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« Bon sang, Dan, fit le chauffeur. Qu’est-ce qui se passe ? Vous m’avez fait peur. J’ai cru que j’allais me prendre une amende. Je ne peux pas me permettre de perdre des points en ce… »

Hewitt sortit un pistolet de sa ceinture, visa le front du chauffeur, et tira.

Strazdas se précipitait déjà pour ouvrir la portière. Il s’éjecta de la voiture, atterrit sur l’épaule, se releva et escalada l’accotement en glissant dans la neige.

Une détonation claqua dans l’air glacé, et les jambes de Strazdas se dérobèrent sous lui. Il tomba à la renverse en hurlant et dévala la pente vers le taxi dont le moteur tournait toujours. Le macadam du bas-côté lui écorcha les mains et les genoux quand il termina sa chute près de la roue arrière du véhicule. Il essaya de ramper sous la carrosserie, mais une main le saisit par la cheville et le traîna en arrière.

Dominant de toute sa hauteur l’homme couché à terre, Hewitt le visa entre les yeux.

« Je n’enverrai pas de lettre, gémit Strazdas. J’ai dit ça comme ça. Je ne le ferai pas, je le jure sur la vie de ma mère.

— Trop tard », dit Hewitt.

Strazdas hurla.

Après deux balles dans la poitrine, sans plus supplier ni crier, il put seulement voir Hewitt s’avancer et se pencher vers lui. Il perçut la chaleur du canon contre son front, sentit l’odeur de la cordite, et voua sa mère à tous les diables de l’enfer.

92

Susan attendait près du lit, Ellen assise sur ses genoux, quand Lennon se réveilla.

« Bienvenue parmi les vivants, dit-elle.

— Où suis-je ? demanda-t-il.

— Au Royal. On t’a ramené de l’hôpital d’Antrim il y a deux jours.

— Je me rappelle pas. » Sa voix lui râpait la gorge comme du papier de verre.

« Ça ne m’étonne pas, dit-elle. Tu étais shooté jusqu’aux yeux.

— Tu étais là ?

— Oui, répondit-elle. Je t’ai tenu la main dans l’ambulance. Je suis restée près de toi tous les jours.

— Combien de temps ? »

Susan sourit. « Hier soir, je me suis souhaité la bonne année.

— Merci », dit Lennon.

Elle hocha la tête.

Lennon regarda sa fille. Il fit un effort pour lui sourire. « Salut », dit-il.

Le visage de la fillette demeura impassible. « Salut.

— Tu as été sage ? » demanda-t-il.

Ellen sourit enfin. « Mmm », répondit-elle.

Lennon tendit sa main droite vers sa fille. Elle lui saisit deux doigts et les serra. Il voulut dire quelque chose, des paroles importantes, il en était sûr, mais le sommeil le prit de vitesse.

* * *

Deux jours plus tard, l’inspecteur chef Uprichard vint s’asseoir au chevet de Lennon.

« La qualité des visites se dégrade déjà, commenta Lennon.

— Ça ne va pas s’arranger, dit Uprichard. Vous vous êtes mis dans un sale pétrin.

— Quel genre ?

— N’y pensez pas pour l’instant. Pensez d’abord à vous rétablir, c’est le mieux que vous puissiez faire.

— Quel genre ? » répéta Lennon.

Uprichard soupira. « C’est sérieux. Telle que l’affaire se présente à ce jour, je ne vois pas comment vous allez vous en sortir. Le fait que vous ayez aidé cette fille à fuir la justice, déjà, c’est suffisant pour signer la fin de votre carrière dans la police, mais avec la mort du jeune Connolly en plus, même s’il s’agit de légitime défense… Disons que vous avez intérêt à bétonner vos réponses quand on vous interrogera.

— Quelqu’un a enquêté sur Connolly ? demanda Lennon. Pourquoi était-il là ?

— Sa femme a fait une déposition, répondit Uprichard. Et nous avons eu accès à ses comptes bancaires. Le couple était endetté jusqu’au cou. Emprunts, cartes de crédit, trois mois de loyer en retard. Et puis arrivent deux gros virements depuis un compte offshore, dont un effectué la veille de Noël et crédité seulement après les fêtes. D’après sa femme, ils risquaient d’être expulsés de chez eux, et tout d’un coup, il annonce qu’il a trouvé l’argent d’une mise de fonds pour acheter une maison. Apparemment, quelqu’un le payait grassement pour vous dégommer.

— Dan Hewitt », dit Lennon.

Uprichard se leva. « Je ne vous ai pas entendu.

— Dan Hewitt travaillait pour Strazdas. Il a mis Connolly sur le coup.

— Des preuves, Jack. » Uprichard agita un doigt en direction de Lennon. « Des éléments à charge. À moins d’en détenir à profusion, on ne noircit pas le nom d’un bon officier de police.

— C’était lui, dit Lennon. Je l’aurai. Je le ferai tomber.

— Assez ! » Uprichard devint tout rouge. « Je refuse d’écouter ça. »

Il fonça tête baissée vers la porte. Là, il marqua une pause, les épaules tressautant sous l’effet de la colère, et daigna accorder encore un regard à Lennon.

« J’oubliais…, dit-il. J’ai quelque chose à vous remettre. »

Uprichard revint près du lit en évitant de croiser les yeux de Lennon. Il laissa tomber une enveloppe sur le drap. Lennon la prit, la tourna entre ses mains. La lettre était adressée à « Monsieur Policier Jack Lennon, Commissariat de Ladas Drive, Belfast, Irlande du Nord ». Le cachet de la poste indiquait « Kyyiv ».

« J’ai vérifié, dit Uprichard. C’est Kiev. La lettre est arrivée ce matin. Je me suis dit que vous voudriez la voir.

— Oui, dit Lennon. Merci. »

Uprichard hésita un instant. « Bon, je vous laisse lire. Rétablissez-vous, Jack. Vous aurez besoin d’être le plus en forme possible pour sortir de ce bourbier dans lequel vous vous êtes fourré. »

Une fois seul, Lennon examina l’enveloppe, l’écriture soignée et enfantine. Il voulut la décacheter, mais il se découvrit les yeux secs, incapable de soutenir le poids de ses paupières. Il regarda l’horloge en face de son lit.

C’était l’heure. Une infirmière entra pour ajouter une dose d’analgésique à la perfusion qui lui coulait dans la veine de la main. Quand ce serait fait, il sombrerait dans un sommeil sans fond où ne perçait aucune lumière.

« Qu’est-ce que vous avez là ? demanda-t-elle.

— Une lettre d’une amie, répondit-il.

— Vous voulez la lire avant que je vous envoie faire un gros dodo ? »

Il posa la lettre sur la table de chevet.

« Plus tard », dit-il.

ÉPILOGUE

Cher Jack Lennon,

J’écris cette lettre dans une ville au sud de mon ancien village d’Andriivka, près de Soumy. Je ne dis pas le nom. C’est là que j’habite maintenant, avec mon frère Maksim.

J’espère que vous êtes vivant. Je prie Dieu que vous le soyez. Je crois que non, mais j’écris quand même cette lettre.

Pour rentrer chez moi, je mets cinq jours. Un train de Cracovie à Varsovie. Ensuite de Varsovie à Kyyiv, et puis un autre pour Soumy. Je dors dans le train. Je rêve de l’homme qui m’a emmenée dans sa maison. Je crois que je ferai toujours des rêves, mais ils seront moins terribles.

Quand j’arrive chez moi, Maksim est heureux. Il avait peur pour moi, et maintenant la peur s’en va. Je ne lui raconte pas ce qui est arrivé à Belfast. Je lui explique que je n’ai pas trouvé travail. Je lui dis que j’ai eu accident de voiture.

Je dis à l’homme qui prête argent de prendre la ferme de Mama. Nous partons avec autobus pour venir ici. Aujourd’hui, je travaille dans café. Je ne gagne pas beaucoup d’argent mais je paye chambre pour nous. Bientôt Maksim aussi aura travail, et il ira à l’école pour apprendre anglais comme moi.