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Mais pourquoi l’avait-il tuée ?

Surtout de cette façon horrible. Cela ressemblait à une vengeance sexuelle. Il était ressorti de la villa, bouleversé, horrifié. Depuis la résidence de l’ambassadeur ils avaient été suivis par des hommes de Michael Hodges, qui n’avaient rien tenté.

Peut-être à cause des quatre « Marines » d’escorte. Et maintenant, Malko ne craignait plus d’être mis hors circuit : l’ambassadeur était en possession des preuves compromettant Hadj Ali.

L’ambassadeur, toujours au téléphone, lui adressa un signe discret.

— On va vous passer le Pengiran Al Mutadee Hadj Ali, venait d’annoncer une voix suave.

Evidemment, tous les rendez-vous étaient pris par le Premier aide de camp du Palais… Quelques cliquetis et il entendit la voix jeune et claire de Hadj Ali. Très affable.

— Monsieur l’ambassadeur, que puis-je faire pour vous ?

— Pengiran, j’ai demandé une audience à Sa Majesté le Sultan de toute urgence, expliqua Walter Benson. Le ministre des Affaires étrangères m’a donné son accord, il me reste à arranger avec vous la date et l’heure.

— Parfait, Excellence, approuva le Brunéien. Sa Majesté le Sultan va partir en Europe, voulez-vous que nous fixions une date pour son retour ? Disons-le…

Le diplomate le coupa.

— Impossible, Pengiran. Je dois voir Son Altesse avant son départ. Il s’agit d’une affaire extrêmement importante et urgente.

— Puis-je vous demander de quoi il s’agit, afin que j’en avise Sa Majesté ?

Le ton commençait à se tendre.

— Certainement, répliqua Walter Benson. J’ai de nouveaux éléments sur l’affaire des vingt millions de dollars. Je pense même l’avoir résolue.

Silence au bout du fil puis le Premier aide de camp remarqua d’une voix assez caustique

— Je ne sais pas si Sa Majesté a envie de discuter de ce problème tant que le principe du remboursement n’est pas accepté par vous. Sa Majesté a de nombreuses occupations.

— Je vous ai dit avoir de nouveaux éléments, fit sèchement l’ambassadeur des Etats-Unis. Précisément les chèques tirés par Sa Majesté qui montrent de toute évidence qui en est le bénéficiaire. Si je ne pouvais rencontrer Sa Majesté je me verrais obligé de les communiquer à Son Excellence le ministre des Affaires étrangères…

Autrement dit, le frère du Sultan. C’était tomber de Charrybe en Scyhla… Hadj Ali comprit que le baroud d’honneur était terminé. Il reprit son ton le plus mondain pour affirmer

— Je vais soumettre dans ce cas une demande d’audience à Sa Majesté pour demain. Je vous rappellerai dans la journée.

Il raccrocha, le cerveau en bouillie. L’étau se resserrait. Il ne lui restait plus qu’une carte désespérée à jouer : le chantage. Mais il n’avait plus une minute à perdre. Il appela sa secrétaire.

— Si Sa Majesté me réclame, dit-il, faites-lui savoir que j’ai dû me rendre à Jerudong pour une affaire urgente qui me prendra une heure environ.

A cette heure, le Sultan dormait encore dans son lit de cinq mètres sur cinq. Insomniaque, il se levait toujours tard, sauf les jours de réception officielle.

Il composa le numéro intérieur de la Special Branch et demanda Michael Hodges. Le Britannique s’y trouvait.

— Aucune nouvelle encore, annonça-t-il. Mes hommes surveillent l’ambassade américaine.

— Très bien, fit Hadj Ali, distraitement. Rejoignez-moi au garage, je vous emmène à Jerudong. Nous avons un problème à régler.

Chapitre XIX

Le gurkha de garde à l’entrée de la beach-house se dressa sur la chaussée devant la Ferrari grise qui venait de piler devant lui. Au garde-à-vous, il salua le Premier aide de camp qui en jaillissait. Ce dernier l’apostropha.

— Ouvre cette barrière.

Le gurkha obéit aussitôt.

— Son Altesse le prince Mahmoud n’est pas ici…

— Je viens chercher Miss Brown, l’invitée de Son Altesse, pour la conduire au palais, fit le Premier aide de camp avec sécheresse.

Le gurkah courut au poste de garde et décrocha le téléphone intérieur. A force de négociations, Mandy avait réussi deux choses : que sa porte ne soit plus fermée à clef et qu’on installe un téléphone dans sa chambre.

— Datin, annonça-t-il respectueusement, préparez-vous. On vient vous chercher pour vous emmener au palais.

Mandy Brown, en petite culotte, resta la brosse à dents en l’air. Jamais Mahmoud ne l’appelait le matin. Elle se douta immédiatement de quelque chose d’anormal.

— Qui ?

— Le Pengiran Al Mutadee Hadj Ali, Premier aide de camp de Sa Majesté le sultan Bolkiah… Avec M. Michael Hodges.

Il aurait débité ainsi des kilomètres de titres.

Mandy Brown sentit sa gorge se nouer. La présence de Michael Hodges ne lui disait rien qui vaille. Impossible de joindre Mahmoud, retranché dans son palais. Elle était livrée à elle-même. Brutalement ce bungalow isolé lui parut un havre de sécurité inouï. Tout en gardant l’appareil, elle fit un prodigieux effort de réflexion et dit de sa voix la plus naturelle.

— Très bien, envoyez-moi une femme de chambre, j’ai une robe à repasser.

Elle raccrocha, arracha le fil du téléphone, enfila en un temps record un pantalon et un chemisier et se posta derrière la porte. Moins d’une minute plus tard, on frappa et le battant s’ouvrit sur une des Philippines du service. Celle-ci n’eut pas le temps de réaliser ce qui arrivait. Mandy Brown l’attrapa par ses longs cheveux, la projetant au milieu de la pièce. L’autre stupéfaite poussa un cri de souris, Mandy s’était déjà ruée dans le couloir, refermant derrière elle la Philippine était coincée. Pas de téléphone et la porte verrouillée.

En trente secondes, elle fut dans l’ancienne chambre de Peggy Mei-Ling, et décrocha le téléphone. Miracle, il y avait de la tonalité ! Et même un annuaire à côté. Fébrilement, elle composa le numéro du Sheraton.

Pas de Malko. Il avait quitté l’hôtel. Mandy Brown eut l’impression de recevoir une douche glaciale. Ce salaud l’avait laissée tomber. Il ne lui restait qu’un seul recours. Cette fois, elle composa le numéro de l’ambassade américaine. Dès qu’elle obtint une secrétaire, elle aboya dans le combiné

— Passez-moi l’ambassadeur et vite ! De la part de Mandy Brown.

L’attente de nouveau, puis une voix qu’elle connaissait bien.

— Mandy ! Où es-tu ?

— Malko !

Elle en aurait pleuré de joie.

— Ecoute, fit-elle, je ne sais pas ce qui se passe. Il y a ce type, tu sais Hadj Ali, il est à la grille de la beach-house et il vient soi-disant me chercher pour m’emmener au palais. Qu’est-ce que…

— N’y va pas ! s’exclama Malko.

En une fraction de seconde, il venait de comprendre le plan désespéré du Premier aide de camp. Kidnapper Mandy Brown pour l’échanger contre les preuves accablantes que Malko détenait contre lui. Et la négociation ne se ferait sûrement pas dans la dentelle.

— Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ? supplia Mandy.

Ils sont là tous les deux, avec cette ordure de Michael Hodges, le type qui a sûrement bousillé la Chinoise…

Malko resta muet quelques secondes. Impossible de pénétrer dans la beach-house, il allait se faire tirer à vue par les gurkahs.

Il lui fallait un allié : le Sultan et son frère, c’était hors de question. Il n’existait qu’une seule possibilité.

— Enferme-toi, gagne du temps, dit-il, je vais venir. Surtout, ne les laisse pas t’emmener…

A peine eut-il raccroché qu’il se tourna vers l’ambassadeur.