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— Malko ?

— C’était Angelina Fraser.

— Que se passe-t-il ?

La jeune femme mit plusieurs secondes à répondre.

— Hier soir, quand je t’ai quitté, j’avais rendez-vous avec Hadj Ali… Chez moi.

— Je sais, fit Malko. C’est pour ça que tu me téléphones à cette heure-ci ?

— Non, dit-elle. Il était furieux que nous ayons dîné ensemble. Dans sa rage, il m’a dit que ce serait la dernière fois, parce que tu allais être expulsé aujourd’hui…

Une coulée glaciale descendit le long de sa colonne vertébrale.

— Je te remercie, fit-il. Je vais essayer de prendre mes dispositions.

Il raccrocha. Trois minutes plus tard, il était habillé. Et une minute de plus, il descendait par l’escalier extérieur d’incendie qui débouchait sur le parking du Sheraton. Il se mit au volant de sa Toyota et s’éloigna vers le centre.

* * *

Walter Benson, l’ambassadeur des Etats-Unis, arborait une tête d’enterrement. Pendu au téléphone depuis qu’il avait trouvé Malko l’attendant dans l’antichambre de son bureau… Il tentait d’obtenir des informations sur l’expulsion par un de ses amis au ministère des Affaires étrangères.

Il raccrocha et fixa Malko, l’air grave.

— C’est vrai. Vous êtes sous le coup d’un arrêté, d’expulsion. Pour vous être immiscé dans les affaires intérieures du Sultanat, sans l’autorisation des responsables locaux de la Sécurité. Une équipe de la Special Branch vous guette au Sheraton, afin de vous emmener à la prison de Jarulong, en attendant qu’on vous mette dans un avion.

Chapitre XVII

Malko s’attendait depuis l’avertissement d’Angelina à cette ultime catastrophe.

— Vous ne pouvez pas vous y opposer ? demanda-t-il.

— Non. Bien entendu, j’ai demandé une audience au ministre des Affaires étrangères pour protester, mais je ne l’obtiendrai que dans une semaine.

— Pensez-vous que le Sultan soit au courant ?

— Peut-être pas, mais il couvrira.

— Je ne peux pas partir, dit Malko, je suis sur le point d’aboutir et Mandy Brown est toujours séquestrée et en danger de mort.

Walter Benson baissa la tête, dessinant sur son buvard.

— Vous me mettez dans une situation délicate, soupira-t-il. Depuis le début j’ai prévenu le State Department que cette affaire était pourrie, qu’on n’arriverait à rien. Il valait mieux payer les vingt millions de dollars et oublier. Passer la mort de John Sanborn aux profits et pertes. Quitte à se venger plus tard. Vous avez fait de votre mieux, l’impossible même, avec comme seuls résultats des pertes de vie humaine et la situation incroyable de Mandy Brown.

— Si je suis expulsé, elle reste le seul témoin. Elle a recueilli la confession de Peggy Mei-Ling. Quand Mahmoud la laissera, les gens de Michael Hodges s’arrangeront pour la liquider. Comme John Sanborn, Peggy Mei-Ling très probablement, et Lim Soon. Ce n’est pas vous qui les en empêcherez… Donc, je ne pars pas.

Il sentait le diplomate vaciller devant sa détermination.

— Ecoutez, Malko, fit Walter Benson, vous dites être au bord de la réussite, mais j’ai entendu cela plusieurs fois. Ces chèques…

— Je dois les obtenir à nouveau ce soir, si tout passe bien.

L’ambassadeur poussa un profond soupir.

— Il n’y a qu’une solution pour gagner quelques heures. Je vous prends sous ma protection en vous emmenant chez moi.

L’immunité diplomatique n’est pas un vain mot ici. Mais je risque un incident grave. Alors, il faut réussir.

Malko était touché. Cependant, ce n’était encore suffisant.

— Merci, dit-il. Mais il va falloir faire encore plus. Je dois aller à mon rendez-vous. Pour cela, j’ai besoin de votre voiture. Qui est également protégée par l’immunité diplomatique.

— Où est ce rendez-vous ?

— Au parking de Jalan Cator. Ensuite, j’irai chez vous. Si je n’obtiens rien, vous m’accompagnerez l’avion demain matin.

Un silence interminable, puis l’ambassadeur USA hocha la tête.

—        Bien. J’espère que vous ne me coûterez pas poste.

Malko l’aurait serré sur son cœur. Avec un diplomate de carrière, jamais il n’aurait obtenu une faveur. Walter Benson se leva.

— Venez, nous allons descendre ensemble. La voiture est au parking.

* * *

La Buick de l’ambassadeur émergea du parking dans Jalan Mac Arthur et tourna à gauche pour rattraper Jalan Pemancha. Le diplomate au volant, Malko à côté de lui. La voiture immatriculée « CD » était en principe intouchable. Ils n’avaient pas parcouru vingt mètres que Walter Benson jeta un coup d’œil dans le rétroviseur et lança à Malko d’une voix altérée

— On nous suit ! Une Range-Rover beige.

Malko vérifia d’un coup d’œil en se retournant. C’était logique, Michael Hodges l’avait raté à sa sortie du Sheraton et avait dû foncer à l’ambassade.

Ils sortirent de Bandar Sen Begawan, la Range Rover sur leurs talons. Elle ne les lâcha que devant la résidence de l’ambassadeur.

— Ils vont croire que vous déjeunez avec moi, dit ce dernier. Cela ne les alerte pas encore.

La cuisinière malaise leur servit le repas. Ils expédièrent un nasi-goreng trop épicé et le diplomate regarda sa montre.

— Je dois retourner au bureau. Que faites-vous ?

— Il faut vérifier si la Range n’a pas décroché, dit Malko. Je vais aller voir.

Il sortit dans le jardin, examinant la route à travers la haie. La Range beige était toujours sur le parking d’une station d’essence. Une grande antenne radio sortait du toit. Il revint dans le living où le diplomate allumait son troisième cigare de la journée.

— Ils sont là, annonça-t-il. Je ne vois qu’une seule solution. Je vais me cacher dans le coffre de votre voiture. Ils penseront ainsi que j’ai trouvé refuge chez vous. Si on vous interroge, vous confirmez. J’attendrai jusqu’à l’heure de mon rendez-vous dans le parking de l’ambassade.

* * *

Plusieurs messages s’empilaient sur le bureau de Walter Benson, dont un urgent. Il émanait du Police Commissioner. Le diplomate le rappela. Il rencontrait souvent le Brunéien, grand joueur de golf, sur le parcours de Kota Batu. Ce dernier fut d’une politesse exquise. Après toutes les circonlocutions d’usage, il lui annonça qu’il recherchait un citoyen autrichien, un certain Malko Linge, travaillant pour les services américains, et qui s’était rendu coupable de différents délits. Il prévenait l’ambassadeur par correction, étant donné leurs liens d’amitié. Walter Benson fut très sec.

— Pengiran, dit-il avec toute l’onction nécessaire. Cet homme travaille pour une importante agence fédérale. Il semble avoir découvert des faits troublants et je ne m’explique pas l’attitude du ministère des Affaires étrangères. Aussi lui ai-je donné asile dans ma résidence, en attendant que cette affaire soit éclaircie… J’ai demandé à Son Altesse Hadj Hassanal Bolkiah une audience que j’espère obtenir très vite…

Le Brunéien était bien évidemment déjà au courant de la présence de Malko chez le diplomate car il n’émit aucune observation, se contentant de faire remarquer qu’il s’agissait d’une affaire grave et qu’il ne fallait pas que les relations entre les deux pays s’en ressentent.

Menace à peine voilée.

Benson grinçait des dents intérieurement.

— Je suis certain que tout se terminera bien, conclut-il.