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04 :17 :38 Charon > Et si c juste un hasard ? Une greffée intéressée par le Styx ? Loiseau était bien flic, après tout.

04 :17 :59 CP > Je crois pas. Mais dans tous les cas, elle va te brancher. Ai vu sa carte de groupe sanguin : B.

04 :18 :17 Charon > Parfait. Reste à vérifier la compatibilité. Ai justement deux ou trois demandes urgentes. Elle est où ?

04 :18 :38 CP > À la ferme. Déposée avant de venir au labo. Truc à faire ici.

04 :18 :48 Charon > Quel truc ?

04 :18 :53 CP > Rien qui te concerne. Tu t’occupes d’elle ?

04 :19 :29 Charon > Suis pas dans le coin, peux pas pour l’instant. Garde-la au chaud jusqu’à demain soir, je vais voir pour me libérer. Rentre chez toi, sois prudent. Si pb, tu disparais. Me contacte plus d’ici là.

C’était terminé. Lucie relut la conversation plusieurs fois. On était mardi, début d’après-midi. Pradier, qui avait eu son accident, n’avait pas pu retourner auprès de Camille pour lui faire du mal.

Donc, la jeune femme était encore vivante, enfermée quelque part depuis la veille au matin. Si elle en croyait les derniers mots de Charon, il y avait une chance pour que celui-ci la retrouve seulement ce soir.

Mais il y avait aussi un risque qu’il soit déjà passé.

Ai justement deux ou trois demandes urgentes.

Ça voulait sûrement dire qu’ils allaient l’opérer.

Voler ses yeux, ses reins, pour les greffer sur des « clients », et se débarrasser d’elle.

Mais Lucie préféra chasser ces pensées sombres et se dire qu’il ne restait que quelques heures avant que Camille tombe entre les mains de ce monstre.

Elle releva les yeux vers le spécialiste.

— On n’a rien d’autre sur l’ordinateur ? Une idée sur ce que pourrait être cette ferme ?

Jasper secoua la tête, tout en remettant à Lucie une feuille imprimée avec la conversation.

— Trop tôt pour le dire, j’ai fait au plus rapide. Faut encore que je fouine, mais il n’y a pas de liens stockés dans le navigateur, pas d’historique ni de cookies, ni de messagerie client. J’ai fait une recherche d’images, de vidéos, je n’ai rien trouvé d’autre que les photos que je vous ai montrées. Je vais jeter un œil dans les documents, mais j’ai peu d’espoir. À première vue, le reste, c’est uniquement professionnel. Je vous tiens au courant dans tous les cas.

Lucie le remercia et rejoignit son service au trot, avec une petite idée en tête. Elle pensait aux facturettes d’essence, cet endroit où Pradier semblait régulièrement se rendre. Elle s’approcha de Jacques Levallois, rivé à son écran.

— Dis, tu sais si Pradier avait une autre propriété que celle de Chécy ?

Le lieutenant regarda sa montre.

— Le contact de Nicolas aux impôts est justement en train de chercher dans le foncier. Il doit me recontacter d’un instant à l’autre. Pourquoi ?

Lucie lui tendit l’imprimé avec la conversation. Levallois en prit connaissance. Il releva des yeux graves vers Lucie.

À ce moment, son téléphone sonna.

— C’est lui, dit-il dans un souffle.

73

Nicolas était immobile, assis à son bureau, la tête dans les mains, les yeux fermés.

Il n’arrivait plus à réfléchir et se sentait vraiment au bord du gouffre. Ses tempes pulsaient, lui donnant l’impression que son crâne allait exploser.

Heureusement, le cachet qu’il avait avalé fit rapidement son effet.

Le portable de Camille qu’il gardait dans sa poche vibra. Nicolas lut le SMS qui venait d’arriver.

Que se passe-t-il ? Pourquoi tu ne réponds plus à mes appels ? Je m’inquiète, Camille, dis-moi juste que tout va bien. Boris.

Nicolas n’eut pas la force de répondre. Il venait de faire quelques recherches sur les greffes cardiaques pour essayer de comprendre le message que ce docteur Calmette avait laissé sur le portable de Camille. Il en déduisit que la jeune gendarme souffrait peut-être d’un rejet chronique, la principale cause d’échec des transplantations cardiaques. Cette manifestation était considérée comme le risque majeur encouru, mettant directement en jeu la vie du patient.

Pour être clair, l’organisme de Camille ne voulait pas du nouveau cœur et le détruisait à grande vitesse. Et il n’y avait aucune parade contre cette violente réaction immunologique.

Hormis un nouveau cœur.

« Vous voyez bien qu’il faut toujours y croire ? Cette chance était inespérée, et pourtant… », avait dit le médecin. Ce cœur tout neuf était là, en attente, quelque part, battant sans doute encore dans la poitrine de son donneur décédé.

Le destin, songea le capitaine de police. Quelle curieuse coïncidence, encore une fois, que le bon donneur, d’un groupe compatible, soit justement mort pour offrir son organe au moment où, sans doute, Camille en avait le plus besoin.

Calmette avait raison, la jeune femme devait avoir une bonne étoile, quelqu’un qui veillait sur elle, qui la protégeait.

Elle ne peut pas être morte. Pas elle.

Nicolas eut un regain d’espoir, qui fut vite écrasé par la gravité de la situation.

Camille, disparue, entre les mains de malades.

Camille, sans ciclosporine.

Camille, en détresse cardiaque.

Tout redevint noir, autour de lui, et l’espoir s’envola. La vérité, c’était que le cœur allait partir ailleurs, ce soir, à minuit.

Pascal Robillard l’arracha à ses pensées. Il tenait des papiers.

— Ça va ? demanda-t-il.

— Je… (Nicolas se passa une main sur le visage.) Qu’est-ce qu’il y a ?

Robillard l’observa quelques secondes, sceptique, puis en vint à la raison de sa venue.

— Je n’ai pas eu le temps de creuser la question des trafics d’organes, mais j’ai rapidement eu une idée qui s’est confirmée. On a peut-être un moyen de choper rapidement les receveurs si le centre de biomédecine joue le jeu.

— Comment ? demanda mécaniquement le capitaine de police.

— Si des gens ont reçu un organe, c’est que, d’un seul coup, ils ne sont plus en demande. Il suffit de se rencarder sur les retraits inattendus de patients de la liste d’attente des greffes.

Nicolas avait du mal à réagir.

— Par… Par retrait inattendu, qu’est-ce que t’entends ?

— Je viens de me renseigner : autre que décès et amélioration de l’état de santé certifié par le médecin traitant. Autrement dit, des retraits sans réelle justification ou avec des raisons bancales, genre changement de pays par exemple. Le problème, m’a dit mon interlocuteur, c’est qu’il y a énormément de retraits, mais on a un indice supplémentaire : la date d’enlèvement des filles roms…

— Où tu veux en venir ?

— C’est pourtant clair. Tu te rappelles, le message sur la maison de la forêt d’Halatte, par exemple ? Suis venu, ai attendu. Livraison 02.03–07.08-09.11–04.19 urgente.Cette fille — la victime aveugle — devait être « livrée » le 10 août 2010, d’après le carnet de Loiseau. Et s’il y avait eu un retrait de la liste d’attente des greffes autour de cette date ? Quelqu’un de greffé doit bien sortir de la liste à un moment donné, non ?