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« Là-bas! insista-t-elle. »

Sur une des extrémités de la place, aménagée pour l'occasion en parking, étaient stationnés une dizaine de semi-remorques, surmontés d'énormes antennes satellite pointées vers le ciel. Sur les grandes paraboles blanches, on lisait des noms familiers: CNN, BBC, TF1, RAI, etc.

Langdon éprouva soudain un certain embarras, se demandant si la nouvelle de la disparition de l'antimatière avait déjà filtré.

Brusquement, Vittoria semblait plus tendue.

— Pourquoi les médias sont-ils ici? Que se passe-t-il?

Le pilote se tourna à moitié et lui jeta un drôle de regard pardessus l'épaule.

— Comment ça? Vous n'êtes pas au courant?

Non! rétorqua-t-elle sèchement.

— Le conclave! reprit-il. Il commence dans une heure. Le monde entier attend.

Le conclave.

Le mot résonna longtemps aux oreilles de Langdon avant de tomber, telle une brique, au fond de son estomac. Le conclave!

Comment avait-il pu oublier? Il avait entendu la nouvelle aux infos tout récemment...

Quinze jours plus tôt, après un pontificat extrêmement populaire de douze ans, le pape était mort. Les journaux du monde entier avaient repris la nouvelle: il avait succombé à une attaque cérébrale survenue dans son sommeil. Une disparition soudaine et inattendue qui avait suscité son lot de rumeurs et de soupçons. Mais en ce jour, conformément à la tradition sacrée, quinze jours après le décès du Saint Père, le Vatican convoquait le Sacré Collège, pour une cérémonie au cours de laquelle les cent soixante-cinq cardinaux du monde se réunissaient pour élire son successeur.

Tous les cardinaux du monde sont là aujourd'hui, songea Langdon tandis que l'hélicoptère survolait la basilique. L'élite de la chrétienté au grand complet se trouvait rassemblée là, sous l'hélicoptère.

L'Église catholique siégeait sur une bombe à retardement...

– 133 –

34

Le cardinal Mortati leva les yeux vers le plafond de la chapelle Sixtine et tenta de réfléchir sereinement. Les murs couverts de fresques résonnaient des voix des cardinaux venus du monde entier. Les prélats jouaient des coudes dans la chapelle éclairée à la chandelle, bavardaient avec animation, mais à voix basse, et se consultaient les uns les autres dans toutes les langues, mais surtout en anglais, italien ou espagnol.

La lumière qui baignait la Sixtine était d'ordinaire sublime: de longs rayons de soleil, comme lancés du ciel, en illuminaient les profondeurs obscures. Mais aujourd'hui, comme le voulait la tradition, au nom du sacro-saint secret, toutes les baies étaient obstruées par de lourds rideaux de velours noir. Une façon d'empêcher que quiconque puisse envoyer du dehors des signaux ou qu'un cardinal communique d'une manière ou d'une autre avec le monde extérieur. Il régnait donc dans la Sixtine une profonde obscurité seulement démentie, çà et là, par quelques chandeliers qui conféraient aux hommes réunis en ce lieu une apparence surnaturelle, de fantômes... ou de saints.

Quel privilège pour moi, songea Mortati, d'avoir été désigné pour superviser ce saint événement. Les cardinaux âgés de plus de quatre-vingts ans étaient exclus d'office du conclave, et la chance avait voulu qu'à soixante-dix-neuf ans Mortati soit le doyen des cardinaux. C'était à ce titre qu'il avait été choisi pour diriger les débats et surveiller le vote.

Conformément à la tradition, les cardinaux s'étaient retrouvés sur place deux heures avant le conclave pour discuter et réfléchir une dernière fois au candidat idéal. À 19 heures, le Camerlingue du défunt pape arriverait, prononcerait une prière et se retirerait. C'est alors que les gardes suisses apposeraient les scellés sur les portes, enfermant tous les cardinaux à l'intérieur de la Chapelle. C'est alors que commencerait le rituel politico-religieux le plus ancien et le plus secret du monde. Les cardinaux n'auraient plus le droit de sortir jusqu'à ce qu'ils aient choisi parmi eux celui qui allait être le prochain pape.

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Le nom lui-même traduisait une volonté intransigeante de secret: Conclave, en latin, signifie en effet fermé à clé. Aucun contact avec le monde extérieur, ni par téléphone, ni par écrit, pas le plus léger chuchotement ne devait filtrer de la Sixtine. Le conclave se déroulerait dans un isolement inviolable pour échapper à toute influence profane: Dieu devait rester l'unique objet des pensées et des regards des hommes en rouge, Solum Deum prae oculis...

À l'extérieur, les médias aux aguets spéculaient sur le nom de celui des papabile à qui échoirait la responsabilité de gouverner les catholiques du monde entier –environ un milliard d'êtres humains. Les conclaves se déroulaient dans une atmosphère dramatique, chargée de passions et d'arrière-pensées politiques. Au cours des siècles, empoisonnements, règlements de comptes à coups de poing, meurtres même, avaient couramment profané ce sanctuaire. De l'histoire ancienne, se dit Mortati. Le conclave d'aujourd'hui sera uni, joyeux et surtout... bref.

Du moins, tel était son vœu le plus cher.

Mais voilà qu'avait surgi un aléa tout à fait imprévu: pour une mystérieuse raison quatre cardinaux manquaient à l'appel.

Toutes les issues du Vatican étaient gardées et les absents n'avaient pas pu aller bien loin, mais à moins d'une heure de l'ouverture du conclave, cet incident ne laissait pas de l'inquiéter. Car les quatre cardinaux manquants n'étaient pas n'importe qui; c'étaient les plus importants.

En tant qu'organisateur du conclave, Mortati avait déjà averti la Garde suisse de l'absence des quatre prélats. Il comptait bien en avoir des nouvelles rapidement. Leur absence avait été remarquée et l'on échangeait, ici et là, des murmures anxieux. De tous les cardinaux, ceux-là auraient dû se montrer particulièrement ponctuels! Le cardinal Mortati commençait à craindre que la soirée ne soit plus longue que prévu. Il ne savait pas jusqu'à quel point.

– 135 –

35

L'héliport du Vatican se trouve, pour des raisons de sécurité et de nuisances sonores, à l'extrême nord-ouest de la cité pontificale, aussi loin que possible de la basilique Saint-Pierre.

— Nous voici arrivés! annonça le pilote au moment de l'atterrissage.

Il sauta à terre et ouvrit la porte pour Langdon et Vittoria.

Langdon descendit de l'appareil et se tourna pour aider la jeune femme, qui avait déjà bondi à terre sans le moindre effort. Chaque muscle de son corps était désormais tendu vers un unique objectif: trouver l'antimatière avant que le pire ne se produise.

Après avoir tendu un pare-soleil sur le cockpit, le pilote les conduisit vers une sorte de grosse voiturette de golf qui attendait près de l'héliport. La voiturette les emmena silencieusement le long de la frontière ouest du Vatican, un rempart d'une quinzaine de mètres d'épaisseur qui aurait arrêté une attaque de blindés. Le long du mur, postés à intervalles de cinquante mètres, les gardes suisses surveillaient attentivement les lieux. La voiturette vira brusquement à droite, empruntant la Via del Osservatorio. On apercevait des panneaux partout:

PALAZZlO del GOVERNATORIO,

COLLEGIO ETIOPICO,

BASILICA DI SAN PIETRO,

CAPPELLA SISTINA.

Leur chauffeur accéléra sur la route d'une propreté impeccable et longea un immeuble sur le fronton duquel Langdon lut RADIO

VATICANA. À son grand étonnement, il se rendit compte qu'il s'agissait là du siège de la radio qui diffusait les programmes les plus écoutés au monde, l'écho fidèle de la parole divine pour des millions d'auditeurs de la planète.

— Attention! lança le pilote en s'engageant à vive allure sur un rond-point.

En découvrant la vue qui s'offrait à lui, Langdon eut peine à en croire ses yeux: les Jardins du Vatican. Le cœur de la cité