Une silhouette déboula soudain d’une ruelle, courant, protégée par un petit parapluie et s’arrêta à l’entrée du parking. Si minuscule qu’on aurait dit un enfant… Malko donna un coup de phares et aussitôt elle se dirigea vers lui.
Ce qu’il vit d’abord, c’est un petit mufle prognathe avec une énorme bouche repoussée en avant par les dents, des yeux rieurs et bridés, puis quand elle se tourna pour s’installer, une croupe ronde et callipyge… Katherine ne devait pas mesurer plus d’un mètre cinquante, mais c’était une bombe sexuelle. Elle se débarrassa de son ciré, découvrant un pull et une jupe noire avec des chaussures de tennis.
— We go, fit-elle d’un air inquiet. Police…[14]
Malko démarra, regagna Sungai Kianggeh qu’il descendit jusqu’à Jalan Mac Arthur et tourna à gauche, franchissant le pont menant à Kota Batu. La Singapourienne était recroquevillée sur son siège, muette. Malko parcourut trois ou quatre kilomètres, puis repéra sur sa gauche un chemin qui escaladait la colline. Il s’y engagea et finit par stopper sur l’aire d’une station-service fermée. Là, il ne risquait pas d’être dérangé… Katherine s’ébroua et Malko lui sourit.
— Merci d’être venue.
— Mr. Soon, very goodfriend, fit-elle. Dit que vous vouloir savoir choses sur miss Peggy.
— Vous la connaissiez ?
Elle inclina la tête vigoureusement.
— Oui, oui. Je fais chambre tous les matins. Miss Peggy très gentille, me donne toujours dollars, vêtements… Très belle, miss Peggy, beaucoup dollars. Cinéma à Hong-Kong.
Ses yeux brillaient d’admiration. Malko se demanda ce qu’elle pouvait lui apprendre.
— Vous savez pourquoi miss Peggy est à Brunei ? Katherine rit de bon cœur à cette question naïve.
— Pour les hommes, fit-elle. Venue avec Mr Khoo.
— Qui est Khoo ?
— Un monsieur qui amène toujours beaucoup femmes pour le Palais.
Un maquereau.
— Vous connaissiez l’homme qui a disparu, John Sanborn ?
Elle leva le pouce.
— Number one. Il venait souvent Sheraton, toujours très gentil avec moi. Il donnait dollars, je le retrouvais ici, comme vous.
— Ah bon ? Et pourquoi ?
— Ice cream, you like ?[15]
Katherine pouffa carrément, son petit museau levé vers lui. Son regard en disait plus long que toutes les paroles. Apparemment, le chef de station de la CIA disparu aimait bien l’Asie. Le silence de Malko fut mal interprété par Katherine qui, docilement, se pencha sur lui et commença à le caresser. Avant même de s’en rendre compte, elle s’était emparée de lui et l’engloutissait dans sa bouche. La pluie redoublait, les isolant totalement du monde extérieur Katherine se démenait comme un petit diablotin, agenouillée sur le siège voisin de Malko, jouant de la langue et des mains. Voilà ce que signifiait ice cream…
Essoufflée, elle s’arrêta un peu, leva la tête y Malko.
— Comment vous voulez ? Comme Tuan[16], John ?
Sans attendre la réponse, elle se retourna, remonta sa jupe, offrant sa croupe cambrée et nue en un geste sans équivoque… Comme Malko hésitait, elle envoya la main en arrière et tira le membre raidi vers son sexe. Ce n’était pas follement confortable, et même acrobatique, mais Malko s’y enfonça avec délices. Aussitôt, la petite Singapourienne se mit à onduler d’une façon démoniaque, donnant des coups de reins, les deux mains accrochées à la poignée de la portière pour ne pas perdre l’équilibre…
Elle stoppa brusquement quelques instants, retira le sexe et le plaça plus haut entre ses fesses fermes. C’eut été stupide de refuser. Malko plongea dans les reins offerts, avec une facilité qui en disait long sur les mœurs locales. Katherine l’avala sans coup férir, juste un petit gémissement, pépiant ensuite quelques obscénités en pidgin. Elle fit en sorte qu’il explose très vite dans ses reins complaisants…
La Toyota tanguait comme un voilier franchissant les Quarantièmes rugissants…
Katherine se dégagea avec grâce, fit le ménage à coups de kleenex et regarda Malko avec l’air d’un animal heureux.
— It was good ? demanda-t-elle anxieusement. Il n’y avait plus que chez les Chinois qu’on trouvait cette conscience professionnelle… Malko l’assura de sa complète satisfaction, se demandant soudain si le bon Lim Soon ne lui avait pas tout simplement réservé quelques moments de détente. Attention délicate qui ne pouvait guère faire avancer son enquête.
— Fifty dollars, annonça Katherine, revenant au business.
Malko donna l’argent et elle bâilla.
— I must go.
— Wait, fit-il. Tuan John, tu l’as vu souvent avec miss Peggy. Il faisait bang-bang avec elle.
Katherine secoua la tête en riant.
— Non, non, elle faisait bang-bang avec autre orang-putch[17]. Pilote du Sultan. Américain, habite Sheraton aussi. Grand homme.
Elle écartait les bras d’une façon comique… puis se frotta le ventre avec une grimace. Apparemment, elle avait aussi essayé celui-là… Malko cherchait ce qu’il devait encore lui demander.
— Tu as vu Tuan John le jour où il a disparu ?
— Oui, oui, il est venu, pas longtemps.
— Et ensuite ?
— Parti…
— Et miss Peggy ?
— Partie aussi…
— Ensemble ?
— Don ’t know.
Il mit en route, déçu. Katherine était en train d’étaler du rouge sur ses grosses lèvres.
Tout en manœuvrant, il demanda à tout hasard
— Tu n’as pas revu miss Peggy ?
La Singapourienne secoua la tête énergique
— Non, non, mais elle a téléphoné.
— Quoi ?
Il écrasa le frein si brutalement que sa voisine piqua du nez dans le pare-brise. Elle se redressa er riant, un peu effrayée.
Personne n’avait eu de nouvelles de Peggy Mei-Ling depuis sa disparition. La Singapourienne le fixait, étonnée.
— Quand a-t-elle téléphoné ?
— Je faisais chambre, expliqua Katherine, comme toujours onze heures le même jour. Miss Peggy toujours dormir beaucoup tard. Le téléphone sonner, je répondu. C’est miss Peggy. J’entends sa voix, puis homme parle. Il veut je prépare les valises de miss Peggy.
— Et ensuite ?
Malko bondissait de joie intérieurement. La petite Singapourienne ne se rendait pas compte de l’importance de ce qu’elle était en train de révéler. Si Peggy Mei-Ling avait appelé, où se trouvait-elle ? Le téléphone ne marchait pas entre Limbang et Brunei et à cette heure-là, Peggy Mei-Ling se trouvait théoriquement en avion avec John Sanborn.
— J’ai fermé valises, fit Katherine. Après on est venu les chercher
— Qui « on » ? Des étrangers ? Des Brunéiens ?
Elle baissa les yeux, effrayée.
— Police. Pas uniforme.
— Je ne dirai rien, promit Malko, en retrouvant la route goudronnée.
La pluie venait de cesser aussi brusquement qu’elle avait commencé. Il descendit les lacets, pensif. Il tenait enfin la preuve que la disparition de John Sanborn n’était pas ce qu’on avait dit. S’il n’était pas parti avec Peggy Mei-Ling, tout l’échafaudage tombait… Il y avait encore une minuscule chance que l’Américain ait fait prendre les valises par un complice. Ce qu’on allait lui opposer. Il sourit à la Singapourienne.
— Tu connais celui qui a pris les valises ?
— Pas le nom, mais souvent vu dans lobby. Travaille au palais, c’est police.