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Et ensuite ? À cette question, seul Dieu le Très-Haut pouvait répondre.

L’Ange du Seigneur chuchota : Vas-y.

« Je ne me sens pas bien », dit Paynter.

Le policier fit mine de ne pas avoir entendu. « Assis », ordonna-t-il.

Paynter toussa et grimaça.

« J’ai dit, assis », répéta le policier, tenant fermement la menotte qu’il venait d’ôter du lit, l’autre toujours verrouillée autour du poignet de Paynter.

Paynter se souleva péniblement. « Je ne me sens pas bien, dit-il encore. Vraiment pas bien. »

Il posa les pieds par terre. Accéléra sa respiration. Déglutit avec peine.

« Ne commence pas à râler, dit le policier. Tu viens avec nous, point barre.

— S’il vous plaît, dit Paynter. Il faut que je voie un médecin.

— Boucle-la, et lève-toi. »

Paynter s’exécuta faiblement, vacilla contre le policier, grogna.

Le policier le repoussa. « Du balai. »

Paynter trébucha en arrière, sans toutefois perdre l’équilibre. Il attrapa le policier par le bras.

« J’ai un malaise, dit-il. Il faut que…

— Tourne-toi », dit le policier en tirant sans ménagement sur la menotte. Il s’adressa à son collègue. « Tiens-le-moi, tu veux ? »

L’autre policier s’approcha et agrippa le bras de Paynter à deux mains.

Allez, dit l’Ange du Seigneur.

Les yeux révulsés, Paynter laissa ses jambes se dérober sous lui et s’affaissa contre le lit à roulettes qui glissa, repoussant le rideau. Les policiers, déstabilisés, ne purent que ralentir sa chute en l’agrippant par ses vêtements, et le virent bientôt étendu à leurs pieds.

Alertée par le tumulte, une infirmière écarta vivement le rideau.

Pour bien simuler une crise d’épilepsie, avait appris Paynter, il fallait se concentrer sur les spasmes de l’estomac. De là irradiaient ensuite tous les autres mouvements. Il serra les dents, rabattit sa langue vers l’arrière et, crispant et relâchant tour à tour les muscles de son abdomen, se cambra, rua en tous sens, lança de violents coups de pied.

« Il nous monte un bateau, dit le plus âgé des policiers.

— Je ne sais pas…, fit le plus jeune en s’accroupissant à côté de Paynter. Ça n’a pas l’air d’aller. »

L’infirmière se fraya un chemin entre eux. « Laissez-moi voir, dit-elle. Écartez-vous. »

Paynter exagéra encore les symptômes, expulsant l’air avec force entre ses dents, laissant enfler un grognement sourd au fond de sa gorge. Il gardait les mains sur sa poitrine, les doigts recourbés comme des griffes. Le policier plus âgé tenait toujours la menotte. Il voulut lui saisir l’autre poignet, mais perdit l’équilibre quand Paynter roula sur le côté.

Personne ne s’aperçut que le jeune policier avait perdu son pistolet, jusqu’à ce que la crise de Paynter s’arrête d’un coup. Il repoussa le policier tombé près de lui et se mit debout, tenant l’arme à bout de bras le long du corps, canon pointé vers le sol.

L’infirmière hurla.

Le jeune policier recula en se traînant par terre. « Bon sang, il m’a pris mon arme ! »

L’autre se redressa et dégaina. Il visa Paynter en pleine poitrine.

Les patients et les visiteurs poussèrent des cris horrifiés.

Paynter ne leva pas son pistolet. Ne pas menacer pour que les autres ne tirent pas. Tel était le pari à prendre, s’il voulait gagner sa liberté.

« Lâche ce flingue », ordonna le policier.

Réponds-lui non, dit l’Ange du Seigneur.

« Non », dit Paynter.

Le policier ajusta son tir en visant le front de Paynter. « Lâche-le, sinon je tire. »

Réponds-lui non.

« Non », dit Paynter.

Lentement, bras plié, il leva le pistolet, sans mettre en joue le policier en face de lui mais en dirigeant le canon vers le plafond.

« Je vais te buter », dit le policier.

Non, il ne le fera pas.

« Non, vous ne le ferez pas. »

La liberté lui était acquise, même si les policiers et tous les autres témoins ne s’en rendaient pas compte. Il répétait cette scène dans son esprit depuis près de vingt-quatre heures, il en connaissait chaque mouvement, chaque mot, guidé par la voix qui murmurait à son oreille.

Une chaleur lui envahit le cœur. Une paix, lui sembla-t-il. Il se rappela alors les paroles qu’il avait préparées.

Parle, maintenant, dit l’Ange du Seigneur.

« Je m’appelle Edwin Paynter. J’ai livré huit femmes au Seigneur, trois dans la ville de Salford, cinq à Belfast.

— Putain, lâche ce flingue ! » cria le policier.

Paynter ne lui prêta pas attention. Il se remémora le geste de l’étranger dans sa cave, à peine quelques heures auparavant. De sa main libre, il tira la glissière vers lui, sentit le jeu des pièces métalliques qui se mettaient en place, et dit : « Elles me remercieront quand je les verrai dans Ses bras. »

Le policer fit un pas en avant. « Je vais te descendre, tu m’entends ?

— Vous ne pouvez pas me garder prisonnier, dit Paynter. Vos prisons ne me retiendront pas. L’Ange du Seigneur me libérera. »

Il n’entendit pas les cris tout autour quand il approcha le canon de ses lèvres, le glissa entre ses dents, l’appuya contre son palais.

Il perçut le goût du métal et de l’huile, sentit le baiser que l’Ange du Seigneur déposait sur sa joue.

Il pressa la détente.

QUATRIÈME PARTIE

JACK

80

Galya attendit, sans bouger de son siège, pendant que Lennon examinait l’arrière de la voiture. Même avec le manteau qu’elle serrait étroitement autour de son corps dévasté par la fatigue, elle sentait le froid de la nuit, les doigts sombres qui s’insinuaient par la vitre brisée derrière son dos. Elle frissonna. Trop épuisée pour avoir peur. Tout ce qu’elle voulait maintenant, c’était dormir.

Lennon ouvrit la portière du conducteur et prit place au volant. « Ce n’est pas trop grave, dit-il, son haleine rejetant un voile de condensation dans l’habitacle. En tout cas, ça roule. »

Ils tournaient depuis une demi-heure, enfilant une rue après l’autre, le long des maisons plongées dans l’obscurité. Lennon surveillait constamment son rétroviseur, jusqu’à ce qu’il eût acquis la certitude qu’ils n’étaient pas suivis. Alors seulement, il s’arrêta pour constater les dégâts.

Il redémarra le moteur et s’écarta du trottoir, empruntant à nouveau un itinéraire tortueux dans les rues gelées.

Au bout de quelques minutes de silence, Galya demanda : « C’était qui ?

— Je ne sais pas, répondit Lennon. Mais je sais qui l’a envoyé.

— Qui ?

— Arturas Strazdas. Le frère de l’homme que vous avez tué. »

La femme à l’hôpital, de sa voix douce et triste, avait expliqué à Galya les suites auxquelles il fallait s’attendre. C’était, pour la jeune Ukrainienne, comme si on lui racontait l’histoire de quelqu’un d’autre, une fille amenée dans une ville étrange pour y être achetée et vendue.

« Je ne voulais pas tuer cet homme, dit Galya. Je ne voulais pas que toutes ces choses arrivent.

— Je sais, répondit Lennon. Mais pour lui, ça ne change rien. »

Il s’engagea dans un rond-point, puis remonta une longue route toute droite. Il ralentit en approchant d’un groupe de bâtiments entourés d’un haut mur. Au-dessus, des projecteurs lacéraient le brouillard. À côté d’une double porte fermée étaient gravés les mots : COMMISSARIAT DE LADAS DRIVE, POLICE D’IRLANDE DU NORD.