explosa Vittoria.
— Impossible. Ce truc peut se trouver n'importe où; la Cité du Vatican est plus grande que vous ne semblez le croire...
— Vos caméras ne sont donc pas équipées de systèmes GPS?
— Si, mais en général on ne les vole pas. Localiser cette caméra nous prendra plusieurs jours.
— Plusieurs jours? Pas question, il ne nous reste que six heures, trancha catégoriquement Vittoria.
— Six heures avant quoi, mademoiselle Vetra? Il pointa l'image à l'écran et reprit d'une voix soudain plus véhémente :
« Jusqu'à ce que ce compteur affiche quatre zéros et que le Vatican se volatilise? Croyez-moi, je n'ai aucune complaisance envers ceux qui seraient tentés d'introduire clandestinement des bombes au sein du Vatican. Et je n'apprécie guère que de mystérieux engins fassent brusquement irruption dans une enceinte si protégée. Je prends tout cela très au sérieux et c'est mon travail.
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Mais ce que vous venez de me raconter est complètement invraisemblable. »
— Avez-vous entendu parler des Illuminati? l'interrompit Langdon.
La carapace du commandant se fendit subitement. Ses pupilles rétrécirent comme celles d'un requin sur le point d'attaquer.
— Attention, ne me poussez pas à bout, je vous aurais prévenu!
— Alors vous les connaissez?
Les yeux d'Olivetti ressemblaient à deux pistolets prêts à tirer.
— J'ai prêté serment de défendre l'Église catholique, monsieur Langdon. Bien sûr que j'ai entendu parler d'eux. Ils ont disparu depuis des lustres. Les Illuminati sont morts et enterrés.
Langdon plongea la main dans sa poche et en retira la photo du cadavre marqué au fer rouge de Leonardo Vetra qu'il tendit au commandant Olivetti.
— Je suis un spécialiste d'histoire des religions, et donc des Illuminati, reprit l'Américain pendant qu'Olivetti examinait la photo. Il m'a fallu un certain temps pour admettre l'idée que cette secte était toujours en activité. Mais j'ai changé d'avis. À
cause de cette photo et aussi à cause de leur haine inextinguible du Vatican.
— Un canular d'étudiant bidouillé sur ordinateur! siffla Olivetti en rendant le fax à Langdon.
— Un canular? Mais regardez cette symétrie? Vous êtes bien placés, vous surtout, pour reconnaître l'authenticité de...
— L'authenticité, c'est précisément ce qui vous manque cruellement, monsieur Langdon. Mlle Vetra ne vous en a peut-être pas informé, mais le CERN est depuis très longtemps un repaire d'opposants acharnés à l'Église catholique. Votre conseil scientifique nous met régulièrement en demeure d'abjurer le créationnisme, de faire acte de repentance officielle envers Galilée et Copernic, de faire taire nos critiques contre les recherches immorales ou dangereuses. Quel scénario vous semble-t-il le plus probable?
Qu'une secte satanique éteinte depuis quatre siècles refasse surface avec une arme de destruction massive? Ou qu'un hurluberlu du
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CERN essaie de perturber un conclave en introduisant une fausse bombe dans le Vatican?
— Cette photo, reprit Vittoria, d'un ton brûlant comme de la lave, est celle de mon père. Assassiné. Croyez-vous que je plaisanterais avec ça?
— Je ne sais pas, mademoiselle Vetra. Mais je suis sûr d'une chose: jusqu'à ce que j'obtienne des réponses sensées, il n'est pas question pour moi de déclencher je ne sais quelle alarme. Je suis tenu à un devoir de vigilance et de discrétion, afin que les événements spirituels qui se déroulent dans cette enceinte puissent avoir lieu dans la sérénité et la clarté voulues. Et particulièrement aujourd'hui!
— Mais il faut au moins reporter le conclave! intervint Langdon.
— Reporter?
Pour le coup, le commandant des gardes suisses en resta bouche bée.
« Quelle arrogance! Un conclave n'est pas je ne sais quel match de base-ball que l'on pourrait annuler pour cause de pluie. Il s'agit d'un événement sacré dont le déroulement obéit à des règles strictes. Vous vous fichez pas mal qu'un milliard de catholiques dans le monde attendent un guide suprême et que les télés du monde entier soient rassemblées dehors! Le protocole d'un conclave n'est susceptible d'aucune modification. Depuis 1179, tous les conclaves se sont tenus, en dépit des tremblements de terre, des famines, des épidémies, et même de la peste. Croyez-moi, on ne va pas annuler un conclave à cause d'un scientifique assassiné et d'une gouttelette de Dieu sait quoi... »
— Je veux parler à votre supérieur! exigea Vittoria. Olivetti la fusilla du regard.
— C'est moi.
— Non, c'est un ecclésiastique que je veux voir. Les veines du cou d'Olivetti commençaient à saillir.
— Il n'y a personne. À l'exception de la Garde suisse, les seuls responsables présents au Vatican à cette heure sont les cardinaux. Et ils sont réunis dans la chapelle Sixtine.
— Et le camerlingue? demanda Langdon d'un ton neutre.
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— Qui?
— Le camerlingue du défunt pape, répéta Langdon avec assurance en priant pour que sa mémoire ne le trahisse pas.
Il se souvenait d'avoir lu quelque part un article au sujet des étranges arrangements suivant le décès d'un pontife. Si Langdon ne se trompait pas, durant l'intérim entre deux papes, le pouvoir passait aux mains du secrétaire particulier du dernier chef de l'Église et c'est lui qui veillait à l'organisation du conclave jusqu'à ce que les cardinaux aient choisi le nouveau Saint-Père.
— C'est bien le camerlingue le responsable suprême en ce moment...
— Le camerlingue? gémit Olivetti. Mais il n'a qu'un statut de prêtre ici. C'était l'assistant personnel du dernier pape.
— Mais il assure la transition et c'est à lui que vous rendez compte.
Olivetti croisa les bras.
— Monsieur Langdon, il est vrai que la règle vaticane prévoit que le camerlingue assume la fonction d'administrateur suprême durant le conclave, mais c'est uniquement parce qu'il est inéligible à la charge suprême et qu'à ce titre il peut veiller à la régularité du scrutin. C'est comme si votre président mourait et que l'un de ses assistants s'instal e provisoirement aux manettes dans le bureau ovale. Le camerlingue est jeune et sa compétence en matière de sécurité, comme d'ailleurs dans les divers domaines qu'il supervise, est extrêmement limitée. C'est donc en tout état de cause moi le seul et unique responsable ici.
— Nous voulons le rencontrer! reprit Vittoria.
— Impossible. Le conclave commence dans trois quarts d'heure. Le camerlingue est occupé dans le bureau pontifical aux préparatifs de la cérémonie. Pas question de le déranger avec des questions de sécurité.
Vittoria ouvrait la bouche pour répliquer, mais quelqu'un frappa à la porte. Olivetti alla ouvrir.
Un garde en tenue était posté sur le seuil, le doigt pointé sur sa montre.
— Il est l'heure, commandant.
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Olivetti jeta un coup d'œil à sa propre montre et acquiesça.
Il se tourna vers Langdon et Vittoria comme un juge qui hésitait sur la sentence à prononcer.
— Suivez-moi! ordonna-t-il.
Il les introduisit dans un petit box aménagé au fond de la pièce. Un espace neutre: un bureau en pagaille, des classeurs remplis de dossiers, des chaises pliantes, une fontaine d'eau fraîche.
— Mon bureau. Je serai de retour dans dix minutes. Je vous suggère d'utiliser ce moment pour décider de quelle façon vous souhaitez que nous procédions.
— Mais vous ne pouvez pas partir comme ça! s'exclama Vittoria. Ce conteneur va...
— Je n'ai pas le temps, siffla Olivetti. Peut-être devrais-je vous faire enfermer jusqu'à la fin du conclave, quand j'aurai à nouveau le temps?
— Signore, intervint le garde en désignant sa montre, bisogna spazzare la capella.