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— Vous voulez jeter un coup d'œil?

Langdon, très intimidé, s'approcha à son tour de l'appareil. À

une distance de soixante centimètres, le conteneur semblait vide.

Ce qu'il contenait, s'il contenait quelque chose, était d'une taille infinitésimale. L'Américain plaqua son œil contre la lunette de visée. L'image ne se précisa qu'au bout de quelques secondes.

Puis il vit.

La chose ne se trouvait pas au bas du conteneur comme il l'aurait cru, mais elle flottait au centre, suspendue dans l'étroit espace. On aurait dit un globule scintillant de mercure liquide.

Flottant dans l'air, vibrant d'une légère oscillation. Des vaguelettes métalliques agitaient la surface de cette grosse goutte. Cette vision rappela à Langdon une vidéo qu'il avait vue autrefois et qui montrait une goutte d'eau en apesanteur. Tout en sachant qu'elle était microscopique, il apercevait les moindres ondulations, les

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moindres creusements de cette boule de plasma qui pivotait lentement sur elle-même.

— Elle... flotte, dit-il.

— Il vaut mieux qu'elle flotte, répliqua Vittoria. L'antimatière est extrêmement instable. D'un point de vue énergétique, l'antimatière est le miroir de la matière, si bien que tous deux se suppriment réciproquement quand ils entrent en contact. Tenir l'antimatière à distance de la matière est bien sûr une gageure, parce que tout, sur terre, est fait de matière. Les échantillons doivent donc être complètement préservés de toute forme de contact avec celle-ci, même l'air.

Langdon flottait sur un drôle de nuage. Une discussion sur un vide parfait renfermant un objet immatériel...

— Mais ces pièges à antimatière, intervint Kohler en promenant un index boudiné sur la paroi d'un de ces conteneurs, c'est votre père qui les a conçus?

— Non, ils sont mon œuvre.

Il lui jeta un coup d'œil surpris.

« Mon père a produit les premières particules d'antimatière, reprit la jeune femme avec modestie, mais il a buté sur le problème du stockage. Et c'est alors que je lui ai fait cette suggestion: des écrins hermétiques nanocomposites équipés d'électroaimants à chaque extrémité. »

— Le génial Leonardo dépassé par sa fille?

— Pas vraiment. J'avais emprunté l'idée à la nature. Plus exactement aux physalies, une espèce de méduse qui paralyse les proies qu'el e enserre dans ses tentacules en émettant des décharges nématocystiques. Le principe est le même, ici. Les deux électroaimants produisent des champs électromagnétiques opposés qui prennent l'antimatière en étau au centre du conteneur. Dans le vide. Langdon regarda le conteneur. L'antimatière flottait dans le vide sans aucun contact avec quoi que ce soit. Kohler avait raison: l'intuition de Vetra était tout simplement géniale.

— Mais la source d'énergie pour les aimants, où se trouve-t-elle? demanda Kohler.

Vittoria tendit la main vers un conteneur.

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— Dans le piédestal, sous le « piège à antimatière ». Les conteneurs sont reliés à des socles qui les alimentent en continu afin que les aimants ne s'interrompent jamais.

— Et si le double champ cesse de fonctionner?

— C'est évident. L'antimatière qui n'est plus maintenue en l'air tombe, entre en collision avec le fond du conteneur et l'on assiste à une annihilation.

Langdon dressa l'oreille.

— Une annihilation?

Le mot lui faisait froid dans le dos. Vittoria répondit d'un ton anodin:

— Oui. Si la matière et l'antimatière entrent en contact, toutes deux sont détruites instantanément. Les physiciens appellent ce processus « annihilation ».

Langdon hocha la tête et émit un simple « Oh. . ».

— C'est la réaction en chaîne la plus élémentaire: une particule de matière et une particule d'antimatière se combinent pour produire deux nouvelles particules appelées photons. Un photon n'est rien d'autre qu'une minuscule étincelle.

Langdon avait entendu parler des photons, des particules de lumière, la forme d'énergie la plus pure. Il décida de ne pas faire allusion aux torpilles à photons du capitaine Kirk et à l'usage qu'il lui arrivait d'en faire contre les Klingons.

— Alors si la particule d'antimatière tombe, nous verrons une petite étincelle?

Vittoria haussa les épaules.

— Tout dépend de ce qu'on entend par petite étincelle.

Tenez, une démonstration vaut mieux qu'un long discours.

Elle tendit la main vers un conteneur et se mit à le dévisser de son piédestal.

Soudain, Kohler laissa échapper un cri de terreur et se jeta sur elle, écartant ses mains d'un grand geste.

— Vittoria, vous êtes folle?

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Étrangement, Kohler resta debout un long moment, vacillant sur ses deux jambes atrophiées. Son visage était blême de frayeur.

— Vittoria! Vous n'y songiez pas sérieusement?

Langdon fixait la scène, sidéré par la soudaine panique de l'impassible Kohler.

« Cinq cents nanogrammes! reprit Kohler. Si vous désactivez le champ magnétique... »

— Monsieur Kohler. . (Le ton de Vittoria se voulait rassurant.) Il n'y a pas le moindre risque. Tous ces pièges sont équipés de sécurités: une batterie se déclenche automatiquement quand ils sont séparés de leur piédestal. Mon échantillon d'antimatière reste donc en suspension même si je soulève son habitacle.

Kohler ne semblait pas totalement convaincu. Mais il se rassit, non sans hésitation, sur son fauteuil.

« Ces batteries peuvent fonctionner vingt-quatre heures en cas de besoin; un réservoir de secours, en quelque sorte. »

Elle se tourna vers Langdon, comme si elle avait perçu son malaise.

« L'antimatière, monsieur Langdon, possède quelques étonnantes caractéristiques qui la rendent extrêmement dangereuse. Un échantillon de dix milligrammes — le volume d'un grain de sable — est censé contenir autant d'énergie que deux cents tonnes de carburant conventionnel pour fusée. »

Langdon eut le vertige.

« C'est la source d'énergie de l'avenir. Mille fois plus puissante que l'énergie nucléaire. Cent pour cent efficace, pas de déchets, pas de radiation, pas de pollution, quelques grammes suffisent à satisfaire les besoins énergétiques d'une grande ville pendant une semaine. »

— Quelques grammes? Langdon recula instinctivement.

— N'ayez crainte, monsieur Langdon, ces échantillons ne contiennent que quelques millionièmes de grammes. Pas bien méchant.

Elle tendit de nouveau la main vers le conteneur et le dévissa de son piédestal.

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Kohler tressaillit mais se garda d'intervenir. Quand le conteneur se sépara de son socle, un bip se fit entendre et, sur un écran à cristaux liquides, clignotèrent six caractères rouges, des chiffres, un compte à rebours:

24: 00: 00

23: 59: 59

23: 59: 58

Langdon, qui ne parvenait pas à détacher ses yeux des caractères rouges, décida que ce cadran rappelait assez fâcheusement un détonateur électronique à retardement.

« La batterie, expliqua Vittoria, dispose donc d'une autonomie de vingt-quatre heures. Elle se recharge dès que l'on replace le conteneur sur son socle. Conçue comme une mesure de sécurité, elle présente aussi le grand avantage d'être aisément transportable. »

— Transportable? demanda Kohler frappé de stupeur. Il vous est arrivé d'emporter ces conteneurs hors du labo?

— Bien sûr que non, rétorqua Vittoria. Mais sa mobilité simplifie beaucoup le travail d'observation.

Vittoria conduisit Langdon et Kohler à l'extrémité du labo. La jeune femme tira un rideau qui découvrit une fenêtre qui donnait sur une grande pièce dont les murs, le sol et le plafond étaient entièrement recouverts de plaques d'acier. Cela rappela à Langdon le réservoir d'un pétrolier qui l'avait un jour emmené en Papouasie-Nouvelle-Guinée où il devait étudier les graffiti corporels des Hanta.