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JEANNE

L’influence du château.

GERMAINE

Comment ?

JEANNE

Dame ! Posséder le château de Charmerace et s’appeler mademoiselle Gournay-Martin, ça n’est pas la peine.

MARIE, sur un ton de plaisanterie.

N’empêche, que d’impatience, mademoiselle Germaine, pendant ces sept ans, a failli se fiancer avec un autre.

(Sonia se retourne.)

JEANNE, sur le même ton.

Qui n’était que baron.

SONIA

Comment ! c’est vrai, Mademoiselle ?

JEANNE

Vous ne saviez pas, mademoiselle Sonia ? Mais oui, avec le cousin du duc, précisément, Monsieur de Relzières. Baronne de Relzières, c’était moins bien.

SONIA

Ah !

GERMAINE, sur le même ton.

Mais étant le cousin et le seul héritier du duc, Relzières aurait relevé le titre et les armes, et j’aurais été tout de même duchesse, mes petites.

JEANNE

Évidemment, c’était l’important. Sur ce, je me sauve, ma chérie.

GERMAINE

Déjà ?

JEANNE, avec emphase.

Oui, nous avons promis à la vicomtesse de Grosjean de lui faire un bout de visite. (Négligemment.) Vous connaissez la vicomtesse de Grosjean ?

GERMAINE

De nom. Papa a connu son mari à la Bourse quand il s’appelait encore simplement monsieur Grosjean. Papa, lui, a préféré garder son nom intact.

JEANNE, sortant, à Marie.

Intact. C’est une façon de parler. Alors, à Paris ? Vous partez toujours demain ?

GERMAINE

Oui, demain.

MARIE, l’embrassant.

À Paris, n’est-ce pas ?

GERMAINE

Oui, à Paris.

(Sortent les deux jeunes filles.)

ALFRED, entrant.

Mademoiselle, il y a là deux messieurs ; ils ont insisté pour voir Mademoiselle.

GERMAINE

Ah oui, messieurs du Buit.

ALFRED

Je ne sais pas, Mademoiselle.

GERMAINE

Un monsieur d’un certain âge et un plus jeune ?

ALFRED

C’est cela même, Mademoiselle.

GERMAINE

Faites entrer.

ALFRED

Mademoiselle n’a pas d’ordres pour Victoire ou pour les concierges de Paris ?

GERMAINE

Non. Vous partez tout à l’heure ?

ALFRED

Oui, Mademoiselle, tous les domestiques… par le train de sept heures. Et il est bien de ce pays-ci : on n’est rendu à Paris qu’à neuf heures du matin.

GERMAINE

Tout est emballé ?

ALFRED

Tout. La charrette a déjà conduit les gros bagages à la gare. Ces messieurs et ces demoiselles n’auront plus qu’à se préoccuper de leurs valises.

GERMAINE, à la porte.

Parfait. Faites entrer messieurs du Buit (Il sort.) Oh !

SONIA

Quoi ?

GERMAINE

Un des carreaux de la baie a été enlevé, juste à la hauteur de l’espagnolette, on croirait qu’il a été coupé.

SONIA

Tiens ! Oui, juste à la hauteur de l’espagnolette.

GERMAINE

Est-ce que vous vous en étiez aperçue ?

SONIA

Non ! Mais il doit y avoir des morceaux par terre, et… (À Germaine.) Mademoiselle, deux messieurs…

GERMAINE

Ah ! Bonjour, messieurs du B… Hein ? (Elle aperçoit devant elle Charolais et son fils. Un silence embarrassé.) Pardon, Messieurs, mais, qui êtes-vous ?

Scène II

LES MÊMES, CHAROLAIS PÈRE ET FILS

CHAROLAIS PÈRE, avec une bonhomie souriante.

Monsieur Charolais… Monsieur Charolais… ancien brasseur, chevalier de la Légion d’honneur, propriétaire à Rennes. Mon fils, un jeune ingénieur. (Le fils salue.) Nous venons de déjeuner ici, à côté, à la ferme de Kerlor ; nous sommes arrivés de Rennes ce matin ; nous sommes venus tout exprès…

SONIA, bas à Germaine

Faut-il leur servir du thé ?

GERMAINE, bas à Sonia. Ah ! non, par exemple. (À Charolais.) Vous désirez, Messieurs ?

CHAROLAIS PÈRE

Nous avons demandé monsieur votre père, on nous a dit qu’il n’y avait que mademoiselle sa fille. Nous n’avons pas résisté au plaisir…

(Tous deux s’assoient. Germaine et Sonia se regardent interloquées.)

CHAROLAIS, fils, à son père

Quel beau château, papa !

CHAROLAIS

Oui, petit, c’est un beau château. (Un temps. À Germaine et Sonia.) C’est un bien beau château, Mesdemoiselles.

GERMAINE

Pardon, Messieurs, mais que désirez-vous ?

CHAROLAIS

Voilà. Nous avons vu dans l’Éclaireur de Rennes que monsieur Gournay-Martin veut se défaire d’une automobile. Mon fils me dit toujours : « Papa, je voudrais une auto qui bouffe les côtes », comme qui dirait une soixante-chevaux.

GERMAINE

Nous avons une soixante-chevaux, mais elle n’est pas à vendre ; mon père s’en est même servi aujourd’hui.

CHAROLAIS

C’est peut-être l’auto que nous avons vue devant les communs.

GERMAINE

Non, celle-là est une trente-quarante, elle est à moi. Mais si monsieur votre fils, comme vous dites, aime bouffer les côtes, nous avons une cent-chevaux dont mon père désire se défaire. Tenez, Sonia, la photographie doit être là.

(Toutes deux cherchent sur la table. Pendant ce temps Charolais fils s’est emparé d’une petite statuette.)

CHAROLAIS père, à mi-voix.

Lâche ça, imbécile.

(Germaine se retourne et tend la photo.)

CHAROLAIS père.

Ah ! la voilà. Ah ! ah ! Une cent-chevaux. Eh bien, nous pouvons discuter cela. Quel serait votre dernier prix ?

GERMAINE

Je ne m’occupe pas du tout de ces questions-là, Monsieur. Revenez tout à l’heure, mon père sera rentré de Rennes, vous vous arrangerez avec lui.

CHAROLAIS

Ah !… Alors, nous reviendrons tout à l’heure. (Saluant.) Mesdemoiselles, mes civilités.

(Ils sortent avec des saluts profonds.)

Scène III

GERMAINE, SONIA, GERMAINE

Eh bien, en voilà des types ! Enfin, s’ils achètent la cent-chevaux, papa sera rudement content… C’est drôle que Jacques ne soit pas encore là. Il m’a dit qu’il serait ici entre quatre heures et demie et cinq heures.

SONIA

Les du Buit ne sont pas venus non plus… mais il n’est pas encore cinq heures.

GERMAINE

Oui, au fait, les du Buit ne sont pas venus non plus ! (À Sonia.) Eh bien, qu’est-ce que vous faites ? Complétez toujours la liste des adresses en attendant.