— Et moi ? s’insurgea Mandy Brown.
— Tu viens aussi, bien entendu, dit Malko.
Peggy Mei-Ling était en train d’enfiler une robe chinoise. Il la poussa à peine habillée hors de la chambre. Mandy Brown les suivit.
Ils sortirent tous les quatre, gagnèrent le parking sous des trombes d’eau. Malko reprit sa place dans le coffre, hélas trop petit pour accueillir aussi Peggy. Celle-ci monta à l’avant avec Angelina Fraser et
Mandy Brown.
— Ils ne vont jamais nous laisser passer, murmura Angelina.
Recroquevillé dans le coffre, Malko était partagé entre l’angoisse et l’excitation. S’il ramenait Peggy Mei-Ling directement chez l’ambassadeur des Etats-Unis, elle ne risquait plus rien et il avait sa preuve vivante. Contre cela, le Sultan ne pourrait rien dire…
Le crissement du gravier sous les pneus lui mit du baume au cœur. Ils quittaient la beach-house.
Angelina Fraser freina, éblouie par le projecteur braqué sur elle. Un gurkah en uniforme vert barrait la route à la sortie de la beach-house. Un second s’approcha et se pencha sur elle, montrant du doigt Peggy et Mandy.
— They don’t go[27].
La jeune diplomate lui adressa un sourire désarmant.
— Nous allons seulement à Jerudong au Country Club et nous revenons. Son Altesse le prince Mahmoud nous a donné rendez-vous là-bas.
Visiblement, le mot « rendez-vous » n’appartenait pas au vocabulaire du gurkah : il secoua la tête et répéta d’une voix sans timbre
— I have no order. They don’t go.
Angelina sentait la sueur couler entre ses seins. Elle élargit encore son sourire.
— You ask the Palace on the telephone, please.
Ça, c’était un langage qu’il saisissait. Après une hésitation, il regagna le poste de garde, laissant l’autre gurkah derrière la voiture. Angelina avait déjà enclenché la première, prête à pulvériser la barrière, quand Peggy avertit d’une voix tremblante :
– Attention, ils vont nous tirer dessus. Ce sont des brutes.
Angelina pensa à Malko, recroquevillé dans le coffre. Les premières balles seraient pour lui. A cette distance, un projectile de M 16, ça ne pardonnait pas… Peggy Mei-Ling tremblait de tous ses membres. Mandy affichait un sourire figé. Le gurkah revenait, le visage fermé. II ouvrit la portière et lança d’une voix furieuse à Peggy
Vous restez ici ! J’ai joint le Pengiran Al Muta-ace Hadj Ali. Il est retenu au Palais, mais il envoie quelqu’un. Il exige que vous ne bougiez pas d’ici en attendant !
Il jeta un ordre à l’autre gurkah qui se plaça devant le capot de la voiture.
Qui envoie-t-il ? lança Angelina. Je n’ai pas de temps à perdre.
Mister Hodges, fit le gurkah, indifférent. Angelina sentit le sol se dérober sous ses pieds. Ils étaient piégés. Si Michael Hodges venait, il comprendrait tout de suite et fouillerait la voiture…
Chapitre XII
Inondé de sueur, Malko guettait les bruits de l’extérieur. Il n’avait pu saisir le sens des conversations, mais il se doutait bien qu’ils étaient arrêtés au poste de garde des gurkahs. La tuile. Il prêta encore l’oreille et entendit des pas lourds faire crisser le gravier. La voiture était entourée par plusieurs soldats. En plus, il ne pouvait ouvrir le coffre de l’intérieur ! A tout hasard, il arma doucement son Beretta 92 et fit monter une balle dans le canon. Pensant à Mandy et à Peggy. Si ça tournait mal, il prendrait le risque d’abattre les gurkahs de garde afin de permettre aux femmes de s’enfuir.
De façon à être prêt à sortir, il commença à se retourner pour faire face à la paroi arrière. C’était horriblement difficile, et il du se contorsionner comme un serpent. A un moment donné, son pied dérapa et heurta violement la tôle du coffre.
Il s’immobilisa, retenant son souffle. Un glapissement éclata presqu’aussitôt et la voiture fut violemment secouée ! Un des gurkahs avait dû entendre le bruit suspect. Une violente discussion et la voix véhémente d’Angelina qui protestait. Quelque chose se glissa soudain en la caisse et le coffre : la lame d’une baïonnette. On essayait de le forcer.
Ça allait tourner au massacre…
Beretta au poing, il attendit, le pouls à 150.
Angelina Fraser, liquéfiée de terreur, serrait dans sa main les clefs que tentait de lui arracher le sergent gurkah, afin d’ouvrir le coffre. Heureusement, ce dernier était quand même intimidé par les demandes réitérées de la jeune femme d’appeler le prince Mahmoud.
Le second gurkah, M. 16 braqué sur le coffre, fixait sombrement la tôle ayant renoncé à l’ouvrir… Soudain, deux phares apparurent. Une Range-Rover qui stoppa en travers de la route. Michael Hodges en descendit. Impassible à son habitude. La Chinoise murmura à Angelina
— C’est lui qui a tué John Sanborn.
A peine le Britannique se fut-il approché qu’Angelina, rassemblant tout son courage, le héla d’une voix arrogante
— Mister Hodges, ces hommes nous retiennent depuis une demi-heure. Nous avons rendez-vous au Country Club avec son Altesse le prince Mahmoud.
En le voyant, Peggy Mei-Ling s’était ratatinée. Mandy Brown l’examinait avec curiosité : les hommes ne l’avaient jamais intimidée…
Michael Hodges ne cilla pas, ne s’attendant pourtant pas à trouver Mandy Brown dans la voiture. C’était la première fois qu’il la voyait, mais Al Mutadee Hadj Ali lui en avait parlé. Ainsi, elle semblait avoir partie liée avec Angelina Fraser. Ce n’était pas innocent d’essayer de faire sortir Peggy Mei-Ling de la beach-house. Tout cela sentait le coup fourré.
— Miss Mei-Ling et l’autre personne doivent rester ici, dit-il calmement, ce sont les instructions formelles de Son Altesse le prince Mahmoud. Puisque vous avez rendez-vous avec Son Altesse au Country Club, allez le rejoindre. Demandez-lui d’envoyer son chauffeur chercher ici ces personnes. De cette façon, il n’y a pas de problème.
Il souriait, d’un sourire froid de cobra et, tout en parlant, avait ouvert la portière. Il tira d’abord à l’extérieur Peggy Mei-Ling qui ne résista pas. Toujours souriant, mais ses doigts s’enfonçaient cruellement dans sa chair. Ensuite, ce fut le tour de Mandy Brown qui n’en menait pas large.
— Vous pouvez partir, lança Hodges à Angelina.
Il claqua la portière fermement et lança un ordre au gurkah placé devant le véhicule, qui s’écarta aussitôt. La barrière se leva. Angelina, les mains tremblantes, mit le contact et le moteur rugit… Au même moment un des gurkahs s’approcha de Hodges et lui parla à l’oreille. La jeune femme passait déjà la première… Heureusement.
Dans le rétroviseur, elle aperçut Michael Hodges qui courait vers sa Range-Rover.
Elle écrasa l’accélérateur, le cerveau vide. Fonçant sur la route traversant Jerudong Park. Elle avait environ quatre kilomètres à parcourir avant de rejoindre la grande route de Tutong, où elle se sentirait plus en sécurité. Elle jeta un coup d’œil dans le rétroviseur : la Range-Rover se rapprochait et quelque chose dépassait de la portière avant gauche. Un choc sourd qui ébranla la voiture ! Michael Hodges, penché à l’extérieur, tirait sur Angelina avec une carabine ! Paniquée, la jeune femme gémit toute seule de terreur. Elle n’atteindrait pas la route. Sur sa droite surgit le bâtiment abritant le manège. Il était éclairé par de puissants projecteurs et une douzaine d’entraîneurs argentins tournaient sur leurs montures. Un autre coup sourd dans la carrosserie. Angelina poussa un gémissement comme si elle avait été touchée. Coupant à travers le terrain de polo, elle bifurqua, pénétra dans le manège, affolant les chevaux et finit par s’arrêter au beau milieu. Un des Argentins maîtrisa de justesse sa monture et reconnut Angelina. Celle-ci venait de jaillir de la voiture, visiblement terrifiée.