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— Oui. Et quand mon père a mené son expérience, deux types de matière sont apparus.

Langdon se demanda de quoi elle parlait. Leonardo Vetra a créé l'opposé de la matière?

Kohler lui jeta un regard furieux.

— La substance dont vous parlez existe ailleurs dans l'univers. Certainement pas sur terre. Et peut-être même pas dans notre galaxie.

— Absolument exact, répartit Vittoria. Ce qui prouve que les particules que l'on trouve dans ces conteneurs ont bien été créées.

Les traits de Kohler se durcirent encore.

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— Vittoria, vous n'êtes pas en train de prétendre que ces conteneurs contiennent des échantillons de ce « type » de matière?

— Mais si, mon cher.

Elle promena un regard fier sur les conteneurs.

« Vous avez devant vous les premiers échantillons d'antimatière au monde! »

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Phase deux, songea l'Assassin, en avançant à grands pas dans le tunnel plongé dans l'obscurité. La torche dans sa main était un peu inutile, il le savait. Mais c'était pour l'effet. L'effet était primordial. La peur, il l'avait appris, était son alliée. La peur est l'arme la plus efficace, parce que la plus foudroyante.

Il n'y avait pas de miroir dans le tunnel et il ne pouvait admirer son déguisement mais il pressentait, aux ondulations de l'ombre de sa gandoura, qu'il était parfait. Se mêler aux autres faisait partie du plan. Un plan très étrange, à vrai dire. Dans ses rêves les plus fous, il n'aurait jamais imaginé jouer un tel rôle.

Deux semaines plus tôt, il aurait considéré comme impossible la tâche qui l'attendait au bout de ce tunnel. Une mission suicide.

Comme d'entrer nu dans la tanière d'un lion. Mais Janus avait changé la définition de l'impossible.

Les secrets que Janus avait partagés avec l'Assassin ces deux dernières semaines avaient été nombreux. . Ce tunnel lui-même était l'un d'eux. Ancien, mais encore parfaitement praticable.

En s'approchant de l'ennemi, l'Assassin se demanda si ce qui l'attendait là-bas serait aussi facile que Janus le lui avait promis.

Quelqu'un, à l'intérieur, devait faire le nécessaire pour que tout se passe bien. À l'intérieur? Incroyable. Plus il réfléchissait à la question, plus il réalisait qu'il s'agissait d'un jeu d'enfant.

Wahad... Tanthan... Thalatha... Arbaa, scandait-il en arabe, alors qu'il arrivait au bout du boyau. Un. . deux. . trois... quatre...

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— Je suppose que vous avez entendu parler de l'antimatière, monsieur Langdon?

Vittoria scrutait son interlocuteur. Son visage bronzé tranchait sur le fond blanc et brillant des murs du labo.

Langdon la regarda, soudain désemparé.

— Oui, plus ou moins.

Les lèvres de la jeune femme esquissèrent un fin sourire.

— Adepte de Star Trek?

Langdon rougit.

— Mes étudiants m'en parlent en tout cas...

Il fronça les sourcils. « L'Enterprise ne carbure-t-il pas à l'antimatière? »

Elle hocha la tête.

— La science-fiction de bonne qualité n'est jamais très éloignée de la science tout court.

— Alors l'antimatière existe?

— C'est une donnée naturelle. Tout ce qui existe a son contraire; les protons ont les électrons, les upquarks ont les down-quarks. Il y a une symétrie cosmique au niveau subatomique. L'antimatière est à la matière ce que le Yin est au Yang.

Le contrepoids nécessaire dans l'équation physique.

Langdon songea à la croyance galiléenne dans la dualité.

« Depuis 1918, poursuivit Vittoria, les scientifiques savent que le big-bang a créé deux types de matière. Tout d'abord, celle que nous voyons sur la terre, celle dont sont faits les rochers, les arbres, les gens. L'autre est son opposé. Un opposé identique à la matière en tout point, excepté que les charges de ses particules sont inversées. »

Kohler, soudain fragile, s'exprima comme quelqu'un qui lutte contre un vertige croissant:

— Mais il y a d'énormes barrières technologiques au stockage de l'antimatière. Et la neutralisation?

— Mon père a produit un vide à polarité inversée pour extraire les positrons d'antimatière de l'accélérateur avant qu'ils se décomposent.

Kohler se renfrogna.

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— Mais un tel vide extrairait aussi la matière, il serait, impossible de séparer ces particules.

— Il s'est servi d'un champ magnétique. La matière s'est placée à droite et l'antimatière à gauche. Ce sont des opposés polaires.

À cet instant le mur de scepticisme de Kohler commença de se lézarder. Il posa des yeux écarquillés d'étonnement sur Vittoria et puis, sans prévenir, fut secoué par une quinte de toux.

— In. .croya. .ble, fit-il en s'essuyant la bouche, et pourtant...

Sa logique résistait encore.

« Même si l'on arrivait à produire ce vide, ces conteneurs sont faits de matière. L'antimatière réagirait instantanément avec... »

— L'échantillon ne touche pas le conteneur, reprit Vittoria, qui s'attendait apparemment à cette question. L'antimatière est suspendue. Les conteneurs sont appelés « pièges à antimatière »

parce qu'ils piègent littéralement l'antimatière au centre du conteneur, à bonne distance de la paroi et du fond de celui-ci.

— Suspendu?... Mais comment?

— Entre deux champs magnétiques intersectés. Tenez, regardez...

Vittoria traversa la pièce et revint avec un grand appareil électronique qui ressemblait, se dit Langdon, à un pistolet à rayons X de dessin animé : un large fût en forme de canon, coiffé d'une sorte de lunette de visée. Toutes sortes d'instruments électroniques étaient suspendus en dessous. Vittoria aligna la lunette sur l'un des conteneurs, appliqua son œil à l'œilleton et ajusta diverses bagues. Puis elle s'écarta, invitant Kohler à prendre sa place.

Kohler était stupéfait.

— Vous voulez dire que vous en avez collecté une quantité suffisante pour qu'on puisse les voir...?

— Cinq mille nanogrammes, acquiesça Vittoria. Une dose de plasma liquide qui contient des millions de positrons.

— Des millions? Mais jusqu'à maintenant on n'a réussi qu'à détecter quelques particules...

— C'est du xénon, répondit Vittoria d'un ton neutre. Mon père a accéléré le faisceau de particules à travers une émission de xénon, faisant éclater les électrons. Il tenait absolument à garder secrète la

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procédure exacte, mais elle nécessitait d'injecter simultanément des électrons à l'état brut dans l'accélérateur.

Langdon se sentait perdu, plus très sûr de parler encore la même langue que Vittoria.

Kohler resta muet quelques instants, les sourcils toujours froncés, le front zébré de rides profondes. Soudain il inspira d'un coup bref et se redressa comme s'il venait d'être percuté par une balle.

— Techniquement, cela signifierait une quantité. .

Vittoria approuva d'un signe de tête.

— Oui, assez impressionnante...

Kohler tourna les yeux vers le conteneur posé devant lui. L'air hésitant, se contorsionnant un peu, il approcha son œil. Il demeura ainsi un long moment, à regarder sans rien dire. Quand il se renversa finalement en arrière dans son fauteuil, son front était couvert de sueur. Les rides qui creusaient son visage avaient disparu. Sa voix n'était plus qu'un murmure.

— Mon Dieu... Vous y êtes vraiment arrivés...

Vittoria acquiesça.

— Mon père y est arrivé.

— Je... je ne sais pas quoi dire.

Vittoria se tourna vers Langdon.