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— L’homme qui a tué la Singapourienne est un professionnel, souligna Malko. Est-ce que les Malais ont ce qu’il faut ?

Walter Benson fit la moue.

— Je ne pense pas. Ce sont des gens plutôt pacifiques. Dans la langue malaise, il n’y a même pas d’injures… Les seuls méchants ici ce sont les « boys » de Hamilton.

Malko sentit qu’il était à deux doigts de lui dire de laisser tomber.

— Je vais envoyer un télex urgent au State Department, dit-il. Ce que vous avez découvert change la face des choses. Ce sera à eux de décider. Et à la Company.

Malko haussa un sourcil.

— Que voulez-vous dire ?

L’Américain eut un sourire un peu triste.

— Nous entrons dans une zone de turbulence. Si John Sanborn a été assassiné c’est par des gens proches du Palais. Sans preuves en béton, nous allons droit à l’incident diplomatique grave… N’oubliez pas que je n’ai pratiquement aucun contact direct avec le Sultan.

Son entourage lui raconte ce qu’il veut… Si, comme c’est probable, il s’agit de quelqu’un très proche de lui, bonjour les dégâts…

— Je sais, avoua Malko. Mais il y a vingt millions de dollars en jeu et la mort d’un chef de station. Sans parler de cette malheureuse Singapourienne…

Le diplomate se versa une rasade de Johnny Walker, leva son verre avec un sourire cynique

— Vous connaissez l’ampleur du déficit budgétaire chez nous ? Quatre milliards de dollars. S’il faut payer vingt millions, c’est une goutte d’eau. Quant à ce pauvre John… il aura son nom sur une plaque de marbre. Cela vaut mieux que de se brouiller avec le sultan Hassanal Bolkiah. Washington décidera. En attendant, profitez de Brunei…

Il avait le sens de l’humour : d’énormes nuages toujours déversaient à nouveau des trombes d’eau, noyant Bandar Seri Begawan…

Il faut retrouver cette Peggy Mei-Ling, insista Malko. Vivante. Et qu’elle parle. Avec cela, on tiendra les coupables. Quels qu’ils soient…

Le diplomate vida son Johnny Walker d’un trait et claquer sa langue.

— Sauf si Langley et le State Department se secouent.

Visiblement, l’ambassadeur envisageait cette éventualité et commençait même à être embarrassé par la présence de Malko. Heureusement qu’il ne dépendait que de Langley. Il restait peut-être un allié. Lim Soon. Le petit banquier chinois ignorait probablement la mort de Katherine. Ça n’allait pas lui faire plaisir.

II régnait un froid glacial dans la City Bank grâce une climatisation déchaînée, contrastant avec le bain de vapeur extérieur. A l’expression de Lim Soon lorsqu’il ouvrit la porte de son bureau, Malko vit immédiatement qu’il savait pour Katherine. Le Chinois le fit entrer et referma la porte soigneusement. Son visage rond semblait s’être rétréci et ses petits veux noirs ne pétillaient plus.

— J’avais raison, fit-il d’une voix grave, empreinte de tristesse. Sur toute la ligne. Ils ne reculeront levant rien.

— Comment avez-vous appris ?

Il eut un pauvre sourire.

— Bandar Seri Begawan est une toute petite ville et nous, les Chinois, sommes très bien informés. Mais comme il n’y a pas de presse, le reste de la population n’en saura jamais rien.

Au Sheraton où elle travaillait on a dit qu’elle avait eu un accident de voiture et qu’on rapatriait son corps à Singapour.

— Vous savez aussi de quoi elle est morte ?

— Oui, un médecin chinois l’a examinée. Un poison violent utilisé par les Dayaks chasseurs de tête. Sans antidote. Ils s’en servent pour tuer les singes. Il agit par paralysie du système nerveux central. Et ne laisse que peu de traces…

— Qui a fait ça ?

Le Chinois alluma une cigarette, pensif.

— Pas un Dayak. Mais je sais que certains des hommes de Guy Hamilton ont appris à utiliser leurs sarbacanes. C’est pratique pour des éliminations discrètes. Ils s’en sont servis une fois contre un opposant politique. Evidemment, je n’ai pas de preuve. Vous avez vu quelque chose ?

— Un peu plus que voir, dit Malko. Ils ont voulu me tuer aussi.

Le Chinois écouta son récit, impassible, puis tira sur sa cigarette.

— Joanna avait raison, John Sanborn a été assassiné, conclut-il. Pas parce qu’il savait quelque chose, mais parce qu’il faisait un coupable idéal. Et Peggy Mei-Ling est toujours ici.

— C’est une Chinoise, remarqua Malko, vous ne pouvez pas la trouver ?

Lim Soon eut un sourire contraint.

— Une Chinoise de Hong-Kong, précisa-t-il. Nous ne parlons pas le même langage. De plus, si elle est encore à Brunei, elle est dans la beach-house du prince Mahmoud, une enceinte protégée où aucun Chinois n’a accès…

— Que pouvons-nous faire dans ce cas ?

Lim Soon tira longuement sur sa cigarette. Les yeux plissés, il ressemblait à un jeune Bouddha… Malko le sentait perturbé. Il parla enfin.

— La sagesse me commanderait de ne plus m’occuper de cette affaire, dit-il lentement. Cependant, je me sens en partie responsable de la mort de cette jeune femme. Une Chinoise comme moi. De plus, si nous pouvions affaiblir le pouvoir de la clique qui fait la loi autour du Sultan, cela serait excellent. Ce sont eux qui nous traitent comme des chiens. Donc, je vais vous aider…

— Comment ?

— Il y a une personne à voir. Jim Morgan, un des pilotes du Sultan. Il a été l’amant de Peggy Mei-Ling.

Il est américain, peut-être vous parlera-t-il… Mais faites très attention, vous avez vu à quel point ces gens sont dangereux.

— Il faudrait découvrir qui a tué John Sanborn et qui est la Chinoise qui a embarqué avec lui à Limbang. Car un couple s’est bien fait passer pour lui et Peggy.

— Vous avez sûrement raison, approuva Lim Soon, et je vais mener mon enquête. En attendant, allez donc voir ce pilote.

— Vous pensez que Hamilton est dans le coup ?

Lim Soon hocha la tête.

— Peut-être pas. Si la magouille part du Palais, il a pu être court-circuité. Par le Premier aide de camp ou le Chambellan. L’argent fait faire beaucoup de choses, Mr Linge.

* * *

Le Maillet, le bar du Sheraton, avait une allure bizarre avec son plafond en boiserie d’où pendaient de longs ventilateurs, ses sièges roses et le grand bar acajou. L’esquisse d’un décorateur allumé…

Malko s’approcha d’une des accortes serveuses Singapouriennes.

— You know Mr Morgan?

— Yes, yes.

Elle lui désigna un homme tassé dans un des box, en face du bar, attablé devant une énorme menthe l’eau. Un géant roux, avec des épaules de débardeur, des yeux bleus et une chemisette à manches courte Malko s’approcha.

— Jim Morgan ?

L’Américain leva la tête. Le regard pas vraiment clair et l’air furieux d’être dérangé.

— Yeah ?

— Mon nom est Linge, fit Malko. Malko Linge. Je suis envoyé par l’ambassadeur Benson pour vous parler.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Je suis le remplaçant de John Sanborn, j’enquête sur sa disparition.

Sans attendre d’y être invité, Malko s’assit commanda un café.

Le pilote eut un geste fataliste signifiant que n’était pas son problème. Malko insista.

— L’ambassadeur m’a promis que vous coopéreriez à mon enquête…

Son ton était suffisamment persuasif pour que l’Américain s’ébroue et consente à parler.

— Je connaissais à peine John, fit-il. Brave gars. OK. Je ne peux rien vous apprendre.

On apporta le café de Malko et il y laissa tomber deux morceaux de sucre.

— Peggy Mei-Ling, fit Malko, une très belle Chinoise qui habitait ici à l’hôtel. Ça vous dit quelque chose ?