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Puis il l'avait soigneusement posée sur une étagère poussiéreuse et inaccessible du salon, dans le recoin le plus obscur.

Quelques jours plus tard, Langdon était grimpé sur un tabouret, il avait repris la rose et l'avait rapportée au magasin. Son père ne s'était jamais aperçu de l'absence de son cadeau de Noël.

L'arrivée de l'ascenseur tira Langdon de sa rêverie. Vittoria et Kohler venaient d'entrer; Langdon hésita.

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— Un problème? demanda Kohler, sur un ton plus impatient qu'inquiet.

— Pas du tout, répartit Langdon en se forçant à entrer dans la cabine.

Il ne prenait l'ascenseur qu'en cas d'absolue nécessité.

Claustrophobe, il préférait l'espace plus ouvert d'une cage d'escalier.

— Le labo du professeur Vetra est en sous-sol, précisa Kohler.

Génial, se dit Langdon.

Il sentit au passage du seuil une bouffée d'air froid monter des profondeurs. Les portes se refermèrent et la cabine entama sa descente.

— Six étages, fit Kohler d'un ton rigoureusement neutre.

Langdon imaginait l'obscurité dans le puits au-dessous d'eux. Il essaya de bloquer ces pensées en se concentrant sur les voyants des arrêts. Mais, bizarrement, il n'y avait que deux paliers signalés par RDC et Collisionneur LHC.

— Collisionneur LHC? s'enquit Langdon, en essayant d'adopter un ton dégagé.

— L'accélérateur de particules.

Accélérateur de particules? Langdon connaissait vaguement l'expression. Il l'avait entendue pour la première fois dans un dîner avec des collègues, à Cambridge. Un de ses amis physiciens, Bob Brownell, en arrivant au dîner, ce soir-là, était furieux.

— Les salauds l'ont annulé! s'était-il écrié.

— Annulé quoi? avaient demandé les convives.

— Le SSC!

— Le quoi?

— Le super collisionneur!

Quelqu'un haussa les épaules.

— Je ne savais pas que Harvard avait prévu d'en construire un! — Pas Harvard! s'exclama l'autre. Les États-Unis! Le plus puissant accélérateur de particules du monde. Un des plus importants projets scientifiques du siècle! Deux milliards de

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dollars et le Sénat recale le projet! Encore un coup de ces fichus bigots du Sud!

Quand Brownell s'était enfin calmé, il avait expliqué qu'un accélérateur de particules était un large tube circulaire dans lequel on projetait à très haute vitesse des particules subatomiques. Des aimants s'allumaient et s'éteignaient très rapidement pour accélérer le mouvement de ces mêmes particules jusqu'à ce qu'elles atteignent des vitesses époustouflantes. À leur maxima ces particules pouvaient atteindre 290 000 km/seconde.

— Mais c'est presque la vitesse de la lumière! s'était étonné un des universitaires présents.

— Absolument! s'était exclamé Brownell.

Il avait poursuivi en expliquant que, en accélérant la vitesse des particules envoyées dans des directions opposées et en les faisant entrer en collision, les scientifiques pouvaient les décomposer en éléments plus petits et espéraient ainsi entrevoir les composants ultimes de la matière.

— Les accélérateurs de particules, avait précisé Brownell, sont essentiels pour l'avenir de la science. Les collisions de particules sont la clé de la compréhension des éléments initiaux de l'univers.

Le « poète en résidence » de Harvard, un homme tranquille du nom de Charles Pratt, ne s'était pas laissé intimider par ces perspectives.

— Tout cela m'apparaît comme une approche assez préhistorique de la science. . Un peu comme de fracasser des horloges l'une contre l'autre pour comprendre leur fonctionnement.

Brownell avait laissé tomber sa fourchette et avait quitté la pièce en coup de vent.

Ainsi le CERN possède un accélérateur de particules? songeait Langdon pendant que l'ascenseur poursuivait sa descente. Un tunnel circulaire dans lequel on fracasse des particules les unes contre les autres? Pourquoi a-t-on si profondément enterré ce tunnel...?

Quand l'ascenseur stoppa, Langdon fut soulagé de sentir la terre ferme sous ses pieds. Mais quand les portes s'ouvrirent, son

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soulagement s'évapora aussitôt. Robert Langdon se voyait de nouveau confronté à un univers complètement étranger.

Le couloir s'étendait très loin à droite comme à gauche.

C'était un boyau de ciment gris et lisse, assez large pour qu'un semi-remorque puisse aller et venir. L'emplacement où ils se tenaient était brillamment éclairé mais, à quelque distance de là, il était plongé dans la plus complète obscurité. Le bruissement sourd d'un souffle d'air humide rappela désagréablement à Langdon qu'il se trouvait à une très grande distance de la surface du sol. Il sentait presque le poids de la terre et des rocs au-dessus de sa tête. Pendant un instant, il eut neuf ans... il se souvint... cette même obscurité qui l'avait épouvanté, pétrifié, cinq heures durant. Ce noir vertigineux qui le hantait toujours.

Crispant les poings, il chassa cette pensée.

Vittoria sortit en silence de l'ascenseur et s'enfonça sans hésitation dans l'obscurité sans les attendre.

Au-dessus d'elle, les néons s'allumaient à mesure qu'elle avançait. On croirait, songea Langdon troublé, que le tunnel est un être vivant... qu'il anticipe chacun des mouvements de Vittoria. Langdon et Kohler suivirent à une allure plus modérée. Les néons s'éteignaient automatiquement derrière eux. — L'accélérateur de particules se trouve au bout du tunnel?

demanda Langdon d'un ton placide.

— C'est ce truc, là, répondit Kohler en lui indiquant un tube de chrome poli qui longeait la paroi intérieure du tunnel.

Surpris, Langdon examina le tube en question qui ne ressemblait en rien à ce qu'il avait imaginé.

C'est ça l'accélérateur?

Parfaitement rectiligne, le tuyau devait mesurer environ un mètre de diamètre et, comme le tunnel, il se perdait dans l'obscurité, à quelques dizaines de mètres. Ça ressemble plutôt à une conduite d'égout high-tech , se dit Langdon.

— Je croyais que les accélérateurs de particules étaient circulaires...

— Cet accélérateur est un cercle, fit Kohler. Il paraît droit mais c'est une illusion d'optique. La circonférence de ce tunnel

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est si grande que sa courbure est imperceptible - comme celle de la terre.

Langdon en eut le souffle coupé.

— Un cercle... mais il doit être énorme!

— Le LHC est la plus grande machine du monde. Langdon réagit avec un temps de retard. Il se rappela un propos du chauffeur du CERN qui avait parlé d'une énorme machine enterrée sous terre. Mais...

— Il mesure plus de huit kilomètres de diamètre.. et vingt-sept kilomètres de long.

— Vingt-sept kilomètres? Langdon était stupéfait. Plus de seize miles?

Kohler acquiesça.

— Un cercle parfait de vingt-sept kilomètres, c'est bien ça. À

cheval sur les territoires suisse et français, d'ailleurs. À pleine vitesse, les particules font le tour du tube plus de dix mille fois par seconde avant d'entrer en collision.

— C'est extraordinaire de penser que le CERN a dû extraire des millions de tonnes de terre juste pour faire se télescoper de minuscules particules...

Kohler haussa les épaules.

— Pour découvrir la vérité, il faut parfois déplacer des montagnes.

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À quelques centaines de kilomètres du CERN, une voix grésilla dans le talkie-walkie.

— Ça y est, je suis dans le couloir.

Le technicien chargé de contrôler les écrans vidéo appuya sur le bouton de l'émetteur.

— Il faut retrouver la caméra 86. Elle doit être tout au bout.