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Le standardiste souleva sa tasse en se demandant si les cardinaux allaient faire durer le suspense. Tout devrait être bouclé vers minuit, se dit-il. La plupart des initiés connaissaient le nom du futur pape bien avant sa désignation par le conclave, ce qui réduisait l'élection à un rituel de trois ou quatre heures. Bien sûr, une dissension de dernière minute, toujours possible, pouvait prolonger le scrutin jusqu'à l'aube, voire au-delà. Mais pas ce soir, se dit le petit employé. Selon la rumeur, ce conclave-là serait une simple formalité.

Le bourdonnement d'une ligne interrompit provisoirement les réflexions du standardiste. Il regarda le voyant rouge clignoter et se gratta la tête. Bizarre, songea-t-il, le zéro. . Qui à l'intérieur peut bien avoir besoin de moi? D'ailleurs qui reste-t-il dans les bureaux?

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Citta del Vatican, j'écoute? articula-t-il en décrochant.

La voix au bout du fil parlait un italien fortement teinté d'accent suisse, un peu à la manière des gardes suisses. Mais il ne s'agissait pas d'un garde suisse, en l'occurrence. En réalisant qu'il avait affaire à une femme, le standardiste faillit recracher sa gorgée de thé. Il regarda encore une fois le tableau du standard. Une extension interne... l'appel venait bien de l'intérieur. Il doit y avoir une erreur, se dit-il. Une femme dans nos murs? Ce soir?

La femme en question parlait fort et semblait furieuse.

L'opérateur faisait ce travail depuis assez longtemps pour savoir quand il avait affaire à un dingue. Celle-là n'avait pas l'air cinglée.

Elle était pressée, mais rationnelle. Calme, efficace. Il écouta sa demande avec une certaine stupéfaction.

— Au camerlingue? répéta-t-il en essayant d'imaginer d'où pouvait bien provenir cet appel. Mais je ne peux pas vous le passer. .

Oui, je sais qu'il se trouve dans le bureau du pape, mais... Qui êtes-vous au juste?... Et vous voulez l'avertir de...

Il écoutait, de plus en plus troublé.

« . . Tout le monde est en danger? Mais pourquoi? Et d'où appelez-vous? Je crois que je ferais mieux de vous passer les gardes suisses... »

L'opérateur stoppa net.

« Vous dites que vous vous trouvez où? Où ça? » Il enregistra la réponse, abasourdi, et prit sa décision.

« Patientez un instant s'il vous plaît », fit-il sans laisser à Vittoria le temps d'ajouter quoi que ce soit. Puis il appela la ligne directe du commandant Olivetti. Pas croyable, cette femme dans le bureau...

On décrocha immédiatement. C'était bien elle!

— Pour l'amour de Dieu, passez-moi le camerlingue! criait-elle. La porte du QG de sécurité des gardes suisses trembla sur ses gonds en livrant passage à un taureau furieux, Olivetti, qui fonçait droit devant lui. Un simple coup d'œil à travers la cloison vitrée de son box lui confirma ce que son adjoint venait de lui annoncer.

Vittoria Vetra était en train de téléphoner sur son téléphone.

Che coglioni che ha questa! se dit-il. Elle a des c..., celle-là!

– 154 –

Livide, Olivetti fonça sur le box et tourna la clé dans la serrure.

— Mais vous vous croyez où! s'écria-t-il en enfonçant à moitié la porte.

Vittoria l'ignora superbement.

— Oui, reprit-elle, et je dois vous prévenir... Olivetti lui arracha le combiné des mains et le colla contre son oreille.

— Qui est à l'appareil, nom de Dieu!

En entendant la réponse, Olivetti chancela, comme sonné.

« Oui, camerlingue. . C'est vrai, mon père, mais des problèmes de sécurité nous obligent... Bien sûr que non... Je les retiens ici pour... Certainement, mais... Oui, mon père, fit-il enfin, je vous les amène tout de suite. »

– 155 –

39

Les bâtiments qui composent le palais apostolique se trouvent à proximité de la chapel e Sixtine, dans le secteur nord-est de la cité pontificale. Avec une vue panoramique sur la place Saint-Pierre, le palais abrite aussi bien les appartements du Saint Père que son bureau.

Vittoria et Langdon suivirent en silence le commandant Olivetti le long d'un interminable couloir. Vittoria ne pouvait détacher ses yeux des muscles de la nuque du commandant qui se contractaient de fureur à intervalles réguliers. Après avoir grimpé trois volées de marches, ils pénétrèrent dans un grand salon baigné d'une lumière tamisée.

Les murs étaient couverts d'œuvres d'art. Langdon n'en croyait pas ses yeux. Dans cette seule pièce, il y en avait pour plusieurs millions d'euros. . Ils tournèrent à gauche après une extraordinaire fontaine d'albâtre, traversèrent une pièce et stoppèrent devant une des portes les plus monumentales que Langdon eût jamais vues.

Lo studio privato, annonça le commandant en gratifiant Vittoria d'un coup d'œil particulièrement hostile.

La jeune femme ne se démonta pas pour autant et assena trois forts coups du plat de la main sur la porte.

Le bureau du pape, songea Langdon qui ne parvenait pas à admettre qu'il se trouvait devant l'un des lieux les plus sacrés qui soient, pour les catholiques.

— Entrez! s'écria quelqu'un à l'intérieur.

Quand la porte s'ouvrit, Langdon fut aveuglé par les rayons du soleil qui illuminaient le bureau, lequel ressemblait d'ailleurs plus à une salle de bal qu'à un bureau avec ses sols de marbre rouge, ses murs ornés de fresques et son lustre immense. Les fenêtres offraient une vue exceptionnelle sur la place Saint-Pierre baignée de soleil.

Mon Dieu! pensa Langdon. Ça, c'est une chambre avec vue...

À l'extrémité de cette grande salle, assis à un bureau de bois sculpté, un homme écrivait fébrilement.

Avanti! Entrez! lança-t-il de nouveau en posant son stylo et en leur faisant signe d'approcher.

– 156 –

Olivetti avança le premier, d'un pas tout militaire.

— Mon père, fit-il d'un air contrit, je n'ai pas pu. .

Le camerlingue l'interrompit d'un geste. Il se leva et étudia ses deux visiteurs. Ce prêtre ne ressemblait pas à l'image convenue des prélats frêles âgés et béats, que Langdon imaginait peupler le Vatican. Il ne portait ni rosaire, ni pendentifs, ni tenue d'apparat, mais une simple soutane noire qui faisait ressortir sa robuste charpente. Il semblait âgé d'un peu moins de quarante ans - un gamin, eu égard aux habitudes locales. Son visage, surmonté d'une couronne de courts cheveux bruns, était resté étonnamment jeune, et ses yeux verts luisaient d'une intense flamme mystique. En s'approchant, cependant, Langdon découvrit dans ces mêmes yeux une immense fatigue, celle d'un homme qui venait de passer les deux semaines les plus exténuantes de sa vie.

— Je suis Carlo Ventresca, déclara-t-il dans un anglais impeccable, le camerlingue du défunt pape.

Il prononça ces mots d'une voix douce et modeste, qu'égayait une pointe d'accent italien.

— Vittoria Vetra, répondit la jeune femme en lui tendant la main. Merci d'avoir accepté de nous recevoir.

Olivetti eut un tic nerveux en voyant le prêtre serrer vigoureusement la main de Vittoria.

— Voici Robert Langdon, spécialiste de l'histoire des religions, de Harvard.