Olivetti hocha la tête et fit quelques pas, mais Vittoria n'en avait pas fini.
— Spazzare la capella? intervint-elle. Vous allez balayer la chapelle?
— Il s'agit d'un nettoyage électronique, mademoiselle Vetra, soupira Olivetti. La discrétion, encore la discrétion... (Puis, pointant un doigt réprobateur sur les jambes nues de la jeune femme:) De toute évidence, il s'agit là d'une notion que vous avez quelque peine à saisir...
Là-dessus, il claqua la porte, avant de tirer une clé de sa poche et de verrouiller la serrure d'un geste rapide.
— Idiota cria Vittoria. Vous n'avez pas le droit de nous enfermer ici!
À travers la vitre du box, Langdon vit Olivetti murmurer quelques mots au garde. La sentinelle hocha la tête. Alors qu'Olivetti quittait la pièce, il pivota sur lui-même et se mit en position, de l'autre côté de la vitre, bras croisés et arme de poing bien visible sur la hanche.
Parfait, pensa Langdon, absolument parfait.
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Vittoria jeta un regard venimeux au garde suisse qui les surveillait. La sentinelle lui rendit son regard, mais son costume chamarré contredisait son expression menaçante.
— Quel fiasco, fit Vittoria. Retenus en otages par une espèce de clown en pyjama!
Langdon demeurait silencieux et Vittoria espérait bien qu'il allait mettre à contribution sa cervelle de prof de Harvard pour les tirer de ce pétrin. Mais, d'après l'expression de son visage, elle comprit qu'il était sous le choc et provisoirement inopérant.
Dommage qu'il soit incapable de prendre plus de recul, se dit-elle. Le premier réflexe de Vittoria fut de sortir son portable pour appeler Kohler, mais elle comprit aussitôt la stupidité d'une telle démarche. D'abord le garde allait sans doute se ruer dans la pièce pour lui arracher son téléphone. Ensuite, si le malaise de Kohler était aussi grave que les précédents, il devait être dans l'incapacité de répondre à son appel. De toute façon, Olivetti l'aurait sûrement envoyé promener, vu ses préventions à l'égard du CERN.
Souviens-toi! lui souffla une voix intérieure, souviens-toi de la solution au problème!
Se souvenir de la solution: c'était une technique des maîtres bouddhistes. Plutôt que de demander à son esprit de chercher la solution à un problème apparemment insoluble, Vittoria demandait simplement à son esprit de s'en souvenir. Ce qui supposait qu'il connaissait déjà la réponse. Donc qu'il y avait une solution: une telle attitude permettait d'éliminer d'entrée de jeu la paralysie du découragement. Vittoria utilisait souvent cette technique pour résoudre des problèmes scientifiques auxquels ses collègues ne trouvaient pas de solution.
Mais, pour le moment, la méthode de la réminiscence ne donnait aucun résultat. Elle passa donc en revue ses options... Où était l'urgence? Il fallait avertir quelqu'un. Il fallait qu'un responsable l'écoute. Qui? Le camerlingue? Comment? Elle était enfermée dans une petite boîte en verre dont l'unique issue était gardée.
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Un outil! songea-t-elle. Il y a toujours des outils. Regarde autour de toi.
D'instinct, elle laissa retomber ses épaules, relaxa ses yeux et inspira profondément à trois reprises. Elle sentit son pouls ralentir et ses muscles se relâcher. La panique et la confusion mentale se dissipaient. Bon, se dit-elle, libère ton esprit. Cherche l'aspect positif de la situation. Quels sont tes atouts?
L'esprit analytique de Vittoria Vetra, une fois apaisé, était d'une puissance impressionnante. Il ne lui fallut que quelques secondes pour se rendre compte que leur atout maître, c'était précisément d'être enfermés dans cette pièce.
— Je vais téléphoner, fit-elle brusquement.
Langdon hocha la tête.
— J'allais suggérer que vous appeliez Kohler, mais...
— Non, pas Kohler, quelqu'un d'autre.
— Qui?
— Le camerlingue.
Langdon sembla complètement perdu.
— Vous appelez le camerlingue? Mais comment?
— Olivetti nous a précisé qu'il se trouvait dans le bureau du pape...
— Et vous connaissez le numéro privé du pape?
— Évidemment pas! Mais je n'appelle pas sur mon téléphone...
Elle lui indiqua d'un clin d'œil le téléphone hightech qui trônait sur le bureau d'Olivetti.
« Le chef de la sécurité a sûrement un accès direct au pape... »
— Vous oubliez l'athlète de haut niveau qui est planté à deux mètres de nous.
— Mais la porte est verrouillée...
— Je suis au courant, Vittoria.
— Verrouillée aussi pour le garde, Robert. On est dans le bureau privé d'Olivetti. Cela m'étonnerait beaucoup que quelqu'un ait la clé, à part lui.
Langdon jeta un coup d'œil inquiet au cerbère.
— La vitre est mince et je suis convaincu qu'il dégaine très vite. — Vous croyez qu'il va me tirer dessus parce que je me sers du téléphone?
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— Et qui sait, Vittoria? Le Vatican n'est pas un endroit comme les autres. Et vu la situation...
— Écoutez, c'est ça ou passer la soirée dans la prison du Vatican.
Au moins, on sera aux premières loges quand l'antimatière explosera!
Langdon blêmit.
— Mais le garde va appeler Olivetti à la seconde où vous décrocherez ce téléphone! Et puis il y a au moins une vingtaine de boutons là-dessus et pas un seul nom. Vous comptez les essayer tous en espérant tomber sur le bon?
— Pas du tout, répliqua Vittoria en tendant la main vers le combiné et en enfonçant le bouton du haut. Le numéro un! Je vous fiche mon billet que c'est le bureau du pape. Qui serait digne d'occuper la première place sur le téléphone d'un commandant de gardes suisses?
Langdon n'eut pas le temps de répondre. Le garde se mit à frapper la vitre avec la crosse de son arme. Il intimait à Vittoria de reposer le combiné. Elle lui décocha un clin d'œil qu'il n'eut pas l'air d'apprécier. Il était rouge de fureur.
Langdon s'approcha de Vittoria.
— J'espère que vous avez fait le bon choix parce que ce type n'a pas l'air de vous trouver drôle!
— Zut! fit-elle, l'oreille collée à l'écouteur. Un message enregistré.
— Quoi? le pape a un répondeur?
— Ce n'était pas le bureau du pape, expliqua Vittoria en reposant le téléphone, c'était le menu de la semaine de la cafétéria de la curie.
Langdon adressa un timide sourire à leur cerbère qui tout en alertant Olivetti sur son talkie-walkie ne les quittait pas du regard.
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Le standard téléphonique du Vatican se trouve dans l'Ufficio di Communicazione, derrière la poste vaticane. Il occupe une pièce assez petite, équipée d'un standard Corelco de huit lignes. Le Vatican reçoit environ deux mille appels par jour, qui sont pour la plupart automatiquement routés vers le standard téléphonique automatisé.
Ce soir-là, le seul standardiste de service sirotait tranquillement une tasse de thé. Il n'était pas peu fier d'être l'un des seuls employés admis dans l'enceinte du Vatican un soir de conclave. Bien sûr cet honneur était quelque peu terni par la présence des gardes suisses montant la garde devant la porte. Je ne peux même pas aller aux toilettes seul, soupira le standardiste.
Ah, les humiliations qu'on nous impose au nom du conclave!
Heureusement les appels, ce soir-là, avaient été plutôt clairsemés.
Ou fallait-il dire malheureusement? L'intérêt de la planète pour les affaires du Vatican avait sensiblement décliné ces dernières années. Les journalistes, et même les cinglés, n'appelaient plus aussi souvent qu'autrefois. Le bureau de presse avait espéré une effervescence médiatique bien plus grande pour l'événement du jour: les camions garés sur la place Saint-Pierre étaient pour la plupart italiens ou européens. Et quant aux réseaux internationaux, ils n'avaient envoyé que des reporters de second ordre.