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On plaisante aimablement. Des flics se ramènent. Ensuite des brancardiers. Elle s’informe auprès du loufiat. L’homme lui dit qu’un monsieur est mort d’hydrocution. J’assure à Sandy qu’on devrait organiser une visite de ma chambre en attendant que les responsables de l’hôtel changent l’eau de la piscine. Elle admet que c’est une riche idée et me suit docilement.

Je n’apprécie que deux sortes de gonzesses bien distinctes : les femmes sérieuses et les femmes faciles. Les autres, je t’en fais cadeau. Les femmes sérieuses me rassurent, les femmes faciles me comblent. Tout ce qui est intermédiaire me pompe l’air en attendant que ce soit la bite.

Sandy, tu l’auras déjà deviné, sagace comme je te sais, appartient à la seconde catégorie. Mais alors à fond. Avec elle, pas de chichis, pas de gnagnas : droit au cul !

Le temps pour moi de refermer ma porte et son mutin maillot, composé d’une simple ficelle, il est vrai, gît sur la moquette. Me voilà avec ses bras noués à mon cou, exquis collier !

Mon lit bas est plus large que long, ce qui incite à des ébats à grand spectacle, Sa Majesté Elizabeth Il me le faisait remarquer l’autre jour. Sans attendre d’avoir la météo de demain, nous nous lançons dans cette folle aventure que constitue toujours un coït impromptu. Je comprends, d’entrée de nœud, que les Asiates sont les surdouées de la lonche car, depuis ma fameuse liaison avec Lili Pute, je n’avais pas retouché une partenaire de ce niveau.

Ma sélection de la piscine est digne des doges (comme dit Béru) ; ni la Suédoise ni l’Hindoue et encore moins la Britannique ne m’auraient apporté autant d’agrément. Apprendre de nouvelles figures, quand on a mon pedigree, constitue une joie absolue. Or, Sandy m’enseigne le « paquetage indonésien », ce qui t’entraîne loin dans la volupté. J’en sais qui vont m’écrire pour savoir le dont il s’agite. Histoire de leur faire faire l’économie d’un timbre, d’une enveloppe et d’une feuille de papier, je leur signale que pour exécuter cette prouesse faut avoir des possibilités de femme-serpent. Ça consiste, pour la femme, à se transformer en jerrican en repliant ses membres de telle sorte qu’elle adopte un volume rectangulaire ; tu vois ? Même sa tête, elle la rabat entre ses seins. T’as plus que l’ouverture à dispose, tournée vers le haut et il t’appartient de jouer les pompistes au gré de ton inspiration. Très évidemment, c’est pas à la portée de toutes les dames, je vois mal Mme Thatcher, par exemple, opérer cette royale performance ; mais quand une sœur parvient à se transformer en attaché-case, alors là, crois-moi, on touche à l’exploit.

Nous sommes en pleine concentration, agrémentée de mutuelles exhortations, lorsqu’on sonne à ma lourde. Dans ma fougue, j’ai pas eu le temps d’accrocher le petit carton rouge qui effraie les footballeurs et rassure les amoureux. Mais aurait-il détourné le cours du destin ?

Tout de suite, je pense aux flics. Contrairement à mes estimations, quelqu’un m’aura vu converser avec le gros frisé et on vient m’interroger.

Etre stoppé en plein séminaire, voilà qui est épouvantable.

— Je vous prie de m’excuser, dis-je à Sandy en prenant momentanément congé d’elle.

Déjà un second coup de sonnette, plus véhément que le précédent, achève de me râper les nerfs.

Je passe un peignoir de bain et vais ouvrir.

Me trouve en présence de deux personnes : une jeune femme habillée en militaire et un mec en civil. Hindous l’un et l’autre à n’en plus pouvoir. La môme est officière, si j’en crois ses galons. Elle serait belle si elle n’était positivement (toujours ces adverbes qui Marcel[12]) défigurée par un étrange tatouage qui lui coupe la poire en deux. Sur le front, ça représente un losange reposant sur une pointe, des pointillés descendent le long de l’arête du nez, sur et sous les lèvres et jusqu’au bas du menton. Ce graphisme incommode car il est mutilant.

L’arrivante darde sur moi un regard tellement noir qu’il en est presque blanc car il évoque le néant, or le néant, que tu le veuilles ou pas, c’est blanc, et ne me dis pas le contraire, sinon je te balance ma main dans la gueule !

— Montrez-moi vos papiers, je vous prie ! fait-elle sèchement.

Dans le plumard, la môme Sandy s’est dépaquetée pour pouvoir se cacher sous les couvrantes.

Je vais prendre mon passeport dans la poche de mon veston et l’apporte à la policière, laquelle vient d’entrer dans la chambre. Son compagnon est en chemise blanche et short long, kaki.

Elle prend le document que je lui présente, l’examine en conscience, puis le tend à l’homme. Ce dernier le fourre dans une sacoche dont la bride est passée à son épaule.

— Habillez-vous et suivez-nous ! ordonne la visiteuse intempestive — ô combien ! — tiens, regarde, j’arrive pas à dégoder complètement ; c’est malheureux, non ?

Quand tu songes à la brièveté de la vie, à sa folle précarité, tu te dis qu’un coup perdu — voire seulement différé — ne se rattrape jamais. Elle vient, sans le savoir, de commettre un crime contre l’humanité, cette connasse !

— Vous suivre où ? m’effaré-je.

— Pressez-vous ! lance la pécore au lieu de me répondre.

J’hésite. Mais à quoi bon regimber ? Les bourdilles veulent m’entendre au sujet du meurtre de la piscine. Je me berlurais en espérant que personne ne m’avait vu parler à la victime. Le monde est bondé de guette-au-trou qui observent nos moindres fesses et gestes.

— Chère Sandy, déclaré-je, j’espère avoir l’occasion de reprendre cette charmante conversation le plus vite possible. Faites-vous monter des consommations en m’attendant.

Je m’harnache à la Frégoli, plus vite qu’un pompier de Paris chargé d’aller éteindre l’incendie qui ravage la maison de ses chers parents.

— Je suis à votre disposition, madame.

Elle doit avoir un grade, mais lequel ? Ses galons décrivent sur ses manches des tortillons qui me sont inconnus.

Sans un mot, elle fait demi-tour et me précède. Son petit copain ferme la marche.

Un peu à l’écart de l’hôtel, stationne une bagnole, une grosse ricaine cabossée, dans les tons café au lit au lait.

Un gars à turban fume une cigarette bleu ciel au volant. La femme prend place à l’avant, le zig au short kaki m’invite muettement à m’installer à l’arrière.

Fouette clocher !

Peut-être connais-tu New Delhi, toi non plus ? Y a du monde, hein ? Et alors, pour être indien, c’est indien, t’auras remarqué ? Et la circulation, dis ? T’es d’accord ? Bon. Mais assez de description comme ça, qu’après on tourne Zola et le lecteur chéri se met à bouder.

Notre chauffeur nous faufile à travers le vacarme ambiant le long d’une immense avenue. On vire à droite au carrefour, devant la pharmacie. On suit une rue interminable, tellement qu’on la termine pas pour pénétrer dans une sorte de vaste hangar tapissé d’affiches de cinéma ; car le cinoche marche très fort en Inde, comme dans tous les pays pauvres. J’aperçois une immense affiche comme on n’en a plus vu chez nous depuis la guerre de Quatorze ; elle célèbre une production de Chaâ Brôll, le cinéaste hindou à la mode. Ça représente un type beau comme Rudolph Valentino, brandissant un couteau pour défendre une malheureuse et belle guenilleuse, aux prises avec un gros vilain à moustache de Tartare.

Pas le temps d’admirer le chef-d’œuvre, nous voici dans l’entrepôt.

Quelqu’un referme la porte de tôle ondulée après notre passage et la voiture stoppe.

Mon mentor (cuit à point, puisqu’un mentor n’est jamais cru) m’enjoint (de culasse) de sortir. Ce dont j’obtempère.

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12

L’auteur a voulu dire « qui me harcèlent », très probablement, mais ce con écrit tellement vite !

Le directeur littéraire.