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— Tout s’est bien passé ? demanda-t-il.

Quasiment certain de la réponse. Au blanc qui suivit, il sentit tout de suite que les nouvelles n’étaient pas bonnes. Pour qu’un homme comme le mercenaire britannique hésite à parler…

— Non, Pengiran.

Nouveau blanc. Le Premier aide de camp sentit sa chemise se coller à sa peau. Depuis le matin, tout marchait mal. Il n’avait pas trouvé l’agent de la CIA au Sheraton comme il le pensait. Une seule personne pouvait l’avoir prévenu : Angelina auprès de qui il s’était vanté la veille au soir… Pris d’une rage aveugle, il cria dans l’appareil.

— Que s’est-il passé ?

— Il a échappé à mes deux hommes, expliqua le mercenaire. L’un d’eux est grièvement blessé, la hanche fracturée. Il l’a renversé avec sa voiture avant de s’enfuir.

— Où est-il ?

— Il s’est réfugié chez l’ambassadeur. Avec la Chinoise de la banque.

Hadj Ali eut l’impression que son sang se figeait dans ses veines.

— Elle avait les documents ?

— Nous l’ignorons, répliqua le mercenaire. Mais c’est probable. Sinon elle ne lui aurait pas donné rendez-vous.

Tout cela parce que cette garce d’Angelina l’avait prévenu ! Hadj Ali alluma une cigarette, fixant le téléphone rouge devant lui. Où était le Sultan ? Sans doute dans sa chambre en train de jouer avec ses maquettes d’avion. Ou en route pour le palais de la Seconde épouse… Il écrasa sa cigarette à peine entamée dans le cendrier.

— Mr Hodges, ordonna-t-il, foncez chez l’ambassadeur des Etats-Unis. Liquidez l’agent des Américains et cette Chinoise et récupérez les documents.

Il y eut un grand blanc, puis la voix quand même altérée du mercenaire lâcha

— Impossible, Pengiran !

— Pourquoi impossible ? hurla le Brunéien, au comble de la fureur. Cet homme est un criminel. Je vous ferai couvrir par Sa Majesté… L’ambassadeur des Etats-Unis est son complice.

— On ne peut rien faire, répéta le mercenaire, têtu, il          est protégé par l’immunité diplomatique. Nous devons attendre qu’il sorte.

— Ce sera trop tard, il faut les liquider tout de suite.

— Je ne peux pas, Pengiran.

C’était clair. Le Brunéien sentit qu’il ne ferait pas céder Michael Hodges par la menace. Il essaya autre chose.

— Mr Hodges, dit-il, si cette affaire éclate, vous savez ce que vous risquez ?

— J’ai obéi aux ordres, cingla le mercenaire. Je n’ai pas peur. Moi je n’en ai tiré aucun profit. Et je trouverai toujours l’occasion de me sauver… Je suis désolé.

Brutalement, le Premier aide de camp raccrocha sans lui laisser le temps de continuer. Réalisant qu’il était en train de tisser la corde pour se pendre.

Fébrilement, il composa le numéro de Guy Hamilton. Cela sonna longuement puis la voix pâteuse du Britannique fit « allô ».

— C’est moi, Hadj Ali, annonça le Premier aide de camp. Il faut que je vous parle immédiatement. Pouvez-vous venir au palais ?

— Je ne me sens pas bien, balbutia l’ancien patron du MI 6. Que se passe-t-il ? Toujours ce bastard d’agent des Américains ? Il faut le liquider.

— Michael Hodges refuse. Donnez-lui des ordres vous-même. Si vous pouvez le trouver.

— Je m’en occupe. Je vous rappelle.

Hadj Ali raccrocha et alluma une autre cigarette. La pluie tapait sur les vitres blindées et le Palais était silencieux. Il réalisa qu’il allait être en retard à un cocktail au Jerudong Country Club où Angelina l’attendait. Il eut le temps de fumer un demi-paquet de cigarettes avant que le téléphone ne sonne.

— Nous avons un sérieux problème, annonça Guy Hamilton. J’ai parlé à Michael, je pense qu’il a raison. Il ne peut pas faire ce que vous lui demandez. Cela déclencherait un incident diplomatique de première grandeur avec les Etats-Unis. Sans garantie de succès. Il vaut mieux agir demain.

— Ce sera trop tard.

Hadj Ali se retrouvait seul et bien seul. L’ambassadeur des Etats-Unis allait demander une entrevue officielle au Sultan, via le ministère des Affaires étrangères. II pouvait gagner un peu de temps, pas beaucoup, mais il lui était impossible d’empêcher le Sultan de rencontrer le diplomate. Si ce dernier venait avec les chèques, la carrière et peut-être la vie d’Al Mutadee Hadj Ali étaient terminées. Il lui restait une possibilité : s’enfuir tout de suite à Singapour où se trouvaient ses affaires. Avec ce qu’il avait volé, il pouvait vivre tranquille le restant de ses jours. Seulement il craignait le poids financier du Sultan de Brunei. Si ce dernier se déchaînait, personne n’oserait lui tenir tête…

Etourdi, il regarda sa montre. Angelina devait l’attendre.

La rage le saisit à nouveau. Si elle n’avait pas prévenu l’agent des Américains, tout serait en ordre…

Il quitta son bureau, laissant tout allumé, sans prendre le « bip » sur lequel l’appelait le Sultan.

Le temps d’arpenter les couloirs semés de gurkahs en tenue verte, il sautait dans sa Ferrari grise et prenait la route de Jerudong.

* * *

Angelina Fraser était super sexy dans une jupe de cuir blanc bien ajustée sur ses fesses nerveuses et un pull de même couleur moulant sa poitrine aigue. Les cheveux tirés, on ne voyait que sa grosse bouche et ses yeux à l’expression provocante. Un verre de Dom Perignon à la main, elle bavardait près du buffet avec le jeune ambassadeur allemand. Hadj Ali eut brutalement chaud au ventre en la voyant. Elle était toujours aussi désirable, en dépit de ce qu’elle lui avait fait…

Le sourire éblouissant qu’elle lui adressa le mit en transes. Sans doute pour s’amuser, elle portait des bas noirs à couture, moulant ses jambes un peu fortes de cavalière et ses habituels escarpins de douze centimètres.

— Ali, tu es en retard !

Elle lui prit la main et la serra très fort, les yeux dans les yeux. Le Brunéien s’aperçut qu’elle ne portait pas de soutien-gorge. Les pointes de ses seins se dessinaient sous la laine et cela augmenta son désir. Au garçon penché sur lui, il réclama

— One orange juice special.

C’est à dire 10 % de jus d’orange et 90 % de Johnny Walker… Quand il y avait des étrangers à Jerudong on servait de l’alcool, mais les pengirans n’en buvaient pas officiellement.

On lui apporta son breuvage qu’il vida presque d’un coup son estomac s’enflamma. Discrètement, l’ambassadeur d’Allemagne s’éloigna. Aussitôt, Angelina minauda, le frôlant de sa hanche gainée de cuir,

— Je croyais que tu n’allais pas venir… Tu n’as plus envie de moi ?

Il l’aurait bien prise séance tenante pour lui prouver le contraire. Le contraste de la jupe blanche et des bas noirs l’affolait. Ce soir, elle semblait particulièrement chargée d’érotisme.

— Emmène-moi, dit-elle, c’est mortel ici. Il paraît que le Sultan ne viendra pas. Tu peux disparaître.

De fait, la plupart des invités étaient en train de s’éclipser. Ils montèrent au premier où l’orchestre philippin jouait languissamment pour un parterre clairsemé.

Il se fit servir un second « special orange juice »qu’il but aussi vite. La tête commençait à lui tourner. Tantôt, il avait envie d’étrangler Angelina, tantôt de la violer sur-le-champ. Mais il n’arrivait pas à déconnecter la machine infernale qui faisait tic-tac dans sa tête. Il était probablement en train de vivre ses dernières heures de liberté.

— Tu viens ? insista Angelina.

— Allons chez toi, dit-il.

Elle ne protesta pas. Ils prirent chacun leur voiture. Vingt minutes plus tard, ils stoppèrent devant la maison des Fraser. Arrivé dans le living, Hadj Ali se jeta sur Angelina. Elle savait éveiller le désir d’un homme, rien qu’avec ses yeux. Hadj Ali posa une main entre les genoux et remonta le long des bas. La jupe était si étroite qu’il avait du mal à progresser et cela fit pouffer Angelina. Elle la fit glisser vers le haut et Hadj Ali découvrit qu’elle n’avait rien dessous.