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Kohler revint de nouveau à la charge.

— En tant que directeur du CERN, j'ai une responsabilité directe dans l'avenir de la science. Si vous faites de cet incident un scandale international et que le CERN en pâtisse...

L'avenir de la science? Vittoria se tourna vers lui.

— Vous projetez vraiment de vous soustraire à vos responsabilités en refusant d'admettre que l'antimatière provenait du CERN? Vous avez l'intention d'ignorer les vies des gens que nous mettons en danger?

— Pas nous, objecta Kohler. Vous et votre père.

Vittoria détourna le regard.

« Et, à propos de vies humaines, pourquoi ne pas parler de la vie, puisque c'est ce dont il s'agit? Vous savez que la technologie de l'antimatière recèle d'énormes implications pour la vie sur cette planète. Si le CERN est démantelé, détruit par le scandale, tout le monde sera perdant. L'avenir de l'homme est entre les mains de savants comme vous et votre père, de tous ces gens qui travaillent pour aider les générations futures à résoudre les problèmes qu'elles rencontreront. »

Vittoria connaissait les idées de Kohler à propos de la science comme nouvelle divinité, et elle n'y avait jamais adhéré. Après

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tout, c'était la science elle-même qui avait créé une bonne part des problèmes qu'elle s'efforçait à présent de régler... Le « progrès »

n'était que la dernière malice inventée par cette bonne vieille Mère Nature.

— Les avancées de la science comportent forcément des risques, plaida Kohler. Depuis toujours. Les programmes spatiaux, la recherche génétique, la médecine ont accumulé les erreurs. Mais la Science doit survivre à ses faux pas. À tout prix. Le salut de l'humanité en dépend.

Vittoria était sidérée de l'aptitude que montrait Kohler à résoudre les problèmes moraux avec son habituel détachement scientifique. Comme si son intelligence glaciale avait définitivement pris le dessus sur sa conscience morale.

— Vous croyez le CERN tellement essentiel pour le destin de l'humanité, que cela vous dispense de toute responsabilité morale...

— Vittoria, je n'ai pas de leçons de morale à recevoir de vous.

Vous avez franchi la ligne jaune, le jour où vous avez entrepris de créer cet échantillon, vous avez mis en danger le Centre et ceux qui y travaillent. Je n'essaie pas seulement de protéger les emplois des trois mille scientifiques qui travaillent ici, mais aussi la réputation de votre père. Pensez à lui. Il ne faut pas que l'on garde de lui le souvenir du créateur de l'arme la plus destructrice de l'histoire.

L'argument avait atteint sa cible, Vittoria était défaite: c'est moi qui l'ai convaincu de créer ce spécimen. Tout est de ma faute!

Quand la porte s'ouvrit, Kohler parlait toujours. Vittoria sortit de l'ascenseur, sortit son portable et composa le numéro.

Toujours pas de tonalité. Zut! Elle se dirigea vers la porte.

— Vittoria, arrêtez-vous! jeta Kohler, d'une voix asthmatique tout en essayant de la rattraper. Attendez-moi. Il faut que nous parlions.

— On a assez parlé!

— Pensez à votre père, insista Kohler. À ce qu'il aurait fait...

Elle ne ralentissait pas.

« Vittoria, il y a des choses que je vous ai cachées. »

La jeune femme accusa le coup.

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« Je ne sais pas pourquoi, j'essayais surtout de vous protéger.

Dites-moi simplement ce que vous voulez. Il faut absolument que nous collaborions dans cette affaire. »

Vittoria stoppa net mais sans se retourner. Ils étaient à mi-chemin du labo.

— Je veux retrouver l'échantillon d'antimatière, et je veux découvrir qui a tué mon père.

Elle attendit. Kohler soupira.

— Vittoria, nous savons déjà qui a tué votre père. Je suis désolé...

Cette fois, Vittoria fit demi-tour.

— Quoi?

— Je ne savais pas comment vous l'apprendre, c'est une difficile...

— Vous connaissez l'identité des assassins de mon père?

— Nous disposons d'indices assez précis, en effet. L'assassin a laissé une sorte de carte de visite. C'est la raison pour laquelle j'ai appelé M. Langdon. Il connaît bien le groupe qui a signé ce crime.

— Le groupe? Un groupe terroriste?

— Vittoria, ils ont volé un quart de gramme d'antimatière...

Vittoria regarda Robert Langdon, de l'autre côté de la pièce. Le puzzle commençait à prendre forme. Voilà pourquoi tout est resté top secret. Elle était étonnée de ne pas y avoir songé plus tôt.

Kohler avait bien appelé les autorités. Ou du moins une autorité. Un super-agent. Évidemment. Robert Langdon était américain, propre sur lui, sérieux comme un pape - ou un agent secret -, avec une intelligence très affûtée. Qui d'autre? Vittoria aurait dû deviner dès le début. Elle se sentit rassérénée en le regardant de nouveau.

— Monsieur Langdon, je veux savoir qui a tué mon père. Et je veux savoir si l'Agence peut retrouver l'antimatière.

— L'Agence...? fit Langdon, interloqué.

— Vous n'êtes pas de la CIA?

— Non... pas du tout.

— M. Langdon est professeur d'histoire de l'art à Harvard, intervint Kohler.

Cette présentation fit l'effet d'une douche froide à la jeune femme.

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— Professeur d'histoire de l'art?

— Spécialiste de symbologie religieuse, soupira Kohler.

Vittoria, nous avons des raisons de croire que votre père a été victime d'adeptes d'une secte satanique.

Secte satanique. Vittoria entendit l'expression mais sans parvenir à la comprendre.

— Le groupe qui a revendiqué le meurtre s'appelle les Illuminati.

Vittoria regarda Kohler puis Langdon et se demanda s'il s'agissait d'une sorte de canular particulièrement cruel.

— Les Illuminati? Vous voulez dire comme les Illuminati de Bavière?

Stupéfait, Kohler demanda:

— Vous avez entendu parler d'eux?

Vittoria sentit des larmes de frustration prêtes à couler. Les Illuminati de Bavière: le Nouvel Ordre mondial...

— Le jeu de Steve Jackson? La moitié des mordus d'ici y jouent, sur Internet.

Sa voix se mit à trembler.

« Mais je ne vois pas... »

Kohler jeta un regard confus à Langdon. Celui-ci hocha la tête. — Un jeu très populaire. Une ancienne confrérie prend le contrôle de la planète. Semi-historique. Je ne savais pas qu'on le trouvait aussi en Europe.

Vittoria était abasourdie.

— Mais de quoi parlez-vous? Les Illuminati? C'est un jeu vidéo!

— Vittoria, rétorqua Kohler, il s'agit du groupe qui a revendiqué l'assassinat de votre père!

Vittoria rassembla toute l'énergie qui lui restait pour s'empêcher de fondre en larmes. Elle se força à tenir bon et à raisonner logiquement. Mais plus el e se concentrait, moins elle comprenait de quoi il s'agissait. Son père avait été tué. Le CERN s'était fait voler un de ses plus précieux trésors. Quelque part dans le monde, un compte à rebours était enclenché, une bombe allait exploser et elle était responsable de cette situation. Et Kohler avait

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fait appel à un professeur d'histoire de l'art pour l'aider à retrouver une confrérie de satanistes plus ou moins mythique.

Vittoria se sentit soudain très seule. Elle se tourna pour partir, mais Kohler lui barra le passage. Il fouilla dans sa poche et en tira quelque chose, un papier froissé, un fax, qu'il lui tendit.