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— Bon, je m’occupe de la fille au plus vite. Faites vos valises, prévoyez un moyen de transport pour vous rendre à l’aéroport, et soyez prêt à partir. Noël vous permettra de gagner un jour, pas plus. Dès le lendemain, vous serez interrogé. Vous ne pourrez pas y couper.

— D’accord, dit Strazdas.

— Pour ce qui est de la récompense…

— Hein ?

— Le paiement. Les choses sont allées bien plus loin que ce qui était convenu. J’attends d’être dédommagé en conséquence.

— Pas de problème, dit Strazdas, vous le serez. Mais dites-moi…

— Quoi ?

— Qui est ce fou ? Celui qui a tué Herkus ? »

69

Edwin Paynter ne doutait pas qu’il s’échapperait. Il l’avait su dès l’instant où les premiers policiers dévalèrent l’escalier de la cave, armes au poing, et il en avait maintenant la confirmation, allongé sur une civière dans un couloir d’hôpital. On ne pourrait pas le retenir, pas une seule seconde, à partir du moment où il choisirait de s’en aller.

Il lui fallait simplement attendre son heure, sans résister, en se montrant calme et docile. Tôt ou tard, les deux policiers qui le surveillaient commettraient un impair. Edwin Paynter aurait détalé avant qu’ils n’aient le temps de dire ouf.

La police était obligée de le conduire à l’hôpital. La fille lui avait ouvert le crâne avec la chaise, et Paynter savait que les blessures du cuir chevelu saignent à profusion. On ne pouvait donc pas évaluer la gravité de la blessure sans procéder à un examen.

De sa main libre, il pressait un tampon de gaze sur sa tempe pour étancher le sang. Son autre main était menottée au brancard. Rien de plus simple que de se lever et de partir en l’entraînant avec lui, s’il le décidait.

Mais ce n’était pas ce qu’il voulait. Il allait préparer sa sortie mieux que ça.

Le personnel des Urgences était débordé. Edwin Paynter ne cessait jamais de s’étonner en voyant le nombre de gens qui refusaient de travailler, chaque jour que Dieu fait, et s’adonnaient à la boisson. Rien de surprenant, alors, à ce que tant d’ivrognes de Belfast atterrissent dans un service d’urgence où l’on manquait de médecins et d’infirmières.

Et c’est ainsi que, lui, Edwin Paynter, se retrouvait ligoté à une civière dans un couloir, au milieu de la lie du peuple, des gémissements et des cris, pendant qu’une poignée d’internes et d’aides-soignants s’épuisaient à tenter de soulager ce ramassis de miséreux.

Les hôpitaux lui étaient toujours apparus comme des endroits étranges et effrayants, surtout les Urgences. Les bruits et les odeurs. Les choses qui se passaient derrière des rideaux, les chuchotements et les pas que l’on n’était pas censé entendre. Les familles rassemblées, attendant l’annonce de leur deuil. Les vieillards aux visages vides qui vous regardaient au fond des couloirs.

Le spectacle était identique ici. Des ivrognes vociféraient, contraints d’affronter leurs démons en dégrisant. De jeunes enfants hurlaient sur les genoux de leurs parents inquiets. Certains consultaient leur montre et pestaient contre leur feuille d’impôts, furieux de devoir attendre si longtemps pour faire soigner leurs petits maux. Tant de bruit et d’agitation pour rien.

Il devinait tout cela, plutôt qu’il ne le voyait, depuis son étroite couche. Tant pis pour eux s’ils souffrent, pensa-t-il.

Une infirmière apparut, flanquée d’un brancardier.

« M. Paynter ? dit-elle.

— Je m’appelle Crawford, répondit-il. Billy Crawford. »

Troublée, elle se tourna vers les policiers.

L’un d’eux haussa les épaules. « Moi, on m’a dit “Edwin Paynter”. Appelez-le comme vous voudrez, je m’en fiche, du moment que je peux vite rentrer chez moi. »

L’infirmière gratifia Paynter d’un sourire vacillant. « Mr., euh…

— Crawford, dit Paynter.

— M. Crawford, il n’y a plus de box disponible pour l’instant, mais nous allons nous occuper de vous dès que possible. En attendant, nous sommes obligés de libérer le couloir. Il y a de la place en orthopédie. D’accord ? »

Il ne répondit pas.

Le plafond défila au-dessus de lui, tandis qu’il laissait aller sa tête contre le mince oreiller recouvert d’une taie jetable. Les roues grincèrent, des chaussures couinèrent sur le sol en vinyle, jusqu’à ce que le brancard parvienne dans une pièce comportant des lits séparés par des rideaux, un tableau lumineux au mur, des rangées de tiroirs et des coffrets de pansements.

« Vous serez très bien ici, déclara l’infirmière pendant que le brancardier garait la civière contre un mur. Ça saigne toujours ? »

Elle écarta la main de Paynter et examina sa tempe. « Vous survivrez, dit-elle. Allez, ne bougez pas. Ce ne sera plus très long maintenant. »

L’infirmière sortit prestement de la pièce, le brancardier sur ses talons, laissant les deux policiers postés près du brancard.

L’un d’eux s’assit sur le lit le plus proche. L’autre faisait les cent pas dans le champ de vision de Paynter. Il remarqua que leurs pistolets ressemblaient beaucoup à celui qu’il avait pris à l’étranger, et à l’arme que le policier, Lennon, avait pointée sur lui quelques instants auparavant.

Le policier assis sur le lit regarda sa montre et haussa les sourcils. « Putain… Joyeux Noël », dit-il.

70

L’infirmière appliqua deux strips sur la coupure au menton de Lennon, assis au bord du lit, puis les couvrit d’un pansement. L’inspecteur chef Uprichard entra dans le box au moment où elle en ressortait. Il portait un anorak, un chandail à motifs et un pantalon en velours côtelé. Lennon prit conscience qu’il n’avait jamais vu Uprichard en civil. Ainsi vêtu, il paraissait vraiment ses soixante ans.

« Vous choisissez bien votre moment, dit Uprichard. Mince alors ! Joyeux Noël… »

Lennon sourit. Aucun juron ne s’échappait jamais de la bouche de son supérieur. « Merci d’être venu, dit-il. Vous n’étiez pas obligé.

— Non, mais je préfère clarifier le plus de choses possible ce soir plutôt que de me les coltiner à mon retour, après les fêtes. » Il tira Lennon par sa veste. « Venez. Mieux vaut libérer le box, il y a d’autres bonshommes qui attendent. »

Lennon suivit Uprichard dans le couloir.

« Qu’est-ce qu’on sait pour l’instant ? » demanda-t-il.

Uprichard s’installa sur une chaise parmi d’autres alignées devant la porte d’un bureau. « Nous sommes certains qu’il s’agit de l’Edwin Paynter que le jeune Connolly a trouvé dans la base de données ViSOR. Une fouille rapide de la maison n’a pas permis de l’identifier, mais il n’y a aucun doute. L’endroit sera passé au peigne fin après les fêtes.

— Et l’autre femme ? » demanda Lennon en prenant place à côté d’Uprichard. Cette dernière avait été découverte quand l’un des policiers, arrivé dans la deuxième voiture, avait entendu des gémissements à l’étage.

« Elle ne peut pas parler, mais on présume que c’est la propriétaire de la maison. Paynter la séquestrait là-haut depuis deux ans, probablement. Depuis qu’il a disparu.

— Bon sang, dit Lennon.

— Lors de la fouille, on a trouvé quelque chose… disons, d’inquiétant.

— Quoi ?

— Un sac de dents. Personne n’y a touché, mais on me dit qu’il s’agit de dents humaines. Des molaires, des incisives, rassemblées dans une petite bourse en velours.

— Le sol de la cave…, dit Lennon.