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Allégé, light, minceur, aromatisé,

arôme chimique ou artificiel

Comme leurs noms le suggèrent et comme le marketing et la publicité vous y encouragent, vous imaginez que ces produits-là sont pauvres en matières grasses. Le yaourt standard en contient au maximum 4 %. Sur les yaourts les plus riches, la différence se joue à une dizaine, voire à une vingtaine, de calories. Effet light, placebo, leurre, réussi ! Bravo les gars, bien joué ! Un inconvénient, toutefois, quand on retire une certaine quantité de graisses, même infime, on perd de la texture. Qu’est-ce qu’on fait ? Certains remplacent le taux de matières grasses par des glucides. Ni vu, ni connu, je t’embrouille, personne ne lit les étiquettes. Vous avez acheté un yaourt moins bon, plus cher, et surtout, qui n’est pas moins calorique. Autrement dit, le contraire de l’opération que vous avez voulu mener. C’est de la belle arnaque, non ?

Malheureusement, ce n’est pas la plus spectaculaire. Les yaourtiers ont fait mieux ! Poussons notre caddie un peu plus loin dans le rayon : à côté des allégés apparaît une autre catégorie. Ceux-là, on les range sous la bannière des « alicaments ». Tout le monde s’intéresse à sa santé, mais dire que « le yaourt est bon pour la santé », c’est pousser le bouchon un peu loin, pis, affirmer qu’il va « guérir les écrouelles », c’est le pousser beaucoup trop loin. Il est peut-être temps de cesser de prendre les consommateurs pour des cons. La fête du yaourt-santé a duré une quinzaine d’années, pendant lesquelles les leaders du secteur ont allègrement surfé sur la vague, faisant progresser leurs business de 5 % par an. Petit à petit, ces affirmations ont été comparées à de la publicité mensongère. On a commencé à se demander si les arguments apportés n’étaient pas que des supputations marketing, sans fondements scientifiques réels.

Racontons maintenant, si vous le voulez bien, l’histoire exemplaire d’Actimel (lait fermenté). Un beau jour de 1997, Danone, leader mondial des produits laitiers, lance Actimel, un lait fermenté contenant un ferment breveté par Danone, le Lactobacillus casei Danone. Les marketeurs et les publicitaires du géant de l’industrie n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère. L’imagination a été sans limite. Lisez les slogans : « Grâce à ces milliards de ferments exclusifs L. casei Danone Actimel vous aide à bien commencer la journée », « aide votre corps à lutter contre certaines agressions du quotidien », et « aide à la régulation du système immunitaire ». Et puis, patatras ! Toutes ces belles allégations santé autour de ce produit ont été retoquées par l’EFSA (l’autorité européenne de sécurité des aliments). Quel camouflet pour le leader mondial du yaourt. Pour la première fois de son histoire, et rapidement, il lui a fallu rétropédaler et supprimer ces allégations de ses publicités. Il a fallu treize ans pour prendre cette décision promue comme énergique, mais malgré tout peu médiatisée. L’effet escompté n’a pas eu lieu, et le consommateur a peu changé ses habitudes. Certes, les témoignages de femmes de moins de 50 ans, qui vantaient les effets bénéfiques de ces yaourts sur leur digestion, n’encombrent plus les écrans publicitaires, mais ces spécialités laitières existent toujours. Il y a maintenant une réglementation européenne qui stipule que les arguments comme « réduit le cholestérol », « lutte contre le vieillissement » ou « facilite la digestion » doivent être validés auprès de l’EFSA. Le groupe Danone s’est entêté, mais sans succès, sur les yaourts-santé. La collection Activia, Actimel, et Danacol méritait bien qu’on y ajoute un quatrième ou un cinquième produit avec des allégations plus atténuées, mais toujours aussi contestables : le lancement du yaourt Essensis, « un nutri-cosmétique » — chic, non ? — , était censé « nourrir la peau de l’intérieur ». Quelle était bonne, cette idée ! Seulement elle n’a pas fonctionné, il a fallu renoncer. La dernière création, Densia, le yaourt « qui aide à garder des os solides », bien ciblée — ménagères de 50 ans —, n’a pas convaincu non plus. Les marques alimentaires semblent avoir compris, elles font maintenant profil bas sur la santé. Quant aux consommateurs, pas si naïfs que ça, ils se sont rendu compte que des produits à des prix plus élevés (créant des marges fortes) n’avaient pas forcément plus d’intérêt que des produits standard, et qu’aucune efficacité n’était prouvée. Ils s’en sont détournés.

Pas d’inquiétude pour Danone, qui reste la marque préférée des Français.

Une autre catégorie de yaourt se vend bien, celle des yaourts aromatisés. Arôme. Le vilain mot est lancé. Les arômes sont les cache-misère de l’agroalimentaire. Arrêtons de prendre les vessies pour des lanternes, éclairons. Prenons un exemple : vous achetez un yaourt à l’abricot, sur le packaging, une belle photo d’un abricot coloré, juteux… de l’envie. Ce yaourt est estampillé d’une mention : arôme naturel. Spontanément, vous imaginez que le parfum de votre produit laitier a été confectionné à partir d’un abricot cueilli mûr. Erreur ! « Arôme naturel » veut simplement dire que ce dernier n’a pas été obtenu chimiquement mais à partir de micro-organismes, autrement dit des êtres vivants, tout comme les plantes ou les animaux, mais microscopiques. Ces arômes naturels peuvent être fabriqués également microbiologiquement à partir d’enzymes de levure, ou même de bactéries telles que les moisissures ou les champignons. Ces substances ne sont pas toujours extraites de la matière première dont elle est supposée avoir le goût. Vous comprenez donc que le terme « naturel » signifie seulement et uniquement qu’il s’agit d’une substance biologique. Si on le sait, tout devient clair. On ne se laisse pas berner !

Pourquoi, alors, si on précise « arôme naturel », ne précise-t-on pas « arôme chimique » ? Dans le yaourt, on utilise beaucoup d’arômes extraits de plantes et d’arômes issus de synthèse chimique. Exemple célèbre : la vanilline de synthèse. Les arômes de synthèse sont donc fabriqués exclusivement de manière chimique, à la différence des arômes dits naturels, tout en ayant les mêmes propriétés que celui-ci. Autrement dit, la vanilline n’est qu’une imitation synthétique du parfum de la vanille mais la structure chimique est la même. Ils n’ont qu’un avantage — tellement bienvenu pour les industriels —, ils coûtent moins cher et freinent considérablement le développement de la culture de la vanille aux Comores, à la Réunion, ou à Madagascar, mettant ainsi en péril de nombreux petits producteurs.

Dois-je vous donner un autre exemple ? Au hasard, l’arôme de banane. Celui-là est dû à un mélange de plusieurs espèces chimiques, dont l’acétate d’isoamyle. Les molécules d’acétate d’isoamyle synthétique sont fabriquées en laboratoire et sont exactement identiques à celles qu’on peut extraire de la banane. Le prix de revient de la première est nettement moins cher que le prix de revient de la seconde. CQFD.