi que ses instructions.

Il réfléchit à l’étape suivante en attendant une réponse. Logiquement, il devrait se rendre directement aux taxis de Maxie pour y mener son enquête, mais il ne pouvait s’empêcher de penser à Ellen. Il lui faudrait moins de dix minutes pour arriver chez Susan, à présent que la circulation désertait le centre-ville. De là, il traverserait la rivière pour rejoindre Holywood Road.

Son portable sonna. L’écran affichait « Numéro masqué », comme pour tout appel provenant du commissariat.

Il appuya sur le bouton avec le pouce et demanda : « Vous avez reçu la photo ?

— Comment va, Jack ? »

Lennon retint son souffle.

« Tu es là, Jack ? »

Cette voix, faussement suave, avec un fort accent du Sud.

« Je suis là, dit Lennon.

— Tu as reçu ma carte ? »

Lennon se sentait encore les doigts sales de l’avoir touchée. « Oui.

— Alors, qu’est-ce que t’en dis ? Tu l’as accrochée quelque part ?

— Non, répondit Lennon. Je l’ai déchirée et je l’ai jetée.

— C’est pas gentil ça, Jack. Moi, je me fends d’une petite pensée pour toi, et tu fiches ma carte en l’air. Je suis sûr que ta mère ne t’a pas appris à faire des choses pareilles.

— Je ne…

— C’est comme ça que tu élèves la petite ?

— Ta gueule.

— Elle est mignonne tout plein. Dommage que sa maman s’en soit pas sortie comme toi et moi.

— Ne t’approche pas de ma fille.

— Sinon ?

— Sinon je te tue.

— Tu m’as déjà tué, Jack. Tu te rappelles ? Dans cette grosse maison près de Drogheda. Tu m’as mis une balle dans la peau et tu m’as laissé brûler. Y a pas de deuxième chance. Pas avec moi.

— Ne t’approche pas de…

— La prochaine fois que tu me verras, Jack, ce sera trop tard pour quoi que ce soit. T’as plus qu’à prier pour que toi et ta môme, je vous épargne de connaître ce que tu m’as obligé à déguster, moi.

— Espèce de…

— Ou alors, je la brûlerai vive. Qu’elle en ressorte pleine de cicatrices et toute tordue comme moi. Et puis je te laisserai la regarder souffrir pendant un an ou deux avant de mettre fin à ton supplice. Qu’est-ce que t’en penses, Jack ?

— Je vais te tuer.

— Tu l’as déjà dit. Joyeux Noël, Jack. »

La communication fut coupée.

Lennon jeta le téléphone sur le siège passager, essuya la sueur qui lui coulait du front, et démarra. Il ne tint pas compte des klaxons qui protestaient quand il s’engagea dans la circulation, les yeux pleins de larmes, en proie à des visions d’Ellen prise dans les flammes.

43

Billy Crawford bascula le commutateur en haut des marches. La cave ne s’éclaira pas.

« Elle est futée », pensa-t-il.

Y avait-il une lampe torche dans la camionnette ? Il était presque certain d’en avoir glissé une sous le siège du conducteur, en cas de besoin, mais les piles étaient épuisées. Il y en avait une autre ici, dans sa boîte à outils ou pas loin. Ce ne serait pas difficile de la récupérer. D’un autre côté, il pouvait tout aussi bien s’occuper de la fille dans le noir.

Il retint son souffle et écouta, n’entendit rien, sauf les battements de son propre cœur. Qui cognait fort dans sa poitrine. Comme quand il attendait le sommeil, la nuit, seul au monde, livré à la merci des bêtes qui erraient dans son esprit. Même Dieu ne le voyait pas, dans ces moments-là.

« Tu as faim ? » demanda-t-il.

L’obscurité ne lui renvoya aucune réponse. Il descendit deux marches.

« Je peux nous préparer quelque chose à manger, reprit-il. J’ai du pain et de la soupe. Ou bien peut-être une pomme de terre au four. Et du café. Qu’est-ce que tu en dis ? »

L’escalier craqua, jusqu’à ce qu’il pose le pied sur le sol dur. Il resta immobile, silencieux, pendant que ses yeux s’accoutumaient à la pénombre et que de vagues formes émergeaient dans la lueur qui tombait de la porte. Du verre crissa sous sa chaussure quand il fit un pas vers l’établi.

L’ampoule électrique.

Passant les mains sur le bois lisse, il ne sentit que la sciure et les copeaux résultant de ses divers travaux. À sa droite, le placard. Dans l’ombre, il remarqua que les portes étaient fermées, alors qu’il était certain de les avoir laissées ouvertes.

Il promena sa langue dans sa bouche tout en réfléchissant. Oui, il avait laissé le placard ouvert. Il s’approcha, saisit fermement les poignées.

« Je veux seulement t’aider », dit-il.

Il ouvrit les portes d’un geste brusque. Depuis les tréfonds du placard ne lui parvenait aucun parfum de fille. Il palpa tous les coins, refusant de faire confiance à ses yeux. Vide.

« Ne veux-tu pas que je t’aide ? demanda-t-il en faisant face à l’obscurité environnante. S’il te p… »

Un soleil explosa dans son champ de vision, puis s’éteignit, laissant dans son sillage un léger brouillard vert phosphorescent. Il leva les mains pour tenter de chasser un reste de brillance.

Une autre lumière jaillit, cette fois pas devant ses yeux. À peine eut-il le temps de s’interroger sur sa provenance, qu’un second coup lui projeta la tête sur le côté, et le sol monta brutalement à la rencontre de son épaule.

44

Galya atteignit l’escalier, serrant toujours la torche dans sa main droite, le coude et le poignet vibrant encore du coup qu’elle avait porté avec tant de force, des fragments de l’ampoule brisée incrustés dans ses pieds. Elle gravit les marches deux par deux, vers la porte ouverte au-dessus, vers la lumière.

Les clés.

Elle s’immobilisa, un pied en l’air, au moment où elle touchait presque au but. Il devait avoir les clés sur lui. Les avait-elle entendues tinter quand il était tombé ? Oui, il lui semblait bien.