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Hermione, Oreste, Cléone

Oreste

Eh bien! mes soins vous ont rendu votre conquête.

J’ai vu Pyrrhus, Madame, et votre hymen s’apprête.

Hermione

On le dit; et de plus on vient de m’assurer

Que vous ne me cherchiez que pour m’y préparer.

Oreste

Et votre âme à ses vœux ne sera pas rebelle?

Hermione

Qui l’eût cru que Pyrrhus ne fût pas infidèle?

Que sa flamme attendrait si tard pour éclater?

Qu’il reviendrait à moi, quand je l’allais quitter?

Je veux croire avec vous qu’il redoute la Grèce,

Qu’il suit son intérêt plutôt que sa tendresse,

Que mes yeux sur votre âme étaient plus absolus.

Oreste

Non, Madame: il vous aime, et je n’en doute plus.

Vos yeux ne font-ils pas tout ce qu’ils veulent faire?

Et vous ne vouliez pas sans doute lui déplaire.

Hermione

Mais que puis-je, Seigneur? On a promis ma foi.

Lui ravirai-je un bien qu’il ne tient pas de moi?

L’amour ne règle pas le sort d’une princesse:

La gloire d’obéir est tout ce qu’on nous laisse.

Cependant je partais, et vous avez pu voir

Combien je relâchais pour vous de mon devoir.

Oreste

Ah! que vous saviez bien, cruelle… Mais, Madame,

Chacun peut à son choix disposer de son âme.

La vôtre était à vous. J’espérais; mais enfin

Vous l’avez pu donner sans me faire un larcin.

Je vous accuse aussi bien moins que la fortune.

Et pourquoi vous lasser d’une plainte importune?

Tel est votre devoir, je l’avoue; et le mien

Est de vous épargner un si triste entretien.

Scène III

Hermione, Cléone

Hermione

Attendais-tu, Cléone, un courroux si modeste?

Cléone

La douleur qui se tait n’en est que plus funeste.

Je le plains d’autant plus qu’auteur de son ennui,

Le coup qui l’a perdu n’est parti que de lui.

Comptez depuis quel temps votre hymen se prépare;

Il a parlé, Madame, et Pyrrhus se déclare.

Hermione

Tu crois que Pyrrhus craint? Et que craint-il encor?

Des peuples qui dix ans ont fui devant Hector,

Qui cent fois, effrayés de l’absence d’Achille,

Dans leurs vaisseaux brûlants ont cherché leur asile,

Et qu’on verrait encor, sans l’appui de son fils,

Redemander Hélène aux Troyens impunis?

Non, Cléone, il n’est point ennemi de lui-même;

Il veut tout ce qu’il fait, et s’il m’épouse, il m’aime.

Mais qu’Oreste à son gré m’impute ses douleurs:

N’avons-nous d’entretien que celui de ses pleurs?

Pyrrhus revient à nous! Eh bien! chère Cléone,

Conçois-tu les transports de l’heureuse Hermione?

Sais-tu quel est Pyrrhus? T’es-tu fait raconter

Le nombre des exploits… mais qui les peut compter?

Intrépide, et partout suivi de la victoire,

Charmant, fidèle enfin: rien ne manque à sa gloire.

Songe…

Cléone

Dissimulez. Votre rivale en pleurs

Vient à vos pieds, sans doute, apporter ses douleurs.

Hermione

Dieux! ne puis-je à ma joie abandonner mon âme?

Sortons: que lui dirais-je?

Scène IV

Andromaque, Hermione, Cléone, Céphise

Andromaque

Où fuyez-vous, Madame?

N’est-ce pas à vos yeux un spectacle assez doux

Que la veuve d’Hector pleurante à vos genoux?

Je ne viens point ici, par de jalouses larmes,

Vous envier un cœur qui se rend à vos charmes.

Par une main cruelle, hélas! j’ai vu percer

Le seul où mes regards prétendaient s’adresser.

Ma flamme par Hector fut jadis allumée;

Avec lui dans la tombe elle s’est enfermée.

Mais il me reste un fils. Vous saurez quelque jour,

Madame, pour un fils jusqu’où va notre amour;

Mais vous ne saurez pas, du moins je le souhaite,

En quel trouble mortel son intérêt nous jette,

Lorsque de tant de biens qui pouvaient nous flatter,

C’est le seul qui nous reste, et qu’on veut nous l’ôter.

Hélas! lorsque, lassés de dix ans de misère,

Les Troyens en courroux menaçaient votre mère,

J’ai su de mon Hector lui procurer l’appui.

Vous pouvez sur Pyrrhus ce que j’ai pu sur lui.

Que craint-on d’un enfant qui survit à sa perte?

Laissez-moi le cacher en quelque île déserte;

Sur les soins de sa mère on peut s’en assurer,

Et mon fils avec moi n’apprendra qu’à pleurer.

Hermione

Je conçois vos douleurs. Mais un devoir austère,

Quand mon père a parlé, m’ordonne de me taire.

C’est lui qui de Pyrrhus fait agir le courroux.

S’il faut fléchir Pyrrhus, qui le peut mieux que vous?

Vos yeux assez longtemps ont régné sur son âme;

Faites-le prononcer: j’y souscrirai. Madame.

Scène V

Andromaque, Céphise

Andromaque

Quel mépris la cruelle attache à ses refus!

Céphise

Je croirais ses conseils, et je verrais Pyrrhus.

Un regard confondrait Hermione et la Grèce…

Mais lui-même il vous cherche.

Scène VI

Pyrrhus, Andromaque, Phœnix, Céphise

Pyrrhus, à Phœnix.

Où donc est la princesse?

Ne m’avais-tu pas dit qu’elle était en ces lieux?

Phœnix

Je le croyais.

Andromaque, à Céphise.

Tu vois le pouvoir de mes yeux!

Pyrrhus

Que dit-elle, Phœnix?

Andromaque

Hélas! tout m’abandonne.

Phœnix

Allons, Seigneur, marchons sur les pas d’Hermione.

Céphise

Qu’attendez-vous? Rompez ce silence obstiné.

Andromaque

Il a promis mon fils.

Céphise

Il ne l’a pas donné.

Andromaque

Non, non, j’ai beau pleurer, sa mort est résolue.

Pyrrhus

Daigne-t-elle sur nous tourner au moins la vue?

Quel orgueil!

Andromaque

Je ne fais que l’irriter encor.

Sortons.

Pyrrhus

Allons aux Grecs livrer le fils d’Hector.

Andromaque

Ah! Seigneur, arrêtez! Que prétendez-vous faire?

Si vous livrez le fils, livrez-leur donc la mère!

Vos serments m’ont tantôt juré tant d’amitié!

Dieux! ne pourrai-je au moins toucher votre pitié?

Sans espoir de pardon m’avez-vous condamnée?

Pyrrhus

Phœnix vous le dira, ma parole est donnée.