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Vittoria chancela en découvrant la photo.

— Ils l'ont brûlé au fer rouge, sur la poitrine, fit Kohler.

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Sylvie Baudeloque était au bord de la panique. La secrétaire de Maximilian Kohler piétinait dans le bureau vide de son patron en se répétant à elle-même : Mais où peut-il bien être?

Et que faire?

La journée avait été passablement bizarre. Si chaque journée de travail avec Maximilian Kohler pouvait tourner au bizarre, aujourd'hui, le patron s'était surpassé.

— Trouvez-moi Leonardo Vetra! avait-il ordonné à Sylvie dès l'arrivée de celle-ci.

La jeune femme s'était aussitôt employée, par pager, téléphone et messagerie électronique, à contacter le grand savant italien.

Sans le moindre résultat.

Tant et si bien que Kohler, très contrarié, était parti -

apparemment pour dénicher lui-même Vetra. Quand il était revenu, quelques heures plus tard, Kohler n'avait pas une mine plus avenante que le matin... Il était souvent d'une humeur exécrable, mais ce jour-là, il avait l'air particulièrement en rogne. Il s'était enfermé dans son bureau et Sylvie l'avait entendu faire fonctionner modem, fax et téléphone, discuter. Puis Kohler avait de nouveau filé sur son fauteuil. Depuis, elle ne l'avait pas revu.

Elle avait décidé d'ignorer les grimaces excédées de son patron qui n'était pas à un mélodrame près. Mais quand elle avait constaté que Kohler n'était pas rentré en temps et heure pour ses injections quotidiennes, elle avait commencé à s'inquiéter. L'état de santé du directeur du CERN exigeait des soins constants et, quand il oubliait ses rendez-vous avec l'infirmière, le résultat n'était pas joli à voir: quintes de toux, détresse respiratoire et appels d'urgence à l'infirmerie. Parfois, Sylvie se demandait si Maximilian Kohler n'était pas suicidaire...

Elle hésita à le biper pour lui rappeler son rendez-vous, mais elle avait appris à ménager l'orgueil d'un patron qui ne supportait pas la moindre manifestation de pitié à son égard. La semaine précédente, il avait été tellement agacé par un confrère de

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passage qui lui avait montré une compassion tout à fait inopportune qu'il s'était dressé sur ses jambes et lui avait jeté une écritoire à la figure. Le roi Kohler pouvait se montrer étonnamment agile quand il était excédé.

Pour l'instant, les inquiétudes de Sylvie au sujet de la santé du directeur étaient éclipsées par un problème bien plus pressant.

Une standardiste du CERN, apparemment nerveuse, avait appelé cinq minutes plus tôt:

— Un appel urgent pour le directeur!

— Il n'est pas disponible, avait répondu Sylvie. C'est alors que la standardiste lui avait donné le nom du personnage qui appelait.

Sylvie avait réprimé un début de fou rire.

« Tu plaisantes, non? »

Mais elle avait rapidement changé de ton, abasourdie par la réponse de sa collègue:

« Et tu as la confirmation électronique...? Ah, OK... Tu peux lui demander l'objet de... Non, je comprends. Demande-lui de patienter, je vais essayer de localiser Kohler tout de suite. Oui, je comprends, je me dépêche. »

Mais Sylvie n'avait pas réussi à localiser le directeur. Elle avait appelé son portable à trois reprises et s'était entendu répondre chaque fois que son correspondant ne pouvait être joint.

Pas joignable. Mais où est-il donc passé? se demandait-elle à présent. Sylvie avait alors bipé Kohler. Deux fois. Pas de réponse.

Cela ne lui ressemblait pas du tout. Elle avait même envoyé un email sur son ordinateur portable. Sans résultat. Comme s'il avait purement et simplement disparu.

Et maintenant, je fais quoi?

Hormis le faire chercher par des vigiles dans tout le complexe, Sylvie savait qu'il ne restait qu'un seul autre moyen d'attirer l'attention du directeur. Un moyen que Kohler n'apprécierait sûrement pas, mais la personne qui patientait au téléphone n'était pas de celles que l'on pouvait se permettre de faire attendre. Et le monsieur en question ne semblait pas d'humeur à accepter que Kohler restât introuvable.

Étonnée de sa propre audace, Sylvie prit sa décision. Elle entra dans le bureau de Kohler et fonça vers le placard métallique situé

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sur le mur du fond. Elle ouvrit la porte, parcourut la console et trouva le bouton qu'elle cherchait.

Puis elle inspira profondément et s'empara du micro.

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Vittoria ne se rappelait pas comment ils étaient parvenus jusqu'à l'ascenseur principal, mais ils s'y trouvaient. L'ascenseur grimpait, Kohler respirait de plus en plus difficilement derrière elle. Le regard inquiet de Langdon la traversait sans l'atteindre. Il lui avait repris le fax des mains et l'avait fourré dans la poche de sa veste sans qu'elle le voie, mais l'image demeurait gravée à l'acide dans sa mémoire.

L'ascenseur montait toujours mais le monde qui avait été celui de Vittoria sombrait dans un puits sans fond. Papa! Elle essayait désespérément de l'atteindre. Pendant un instant de grâce, dans l'oasis de sa mémoire, Vittoria le retrouva. Elle avait neuf ans, il l'avait emmenée en Suisse pour les vacances, elle dévalait une colline parsemée d'edelweiss.

— Papa! Papa!

Leonardo Vetra, rayonnant, riait de bon cœur, à côté d'elle.

— Quoi, mon ange?

— Papa! s'esclaffait-elle en venant se serrer contre lui. Pose-moi une question!

— Une question?

— Oui, demande-moi ce qui ne fonctionne pas.

— Mais, ma chérie, pourquoi te poserais-je une tel e question?

— Pose-la-moi, tu verras bien.

Il haussa les épaules.

— Qu'est-ce qui ne fonctionne pas?

Elle éclata aussitôt de rire.

— Qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Il n'y a rien qui ne fonctionne pas. Les rochers, les arbres, les atomes, même les marmottes, tout fonctionne!

Il rit de plus belle.

— Mon petit Einstein...

Elle fronça les sourcils.

— Il a l'air d'un hippie, j'ai vu sa photo.

— Mais il a une expression intelligente. Je t'ai parlé de ses découvertes, non?

Les yeux de la petite fille s'écarquillèrent de crainte.

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— Papa, non! Tu avais promis!

— E = MC2! (Il la taquina d'un ton joyeux:) E = MC2!

— Pas de maths, je te l'ai déjà dit, je déteste ça!

— Et j'en suis très heureux parce que, de toute façon, les filles n'ont pas le droit de faire des maths.

Vittoria se figea sur place.

— Comment ça, pas le droit?

— Bien sûr que non. Tout le monde sait ça. Les filles, ça joue avec des poupées. Ce sont les garçons qui font des maths. Pas de maths pour les filles, je ne devrais même pas t'en parler.

— Quoi? Mais c'est pas juste!

— C'est comme ça. Pas de maths pour les petites filles.

Vittoria prit un air horrifié.

— Mais les poupées, c'est ennuyeux!

— Je suis désolé, ma chérie, je pourrais te parler des maths, mais si je me fais pincer...

Il jeta des regards nerveux autour de lui.

Vittoria semblait de plus en plus intriguée.

— Bon d'accord, alors tu n'as qu'à parler tout doucement.

Une vibration de l'ascenseur la ramena au présent. Vittoria ouvrit les yeux. Il n'était plus là. La réalité referma sur elle ses griffes glacées. Elle regarda Langdon. Sa compassion paraissait sincère, il projetait une aura chaleureuse, comme celle d'un ange gardien, qui neutralisait efficacement la dureté métallique de Kohler.

Une pensée revenait, entêtante, inquiétante. Où se trouve l'antimatière?

La réponse, terrifiante, était toute proche.

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