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— Non, madame ! Non, madame ! supplie Béru en interprétant un morceau de claquettes avec son râtelier à impériale. T’as une arme, San-A. ? il implore.

I have not, hélas !

— Frau, chère Frau ! je crie. Nous sommes des amis de Karl !

Au lieu de la calmer, ça paraît achever de lui porter le comble, à la Vachasserie. Elle pousse des sous rauques en avançant, l’épée brandie. On recule. On va se barrer. Las, cette garce de porte est coincée. Faut la soulever un chouille de ses gonds pour débloquer le loquet. Un truc de c’t’ âge-là, vous pensez que le Blount peut pas s’en charger !

Dame mammouth n’est plus qu’à deux mètres. La lumière du lustre fait miroiter la lame. Elle va perforer Béru, se servir de son bide comme de fourreau pour sa rapière.

Il est quasiment mort, Alexandrovitch-Bénito. Transpercé jusque z’au fond du foie d’une atteinte imprévue. Que dire, que faire ? Prier ? On lit le meurtre dans les yeux de « la chose ». C’est la muse de la gestapo ! It’s all over for Béru ! Fors l’honneur, comme disait François (Pavie, pas pris).

Il va trépasser, Béru…

La robote ajuste déjà son coup. Assure l’élan de son bras…

— Hé, mâame Frau ! Vous z’allez pas carboniser un mâle de c’t’ envergure ! lance désespérément Béru en actionnant sa braguette magique !

Ah, m’sieur Éclair, que de reconnaissance nous vous devons pour votre géniale fermeture ! Certes, elle est un peu bruyante dans les cinémas, mais par contre, que de signalés services elle rend aux prostatiques, aux frénétiques, à tous ceux — et ils sont nombreux de par le monde — qui doivent sortir leur poisson rouge de l’aquarium en un temps record !

Floutttt !

Servez chaud !

La déesse Mars (en carême) se paralyse à la découverte de ce joyau. Il a, d’un geste déjà routinier sorti la barre des écrins, ce vieux Pelvoux !

— Mein Gott ! Mein Gott ! fait l’espèce de personne en lâchant son épée.

— Vous v’ rendez un peu compte de l’assassinat que vous suciez commis, mon p’tit cœur ? se requinque le Mastar. « Détriper un mec qui aborde un étendard pareil, ce serait été de la démence, non ? Allez, stoppez votre pastaga, ma fleurette ! Venez dans vot’ chambrette, qu’on s’esplique, se mette à jour tous nos maux-entendus.

Avec un franc sourire de chef d’orchestre ovationné, Bérurier prend la montagne par la main et l’entraîne.

Je les regarde disparaître avec le sentiment inoubliable d’avoir assisté à un miracle.

C’est beau la présence d’esprit, non ?

Si le Gros n’en avait point eu, nous serions vraisemblablement embrochés, lui et moi. Allez donc continuer à débiter des couenneries, avec vingt ou trente kilos de ferraille dans le garde-manger ! San-Antonio ? Kaput !

Terminoche, closed pour cause de perforation.

Irrémédiablement !

Car enfin, admettez : si l’on a vu beaucoup de vivants faire semblant d’être morts, on n’a, en revanche, jamais vu des morts faire semblant d’être vivants.

CHAPITRE (OBJECTIVEMENT) SEIZIÈME

Évidemment, question intelligence, Béru ne se signale pas à l’attention de ses si tant cons porains. Il est décoiffé des cellules, le Gravos. Broussailleux du bulbe. Son cervelet ressemble à un cœur d’artichaut non épilé. C’est de l’article affligeant, du point de vue de l’intellect. Le produit de la ferme française.

Il fait roue libre sur le plan de LA pensée. Seulement, ce qui le sauve, toujours, partout, en toute occasion, c’est sa jugeote. Son sens aigu de la combine, du système D. Il invente ce qu’il ignore, Alexandre-Benoît, s’impose par son déterminisme. Rien ne l’effraie, tout lui est motif à démonstration. Je vois dans l’occurrence présente, avec la monstrueuse vachasse… N’importe qui, ayant entrepris d’étreindre cette montagne, se demanderait par où l’aborder ? Lui escalader la face nord, ou sud ? S’armer de quel matériel ? Par où lui forcer le retranchement, à c’te bête monstrueuse ? Un lot pareil, ça désoriente la frénésie, fût-elle artificiellement provoquée, comme c’est le cas chez mon ami, l’infirme du scoubidoche. Je ne tiens pas à donner à ces pages d’une haute tenue littéraire et morale un aspect équivoque susceptible de les éclairer d’un jour fâcheux, comme l’écrivait avant naguère un écrivain professionnel qui, depuis lors, a déposé son bilan (dans le tiroir du haut de son stylo). Je veux pas scabrer, mes fils. Ça ferait se cabrer les bien-pensants. Y’en a tellement, des pleins wagons à bestiaux ! Bien-pensant ! Le terme m’a toujours amusé, et puis troublé aussi. Comment peut-on bien-penser ? Ceux qui bien-pensent, en fait, pensent la pensée des autres, des maîtres à bien-penser… Ils se branchent sur le cerveau d’un autrui qui a déjà balisé le parcours. Mitonnent de la coiffe ! Rien de plus sot qu’un bien-pensant, de plus odieux ! On aurait le droit de massacrer, je voudrais saintbarthélemier ces mecs. N’importe leur milieu. Tous ; les gros, les grands, les petits, les moches, les Français, les étrangers, les papistes, les huguenots, les jeunes, les vieux. De pleines charretées ! À lèche, à faux ! Hue ! Mettre des barbelés autour de l’intelligence ? Salauds ! À bas ! Vouloir écumer le bouillon ? À tue ! Je leur défends ! Les prohibe ! Condamner des extravagances d’idée, voire de langage ? Au poteau ! À la découillade ! Je les laparatome ! Les énucle ! Les disloque ! Les en-loque ! Tudieu de merde, ce que j’en aurai bavé, de toujours leur buter contre, à ces faisandés de l’esprit, à ces louches, à ces obscurantés, à ces gueux vomiques, à ces calfeutrés, à ces calorifugés de la houppe, à ces contamineurs, à ces espèces d’espèce, à ces tortueux, à ces naufrageurs d’idées, à ces épouvantés-d’eux-mêmes ! Ah, Dieu ! cher Dieu Ami, merci de les avoir fait cocus, cardiaques et vérolés, comme tout le monde. N’aurait plus manqué qu’ils échappassent à la misère et au chagrin, ces pénuriés. Qu’ils s’embaumassent dans leurs bien-pense, ces burnes molles !

Gredins poursuiveurs ! Où s’aller planquer pour ne plus les voir ni les entendre ? Les oublier ? J’ai beau m’enfuir au cœur des Oberland, me foutre la tronche dans la neige jusqu’à la raie culière, ils continuent de me surgir dessus, sans crier gare ! Me vitriolent de leur connerie abominable. Des fois, tu prends pas garde… Ils se pointent, ruisselants de sympathie. Te disent qu’ils t’adorent, t’admirent, te pipent moralement. Bonne pomme, tu les prends sur ton cœur. Et soudain : vzoum ! Ils te poignardent sauvagement, au débotté. Ils tenaient leur gueuserie dans la manche, façon stylet ! T’as pas l’opportunité d’une parade. T’es viandé de première. Tu titubes de désillusion. Tu déplores ta confiance toujours renaissante. Finito ! La grande baisance ! Ils t’ont eu une fois de plus et t’auront encore jusqu’à la crevaison. Alors t’attends d’être un peu mort pour te remettre de ces vilains. Tu te dis qu’APRÈS l’ultime asticot, quand t’auras les os lisses comme un peigne, ce sera enfin terminate, ces éprouvances. Au cœur du néant, tu trouveras peut-être la paix ! En attendant, se garer au maxi. Partir loin, toujours plus, là où t’es pas connu et ne pas y résider jusqu’à ce qu’on te connaisse. Passer, quoi… Rien que passer, en passant ! Et ne pas répondre à leurs invites, surtout. Non plus qu’à leurs chieries de lettres ! La bafouille à laquelle tu réponds, c’est le doigt dans l’engrenage. Un courrier, deux courriers, et puis leur vase te parvient, sanieuse à l’extrême, pestilentielle !