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– Tu parles comme Mopountook, le chef des Métallaks, sur le Haut-Kennebec. Il m'a enseigné l'eau des sources.

– L'eau des sources nous transmet la force de nos ancêtres ensevelis dans la terre qu'elle traverse.

Angélique envoya quérir l'eau la plus fraîche qu'il se pût trouver.

Or, tout à coup, Piksarett paraissait songeur.

L'établissement de Gouldsboro intimidait-il le grand Abénakis, allié des Français et de leurs guides spirituels, les Jésuites ? Malgré son indépendance personnelle se sentait-il coupable de se fourvoyer dans un établissement presque anglais pour y toucher la rançon d'une captive qu'il ne pourrait même pas faire baptiser dans la religion catholique puisqu'elle l'était déjà ?

Angélique crut lui complaire en lui assurant qu'il trouverait ici du fer de la meilleure qualité pour sa hache et celles de ses guerriers, et que s'il désirait des perles, pour lui, grand chef, M. de Peyrac avait en réserve des perles bleues et vertes qu'il faisait venir de Perse. De même les coquillages qu'il proposerait pour les traités ne seraient pas, pour un aussi important sagamore, de vulgaires coquillages, ramassés sur les plages, mais des cauris, de l'océan Indien. Bien que fort rare en Amérique, cette monnaie d'échange avait été depuis des siècles apportée par les caravelles des compagnies des Indes. Ils composaient les plus beaux bijoux, et jusqu'au delà des mers douces on parlait de certaines parures de chefs sioux, qui, sans avoir jamais eu aucun contact avec l'homme blanc, faisaient leur fierté d'arborer de multiples rangées de ces cauris venus de mers dont ils ne soupçonnaient même pas l'existence. Jérôme et Michel se passionnèrent pour le sujet. Leurs yeux brillaient de convoitise, mais Piksarett trancha tout à coup, disant qu'il ne seyait pas à une femme captive de discuter de sa propre rançon, qu'aussi bien il en traiterait lui-même avec Tekonderoga, l'Homme-du-Tonnerre.

– Veux-tu que je te conduise à lui ? proposa Angélique acceptant son humeur.

– Non, je saurai bien le trouver, affirma Piksarett péremptoire.

Qu'avait-il soudain ? C'était trop peu dire que d'affirmer que Piksarett, le joyeux, le badin, se montrait subitement soucieux. La gravité et l'expression d'intense réflexion qui faisait briller son regard de mûre noire rendaient peu rassurant ce masque bariolé, soudain figé et durci sous son réseau d'entrelacs vermillons. Il se prit à regarder autour de lui, mais cette fois sans curiosité, d'un air soupçonneux, parut flairer on ne sait quoi. Puis il toucha du bout de ses doigts le front d'Angélique.

– Un danger est sur toi, murmura-t-il, je le sais, je le sens.

Cette déclaration réveilla en Angélique un sentiment d'alarme.

Elle n'aimait pas voir les sauvages, comme aussi Adhémar, ce simple d'esprit, étaler au jour leurs avertissements secrets. Ils risquaient trop de tomber juste.

– Quel danger, Piksarett, dis-moi ? interrogea-t-elle.

– Je ne sais pas.

Il secoua ses tresses enfilées dans des pattes de renard.

– Es-tu baptisée ? interrogea-t-il en dardant sur elle un œil de confesseur jésuite, tout à fait incongru dans son grotesque bariolage.

– Mais oui, je le suis. Je te l'ai déjà dit !

– Alors prie la Sainte Vierge et les Saints. C'est tout ce que tu peux faire. Prie ! Prie ! Prie ! l'adjura-t-il solennellement.

Il porta les mains à son chignon huilé, y chercha quelque chose et en détacha un de ses multiples ornements, un chapelet de capucin à gros grains, terminé par une croix de bois, et le passa au cou d'Angélique. Puis il la bénit trois fois en prononçant la formule consacrée :

In nomine Pater, Filius et Spiritus Sanctus...

– L'eau des sources nous transmet la force de nos ancêtres ensevelis dans la terre qu'elle traverse.

Angélique envoya quérir l'eau la plus fraîche qu'il se pût trouver.

Or, tout à coup, Piksarett paraissait songeur.

L'établissement de Gouldsboro intimidait-il le grand Abénakis, allié des Français et de leurs guides spirituels, les Jésuites ? Malgré son indépendance personnelle se sentait-il coupable de se fourvoyer dans un établissement presque anglais pour y toucher la rançon d'une captive qu'il ne pourrait même pas faire baptiser dans la religion catholique puisqu'elle l'était déjà ?

Angélique crut lui complaire en lui assurant qu'il trouverait ici du fer de la meilleure qualité pour sa hache et celles de ses guerriers, et que s'il désirait des perles, pour lui, grand chef, M. de Peyrac avait en réserve des perles bleues et vertes qu'il faisait venir de Perse. De même les coquillages qu'il proposerait pour les traités ne seraient pas, pour un aussi important sagamore, de vulgaires coquillages, ramassés sur les plages, mais des cauris, de l'océan Indien. Bien que fort rare en Amérique, cette monnaie d'échange avait été depuis des siècles apportée par les caravelles des compagnies des Indes. Ils composaient les plus beaux bijoux, et jusqu'au delà des mers douces on parlait de certaines parures de chefs sioux, qui, sans avoir jamais eu aucun contact avec l'homme blanc, faisaient leur fierté d'arborer de multiples rangées de ces cauris venus de mers dont ils ne soupçonnaient même pas l'existence. Jérôme et Michel se passionnèrent pour le sujet. Leurs yeux brillaient de convoitise, mais Piksarett trancha tout à coup, disant qu'il ne seyait pas à une femme captive de discuter de sa propre rançon, qu'aussi bien il en traiterait lui-même avec Tekonderoga, l'Homme-du-Tonnerre.

– Veux-tu que je te conduise à lui ? proposa Angélique acceptant son humeur.

– Non, je saurai bien le trouver, affirma Piksarett péremptoire.

Qu'avait-il soudain ? C'était trop peu dire que d'affirmer que Piksarett, le joyeux, le badin, se montrait subitement soucieux. La gravité et l'expression d'intense réflexion qui faisait briller son regard de mûre noire rendaient peu rassurant ce masque bariolé, soudain figé et durci sous son réseau d'entrelacs vermillons. Il se prit à regarder autour de lui, mais cette fois sans curiosité, d'un air soupçonneux, parut flairer on ne sait quoi. Puis il toucha du bout de ses doigts le front d'Angélique.

– Un danger est sur toi, murmura-t-il, je le sais, je le sens.

Cette déclaration réveilla en Angélique un sentiment d'alarme.

Elle n'aimait pas voir les sauvages, comme aussi Adhémar, ce simple d'esprit, étaler au jour leurs avertissements secrets. Ils risquaient trop de tomber juste.

– Quel danger, Piksarett, dis-moi ? interrogea-t-elle.

– Je ne sais pas.

Il secoua ses tresses enfilées dans des pattes de renard.

– Es-tu baptisée ? interrogea-t-il en dardant sur elle un œil de confesseur jésuite, tout à fait incongru dans son grotesque bariolage.

– Mais oui, je le suis. Je te l'ai déjà dit !

– Alors prie la Sainte Vierge et les Saints. C'est tout ce que tu peux faire. Prie ! Prie ! Prie ! l'adjura-t-il solennellement.

Il porta les mains à son chignon huilé, y chercha quelque chose et en détacha un de ses multiples ornements, un chapelet de capucin à gros grains, terminé par une croix de bois, et le passa au cou d'Angélique. Puis il la bénit trois fois en prononçant la formule consacrée :

In nomine Pater, Filius et Spiritus Sanctus...

Enfin il bondit sur ses pieds, et attrapa sa lance.

– Faisons vite, objurgua-t-il à ses deux fidèles. Il faut que je me mette en route avant que les Iroquois se répandent dans nos forêts. L'été fait sortir ces coyotes de leurs tanières puantes.

« Maintenant que nous en avons fini avec les Anglais, achevons l'œuvre de justice pour contenter nos Frères en Dieu, les Français, et satisfaire nos pères bien-aimés, les Robes Noires. Sinon les démons qui rôdent nous gagneront de vitesse.