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Langdon ménagea un silence pour observer les réactions de son interlocuteur qu'il regarda dans les yeux.

— C'est alors que commença pour ces parias la phase de repli dans la nuit de la clandestinité. Ils se mêlèrent à d'autres groupes en butte aux persécutions de l'Église catholique, mystiques, alchimistes, occultistes, musulmans, juifs. Avec le temps, les Illuminati admirent de nouveaux membres dans la confrérie. Celle-ci se mua alors en une secte assez différente, plus sombre, profondément antichrétienne. Plus puissante aussi. Elle inventa des rituels mystérieux, s'enferma dans un secret absolu, attendant son heure. Le jour venu, elle sortirait de l'ombre et prendrait sa revanche sur le catholicisme. Sa puissance devint telle que le Vatican se mit à considérer les Illuminati comme la force la plus dangereuse sur terre. D'où le surnom dont il la baptisa: Shaitan.

Shaitan?

— C'est de l'arabe. Ça veut dire « adversaire », l'adversaire de Dieu. L'Église a choisi un nom islamique parce que c'était une langue considérée comme « sale ».

Langdon hésita.

Shaitan est la racine de... Satan.

Les traits de son interlocuteur se figèrent de stupeur. Le ton de Langdon se fit plus grave.

— Monsieur Kohler, je ne sais ni comment ni pourquoi cette marque est apparue sur la poitrine de cet homme, mais nous

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avons affaire au culte satanique le plus ancien et le plus puissant du monde.

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La ruelle était étroite et déserte. L'Assassin accéléra l'allure, ses yeux noirs brillant du plaisir qu'il se promettait. En approchant du but, il se remémora la dernière phrase de Janus: la phase deux est imminente, repose-toi en attendant.

L'homme eut un sourire suffisant. Il était resté éveillé toute la nuit, mais dormir était le cadet de ses soucis. Le sommeil, c'était bon pour les faibles. Lui était un guerrier, comme ses ancêtres avant lui. Et, une fois la guerre déclarée, ceux de sa lignée ne dormaient plus. Or la guerre avait commencé, pas de doute là-dessus, et c'est à lui qu'avait été réservé l'honneur de porter le premier coup. Il avait maintenant deux heures à passer pour célébrer sa victoire avant de reprendre le travail.

Dormir? Il existe de bien meilleures façons de se détendre...

Son appétit pour les plaisirs charnels lui venait de ses ancêtres.

Ces derniers avaient eu un faible pour le hachisch, mais lui était porté vers d'autres voluptés. Il était fier de son corps, formidable machine à tuer qu'il refusait, tradition ou pas, de polluer avec des stupéfiants quels qu'ils soient. Il était pourtant accro à quelque chose. . une activité beaucoup plus satisfaisante que de se droguer -

et bien plus saine.

De plus en plus impatient, l'Assassin pressa encore le pas.

Stoppant devant une porte anonyme, il pressa le bouton de la sonnette. Un bref regard sous des paupières bistre à travers le judas et la porte s'ouvrit.

— Bienvenue, fit l'élégante hôtesse.

Elle le fit passer dans un petit salon d'un goût parfait.

Lumières tamisées, fragrance d'une bougie parfumée au santal et au musc... La femme lui tendit un album photo.

— Sonnez quand vous aurez fait votre choix. Elle s'éclipsa.

L'Assassin sourit.

En s'installant sur le canapé moelleux et en disposant l'album sur ses genoux, il sentit l'excitation le submerger. Ses coreligionnaires ne célébraient pas Noël, mais il lui semblait comprendre ce que pouvait ressentir un petit chrétien à la vue des

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cadeaux qu'il se préparait à déballer. Il examina les photos. Une vie de fantasmes sexuels défila devant lui.

Marisa. Une déesse italienne. Ardente. Une Sophia Loren jeune.

Sachiko, La geisha japonaise. Fine, sûrement adroite.

Kanara, Une Noire étonnante, athlétique. Une beauté exotique.

Il parcourut l'album d'un bout à l'autre deux fois de suite et fit son choix. Il pressa le bouton de la sonnette d'argent posée sur la table basse. Une minute plus tard, la femme qui l'avait accueilli réapparut. Il lui indiqua son choix. Elle sourit.

— Suivez-moi.

Après s'être entendue avec l'homme sur le tarif, l'hôtesse décrocha un combiné dans lequel elle murmura de brèves instructions. Elle le fit attendre quelques minutes et le précéda dans un large escalier en marbre qui débouchait sur un imposant couloir tout en boiseries.

— C'est la porte en chêne, au fond à droite. Vous avez des goûts de luxe...

Normal, se dit-il, je suis un connaisseur.

L'Assassin remonta d'un pas vif le couloir, telle une panthère qui s'apprête à se régaler d'une proie depuis longtemps attendue.

Sur le seuil de la porte, il se sourit à lui-même. Celle-ci était entrebâillée... l'invitant à entrer.

Il poussa la porte qui s'ouvrit en silence.

Quand il découvrit l'objet de son choix, il comprit qu'il avait eu la main heureuse. Exactement ce qu'il avait demandé. . nue, étendue sur le dos, les poignets attachés aux montants du lit par d'épais cordons en velours. Il traversa la pièce et passa son index sombre sur l'abdomen d'ivoire. J'ai tué la nuit dernière, pensa-t-il.

Tu es ma récompense!

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Kohler, mal à l'aise, se passa une main sur la bouche et changea de position.

— Satanique? Le symbole d'un culte satanique?

Langdon arpentait la pièce pour se réchauffer.

— Les Illuminati étaient sataniques. Mais pas dans le sens moderne du terme.

Le symbologue expliqua brièvement que, si l'on se représentait en général les satanistes comme de fanatiques adorateurs du diable, ils avaient été en d'autres temps des êtres cultivés qui s'étaient d'abord opposés à l'Église catholique.

Shaitan. Les rumeurs de sacrifices animaux au cours de rites de magie noire sous l'égide de l'inévitable pentagramme n'étaient que des mensonges propagés par l'Église catholique pour salir ses adversaires. Par la suite, les opposants à l'Eglise, qui voulaient rivaliser avec les Illuminati, s'étaient mis à croire ces mensonges et à se conduire comme ces personnages inventés par le Vatican.

C'est ainsi qu'était né le satanisme moderne.

— Tout ça, c'est de l'histoire ancienne! gronda brusquement Kohler. Ce que je veux savoir c'est ce que ce symbole vient faire là!

Langdon inspira profondément.

— Le symbole lui-même a été créé au XVIe siècle par un artiste anonyme membre de la confrérie en hommage à l'amour de la symétrie que professait Galilée. Un logo sacré en quelque sorte. La secte a tenu son dessin secret, se promettant de le révéler quand elle aurait rassemblé assez de pouvoir pour réapparaître et accomplir son objectif suprême.

Kohler parut décontenancé.

— Alors ce symbole signifie que la confrérie est en train de resurgir?

Langdon fronça les sourcils.

— Ce serait impossible. Il y a un chapitre de l'histoire des Illuminati que je ne vous ai pas encore expliqué.

— Je vous écoute, fit Kohler, de plus en plus intrigué.

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Langdon frotta ses paumes l'une contre l'autre, triant mentalement les centaines de documents qu'il avait lus ou écrits sur les Illuminati.

— Les Illuminati étaient des survivants, reprit-il. Quand ils ont fui Rome, ils ont sillonné l'Europe à la recherche d'un refuge sûr pour se regrouper. Ils furent alors adoptés par une autre société secrète, une confrérie de riches tailleurs de pierre bavarois appelés les francs-maçons.