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-  C'est là que nos chemins se séparent, Arthur ! dit la princesse, avant de bondir vers la porte.

-   Pas question ! répond le vaillant Arthur qui se précipite pour rejoindre sa princesse.

Mais c'est une épée qui l'attend, pointée sur sa gorge. Sélénia a dégainé plus vite que l'éclair et tient son prince à distance.

-  Je dois régler ce problème seule, dit Sélénia, avec gravité.

-   Et moi, je fais quoi ? demande le gamin, en proie à une émotion qui lui noue la gorge.

-   Toi, tu trouves le trésor et tu sauves ta maison. Moi, je trouve M le maudit et j'essaye de sauver la mienne. Sélénia a la voix calme des gens décidés et que rien n'arrêtera.

- Si je réussis, on se retrouve, ici même, dans une heure, précise Sélénia.

- Et si tu échoues ? demande Arthur, déjà triste à l'idée d'une telle issue.

Sélénia pousse un long soupir. Bien des fois elle a pensé à cette éventualité. Elle sait bien que ses chances sont presque nulles face à M le maudit et ses pouvoirs infinis. Elle a peut-être une chance sur mille de réussir, mais c'est une véritable princesse de sang, fille de l'empereur Sifrat de Matadoy, quinzième du nom, et elle sera bientôt la seizième. Il n'est donc pas question de ne rien tenter.

Elle regarde longuement Arthur dans les yeux et s'approche légèrement de lui, sans pour autant baisser son épée toujours pointée sur le cou du jeune garçon.

-  Si j'échoue... fais un bon roi, dit-elle simplement, avec un calme qu'on ne lui connaissait pas, comme si une petite porte venait de s'ouvrir dans son cœur de soldat.

Elle passe une main derrière la nuque du jeune homme et pose un doux baiser sur ses lèvres. Le temps s'arrête. Les abeilles dessinent des cœurs en fils de miel, dans un ciel où les marguerites pleuvent en chantonnant. Les nuages se tiennent la main et font une ronde autour d'eux, comme ces milliers d'oiseaux qui se sont regroupés en grand orchestre, et inondent le ciel d'une mélodie des plus langoureuses. Jamais Arthur ne s'est senti aussi bien. Il a l'impression de glisser sur un toboggan de soie, agité par un vent adorable, qui le balade et le fait glisser, comme si rien d'autre n'avait d'importance.

Le souffle de Sélénia est plus chaud que l'été, sa peau plus douce que le printemps. Il resterait là, collé sur ses lèvres, pendant des siècles si les dieux de l'amour lui en donnaient l'autorisation, mais Sélénia se recule et rompt le charme.

Le baiser n'a duré qu'une seconde.

Arthur est encore tout groggy. Jamais une seconde ne lui avait paru aussi courte. Jamais une seconde n'a eu ce goût parfumé d'éternité.

Arthur est aussi surpris qu'abasourdi. Il ne sait pas quoi dire.

Sélénia lui sourit gentiment. Son regard a une douceur nouvelle.

-   Maintenant que tu as tous mes pouvoirs... fais en bon usage, lui dit-elle, avant de disparaître dans les quelques centimètres qui séparent les deux portes.

-  Mais... attends... il faut que... balbutie Arthur en courant vers les portes qui se referment davantage. Et même si

Arthur ne mesure que deux millimètres, le passage est maintenant trop étroit pour qu'il puisse y passer.

Arthur est anéanti. À peine a-t-il eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait que déjà il doit se faire à l'idée que cela n'arrivera plus.

Le jeune garçon se touche les lèvres, comme pour s'assurer qu'il n'a pas rêvé, mais le parfum de la princesse est toujours là, tout autour de son visage.

Bétamèche sort de sa cachette et applaudit le jeune prince.

-  Bravo ! C'était formidable !

Bétamèche attrape les mains d'Arthur et les secoue exagérément.

-  Félicitations ! C'est un des plus beaux mariages auxquels j'ai assisté !

-  De quoi parles-tu ? demande Arthur, un peu perdu.

-   Eh bien, de ton mariage, idiot ! Elle t'a embrassé. Tu es donc marié pour le meilleur et pour le pire, jusqu'à la prochaine dynastie. C'est comme ça chez nous ! explique Bétamèche, avec beaucoup de simplicité.

-  Tu veux dire que... le baiser, c'était le mariage ? questionne Arthur, un peu surpris par ce protocole.

-  Bien sûr ! confirme Bétamèche. Un mariage très émouvant ! Clair ! Concis !.. Superbe ! commente Bétamèche, en connaisseur.

-  Un peu trop concis, non ? se plaint Arthur tout déboussolé par la rapidité des festivités.

-   Mais non ! Tu as le principal : sa main et son cœur. Que veux-tu de plus ? rétorque Bétamèche, avec une logique qui n'appartient qu'aux Minimoys.

-  Chez moi, les adultes prennent un peu plus de temps. Ils apprennent à se connaître, ils se fréquentent, passent du temps ensemble. Après ils en discutent et, normalement, c'est l'homme qui fait sa demande. Le baiser ne vient qu'à la fin, quand on dit « oui » devant monsieur le curé, explique Arthur, qui se souvient probablement du mariage de ses parents.

-   Oh là là ! Quelle perte de temps ! Vous avez vraiment du temps à perdre dans la vie pour le dépenser ainsi en futilités ? ! C'est la tête qui a besoin de tous ces artifices. Le cœur, lui, ne connaît qu'un mot, et un baiser est le meilleur moyen de le dire, explique Bétamèche.

Arthur essaye de comprendre, mais tout ceci va beaucoup trop vite pour lui.

Après un baiser comme celui-là, il aurait besoin d'une bonne nuit de sommeil et de quelques aspirines.

-   Qu'est-ce que tu aurais voulu de plus ? lui demande son ami, en voyant sa mine abrutie.

-   Ben... je ne sais pas... une petite fête, peut-être ? dit Arthur qui essaye de retrouver ses esprits.

-  Voilà qui me paraît une excellente idée ! lance une voix, trop grave pour être celle de Bétamèche.

Nos deux compères se retournent et se trouvent face à une vingtaine de séides, regroupés derrière leur chef, l'affreux Darkos, fils unique du tout aussi affreux M le maudit.

À chaque fois que Darkos sourit, on a l'impression qu'il va tuer quelqu'un, tellement son sourire est peu accueillant. Et même s'il lavait quinze fois par jour ses dents marron, cela n'y changerait rien.

Darkos s'avance vers Arthur d'un pas lent de conquérant.

-   Si vous le permettez, je vais m'occuper personnellement de vous préparer une petite fête ! dit-il, sans détour. Le message est tellement clair que même les séides l'ont compris et ricanent bêtement.

Arthur aussi a compris. Aujourd'hui, jour de son anniversaire, ça va être aussi sa fête.

La mère d'Arthur est assise à la table de la cuisine. Elle tripote les dix petites bougies qui n'ont plus de gâteau ni d'Arthur pour briller.

Dix petites bougies, pour dix petites années qui ont vu Arthur pousser comme un jeune animal, tout fou et tout gentil. La pauvre maman ne peut s'empêcher de se remémorer ces dix anniversaires si différents les uns des autres. Le premier, où Arthur fut hypnotisé par la petite lumière qui dansait devant lui.

Le deuxième, où il essaya, en vain, d'attraper ces petites flammes qui sans cesse lui glissaient entre les mains. Le troisième anniversaire, où son souffle encore trop timide ne lui permit de souffler les bougies qu'en s'y reprenant à trois fois. Le quatrième gâteau où il souffla tout d'un seul coup d'un seul. Pour la première fois.

Le cinquième rendez-vous où il s'appliqua à couper lui- même le gâteau, sous l'œil vigilant de son père, inquiet de le voir manipuler ce couteau trop grand pour sa main.

Le sixième anniversaire, le plus important aux yeux d'Arthur... car à cette occasion son grand-père lui offrit son propre couteau avec lequel il découpa fièrement son gâteau. Ce fut aussi le dernier anniversaire auquel son grand-père assista.