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Il s'en fichait. Il avait eu ce qu'il voulait. La récompense l'avait comblé. Rassasié, il s'assit sur le lit.

Dans son pays, les femmes étaient des biens parmi d'autres.

Des êtres faibles. Des instruments de plaisir. Des possessions que l'on échangeait comme du bétail. Et elles ne se faisaient pas d'illusion sur leur rôle. Mais ici, en Europe, les femmes, ainsi que leur prétendue force et indépendance, l'amusaient et l'excitaient à la fois. Il avait toujours adoré les contraindre à une soumission totale.

À présent, malgré la satisfaction qu'il éprouvait dans le bas-ventre, l'Assassin sentit un autre appétit croître en lui. Il avait tué, la nuit dernière, tué et mutilé. Or, le meurtre lui donnait des sensations analogues à celles de l'héroïne: la jouissance qu'il éprouvait était chaque fois plus brève, avant le retour du désir toujours plus fort. L'euphorie s'était dissipée. Le besoin était revenu.

Il examina la dormeuse. En lui caressant le cou de la paume de la main, il se sentit excité à l'idée qu'il avait le pouvoir de mettre fin à sa vie. D'un simple geste. Il ne lui faudrait qu'un instant. Et quelle importance? Ce n'était qu'une inférieure, une esclave faite pour servir et satisfaire le client. Il referma ses doigts puissants sur sa gorge, sentit battre le pouls léger. Mais, luttant contre son envie, il retira la main. Il y avait du pain sur la planche. Le service d'une cause plus haute que son propre désir.

En se levant, il se délecta à la pensée du travail qui l'attendait.

Un honneur. Il ne parvenait toujours pas à mesurer précisément l'influence de cet homme, ce Janus qui dirigeait une très ancienne confrérie. Extraordinaire coup de chance, il avait été choisi.

Comment avaient-ils eu connaissance de son aversion. . et de ses

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talents? Mystère, il ne le saurait d'ailleurs jamais. Ils sont partout...

Et voilà qu'ils lui confiaient l'honneur suprême: il devenait leur main et leur voix. Leur assassin mais aussi leur messager. Il y avait un mot pour cela dans sa langue: Malk al Haq, l'Ange de la Vérité.

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19

Le labo de Vetra était d'un futurisme échevelé.

Blanc immaculé, bourré d'ordinateurs et d'équipements électroniques spécialisés, il ressemblait à une sorte de QG.

Langdon se demanda quels secrets pouvait bien renfermer cette pièce, pour justifier l'énucléation d'un être humain...

Kohler paraissait mal à l'aise en entrant. Ses yeux mobiles cherchaient apparemment des indices d'intrusion. Mais le labo était désert. Vittoria aussi se déplaçait avec circonspection. Comme si, sans son père, le laboratoire était devenu étranger.

Le regard de Langdon se posa aussitôt au centre de la pièce où s'élevaient une série de petits supports. Comme un Stonehenge miniature, une dizaine de colonnes d'acier poli formait un cercle au milieu de la pièce. Les piliers qui devaient mesurer un mètre de haut, rappelant un peu les piédestaux sur lesquels on présentait les pierres précieuses dans les expositions de joaillerie. Mais ici, de toute évidence, il n'était pas question de joaillerie. Chacun de ces piliers supportait un conteneur épais et transparent de la taille approximative d'une balle de tennis. Vide, apparemment.

Kohler jeta un coup d'œil surpris sur ces conteneurs, qu'il décida visiblement d'ignorer pour le moment. Il se tourna vers Vittoria.

— A-t-on dérobé quelque chose?

— Dérobé? Comment? Le scanner rétinien ne laisse pénétrer que mon père et moi.

— Regardez quand même autour de vous.

Vittoria soupira et inspecta la pièce quelques instants. Elle haussa les épaules.

— Tout est comme d'habitude, quand mon père s'en va. Une sorte de chaos ordonné...

Langdon sentit que Kohler réfléchissait à ce qu'il allait dire, comme s'il se demandait ce qu'il pouvait confier à Vittoria, jusqu'où il pouvait la pousser. Il se déplaça sur sa chaise roulante jusqu'au centre du laboratoire, le patron du CERN passa de nouveau en revue les mystérieux conteneurs apparemment vides.

— Le secret, lâcha finalement Kohler, est un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre.

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Vittoria, soudain assaillie par un torrent de souvenirs et d'émotions, acquiesça machinalement. Donne-lui une minute, songea Langdon.

Comme si elle se préparait aux révélations qu'elle allait faire, Vittoria ferma les yeux et inspira. Lentement, profondément. À

plusieurs reprises.

Langdon l'observa, soudain inquiet . Est-ce qu'elle va bien? Il jeta un coup d'œil à Kohler, toujours impassible, et apparemment accoutumé à ce rituel. Vittoria laissa passer une dizaine de secondes avant de rouvrir les yeux.

La métamorphose était impressionnante, Langdon n'en crut pas ses yeux. Ce n'était plus la même Vittoria. Ses lèvres pleines étaient détendues, ses épaules relâchées et son regard était doux et approbatif. Elle semblait avoir ordonné à tous les muscles de son corps de se relâcher et d'accepter la situation. Elle avait su trouver, derrière la colère et l'angoisse, une source plus profonde, qui prodiguait l'apaisement.

— Par où commencer..., fit-elle d'un ton posé.

— Par le commencement, intervint Kohler. Parlez-nous des expériences de votre père.

— Le rêve de sa vie était de corriger la science par la religion, déclara Vittoria. Il voulait arriver à démontrer que ces deux domaines sont entièrement compatibles, qu'il s'agit de deux approches différentes mais tendues vers une même vérité...

Elle s'interrompit comme si elle ne parvenait pas à croire à ce qu'elle allait dire.

—... Et récemment... il a trouvé un moyen d'y parvenir.

Kohler ne dit rien.

— Il a mis au point une expérience qui devait résoudre l'un des plus douloureux conflits qui aient opposé science et religion.

Langdon se demandait de quoi elle voulait parler car, en fait, ils étaient innombrables.

— Je veux parler du créationnisme, reprit Vittoria. La polémique autour de la naissance de l'univers .

Oh! songea Langdon. LA question.

— Vous connaissez la réponse de la Bible, bien sûr: c'est Dieu qui a créé l'Univers. Il a dit « Que la lumière soit » et tout ce que nous voyons est apparu, surgi d'un immense vide. Malheureusement,

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une des lois fondamentales de la physique énonce que la matière ne peut être engendrée à partir de rien.

Langdon se rappela une vieille lecture sur cette impasse épistémologique. L'idée que Dieu avait soi-disant créé « quelque chose à partir de rien » était totalement contraire aux lois communément admises de la physique moderne et, par conséquent, affirmaient les scientifiques, la Genèse était une absurdité.

— Monsieur Langdon, poursuivit Vittoria, je suppose que vous avez entendu parler de la théorie du big-bang?

Langdon haussa les épaules.

— Plus ou moins.

Il savait que le big-bang était le modèle scientifiquement accepté de la création de l'Univers. Il ne comprenait pas vraiment cette théorie, se rappelant seulement qu'elle postulait l'explosion initiale d'un noyau d'énergie extrêmement concentré, sorte de cataclysme dont l'expansion avait formé l'Univers. Ou quelque chose comme ça.

Vittoria continua:

— Quand l'Église catholique proposa la première théorie du big-bang, en 1927, le...

— Pardon? l'interrompit Langdon dans un sursaut de stupéfaction. Vous dites que le big-bang était une idée catholique?

Vittoria sembla surprise par cette question.

— Bien sûr. Présentée par un moine catholique, Georges Lemaître, en 1927.

— Mais je croyais... N'est-ce pas l'astronome de Harvard Edwin Hubble qui a formulé cette théorie?