Выбрать главу

La porte principale de la maison serait sûrement verrouillée. En allant vérifier, elle lui laisserait le temps de se ressaisir. Mieux valait y retourner, trouver les clés, pendant qu’il était encore dans les vapes.

Galya adressa une courte prière silencieuse à Mama et fit demi-tour. Elle descendit lentement, se tenant à la rampe d’une main, agrippant la torche de l’autre. Il ne lui vint pas à l’esprit de l’allumer avant de sentir le sol de la cave parsemé de minuscules éclats de verre sous ses pieds déjà à vif.

Explorant la torche à tâtons, elle trouva le poussoir. Un rond de lumière pâle s’ouvrit sur le linoléum, ne révélant que du verre translucide brillant et une unique goutte rouge.

Une odeur de lait aigre, un souffle chaud sur sa nuque.

Galya pivota, décrivant un arc de cercle avec la torche, mais une main ferme la saisit au poignet.

Le visage lunaire s’approcha dans la faible lueur, tout près, montrant les dents.

« Arrête, s’il te plaît », dit-il.

Galya tenta de se dégager, en vain. Le bras qui l’emprisonnait ne bougea pas plus que s’il avait été cloué à un mur. Elle fut prise d’une rage soudaine, contre elle-même, pour être si facilement retombée dans le piège. Elle se débattit encore, luttant de tout son poids.

Il serra plus fort. Un sillon rouge se dessinait en travers de sa joue, partant de la tempe et se perdant dans les poils drus de sa barbe.

« Laisse-moi t’aider », dit-il.

Galya dirigea sa colère contre lui et poussa un grognement en lançant sa main libre à l’assaut de cette peau si pâle, ajoutant une autre zébrure le long de la cicatrice, sous l’œil droit. De fines perles de sang apparurent à la surface.

Il la poussa à la renverse. Elle se réceptionna durement, la colonne vertébrale parcourue par une onde de douleur. La torche s’écrasa sur le béton. Elle n’avait pas encore crié que déjà il se penchait sur elle et l’empoignait par les cheveux, ramassant la torche de son autre main.

« Je veux seulement t’aider, dit-il. Te sauver.

— Laissez-moi partir.

— Tais-toi, ordonna-t-il en lui tirant la tête en arrière. Ne lutte pas contre moi. Ne m’oblige pas à faire quelque chose… de mal.

— Je veux rentrer chez moi, dit Galya, se parlant plus à elle-même qu’elle ne s’adressait à lui. S’il vous plaît, laissez-moi rentrer chez moi, je ne raconterai rien à personne, s’il vous plaît, je…

— Tais-toi, répéta-t-il, le visage tout contre le sien, son souffle chaud lui effleurant les joues. Je ne comprends pas ce que tu dis. »

Elle s’aperçut qu’elle avait parlé en russe. Son esprit chercha désespérément les mots en anglais, mais aucun ne venait.

Il lui lâcha les cheveux, la laissa retomber par terre, et alluma la torche. Elle protégea ses yeux de l’aveuglante lumière.

« Tu n’as qu’à rester ici, dit-il en s’éloignant. Dans le noir. »

Parvenu au pied de l’escalier, il ajouta : « Réfléchis. Calme-toi. Essaie de comprendre, je ne veux pas te faire de mal. »

Il gravit les marches, gardant la torche braquée sur Galya, la surveillant par-dessus son épaule. En haut, il se retourna et la regarda longuement.

Galya se traîna sur le sol pour échapper à la flaque de lumière, cherchant le refuge de l’obscurité.

« C’est ça, dit-il. Cache-toi. Ce ne sera pas long maintenant. Tu verras. J’ai deux ou trois choses à faire, quelques préparatifs. Ensuite, on commencera. J’ai promis de te sauver, et je le ferai. Attends un peu. Ce sera magnifique. Tu remercieras Dieu grâce à qui je t’ai trouvée. Elles ont toutes remercié Dieu. Toutes. À la fin. »

Une fois la porte refermée, l’air se fit plus dense dans le noir. Galya recula dans un coin et pleura.

45

Lennon sortit de l’ascenseur et frappa avec impatience à la porte de l’appartement de Susan. Quelques heures seulement qu’il en était parti, mais il lui semblait que des jours entiers s’étaient écoulés. Il levait déjà la main pour recommencer quand le battant s’ouvrit.

« Pas la peine de défoncer ma porte, lâcha-t-elle d’un air sombre. Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Lennon jeta un coup d’œil dans l’appartement. Il entendit les voix des filles qui se disputaient.

« Rien, répondit-il.

— Tu mens, dit-elle en reculant. Mais bon, entre quand même. Tu te souviens peut-être que tu as une fille. »

Lennon referma la porte derrière lui. « Désolé. Ça a été une mauvaise journée.

— Moins que pour certaines personnes, si l’on en croit les infos. L’enquête progresse ?

— Un peu », dit-il.

Au moment où Susan se dirigeait vers le salon, il la retint par le coude.

« Quoi ? fit-elle, le front plissé par une ride d’inquiétude. Qu’est-ce qu’il y a ?

— Rien, c’est juste que… »

Elle se dégagea. « Pour l’amour du ciel, ne me raconte pas de bobards. Je ne suis pas une de ces pouffiasses que tu draguais dans les bars. Dis-moi ce qui ne va pas. »

Il la prit doucement par les deux bras. « Est-ce que quelqu’un est venu aujourd’hui ? Quelqu’un qui me cherchait ? Ou qui n’avait rien à faire dans l’immeuble ?

— Non, répondit-elle en secouant la tête. Personne. Pourquoi ?

— Des coups de fil ?

— La tante d’Ellen, c’est tout. Cinq fois. » Elle croisa les bras sur sa poitrine. « Dis-moi pourquoi tu es si inquiet.

— Pour rien, sûrement.

— Mais il se pourrait qu’il y ait quelque chose.

— Je ne sais pas, dit Lennon. Peut-être. »

Susan recula d’un pas, le visage soudain durci. « Je te donne beaucoup, Jack. Jamais je ne me plains. Je ne refuse jamais, sauf si je ne peux pas me débrouiller autrement. Je t’aide avec ta gamine depuis plus d’un an maintenant, et pour tout remerciement, je reçois un baiser et une caresse par-ci par-là. Je fais ça parce que je vous aime bien, toi et Ellen. »

Lennon voulut la reprendre par les bras, mais elle le repoussa violemment.

« Écoute-moi bien, Jack. S’il y a la moindre possibilité que tu m’apportes des ennuis chez moi, tu as intérêt à me cracher le morceau. Si je dois avoir peur pour ma fille, je veux le savoir tout de suite, ou alors tu dégages. »

Lennon mit les mains dans ses poches, s’adossa au mur, et expulsa l’air et la colère de ses poumons.

« Il y a peut-être quelqu’un qui m’en veut, dit-il.

— Qui ?

— Je ne connais pas son nom. Je ne sais rien de lui. C’est l’homme qui a enlevé Ellen et sa mère.

— Bon sang, dit Susan, dont la colère retomba d’un coup.

— J’étais sûr qu’il était mort. Dans l’incendie… Je pensais qu’il y était resté. Et puis j’ai reçu une carte ce matin. Signée d’une seule lettre : un V. Je l’ai déchirée et je l’ai jetée.

— D’où était-elle envoyée ?

— De Finglas, d’après le cachet de la poste, sauf qu’il a sans doute demandé à quelqu’un de l’expédier. Il peut être n’importe où, à l’étranger plus probablement, mais il doit avoir des contacts, des gens par qui il fait passer des messages.

— Donc, il est possible qu’il ne soit même pas en Irlande », dit Susan.

Lennon contempla le savant motif du tapis. « Il m’a téléphoné il y a quelques minutes. Il a proféré des menaces, rien de particulier, mais il a parlé d’Ellen. »

Susan se mordit l’ongle. « Tu crois qu’il va venir ?

— Non, pas maintenant, dit Lennon. Je ne pense pas. S’il avait l’intention d’agir, il le ferait sans m’avertir à l’avance. Il veut seulement me mettre mal à l’aise. M’effrayer.