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Arthur scrute la pénombre pour voir d'où vient cette voix fatiguée.

Il aperçoit une silhouette. Un homme couché sur le flanc, dont on ne voit que la courbure du dos. Probablement un pauvre fou, pense Arthur, car il faut l'être un peu pour rester dans cet endroit et ne rien tenter, et il se rue à nouveau sur les barreaux.

-   Ne vous fatiguez pas ! Gardez plutôt vos forces si vous voulez manger ! intervient une nouvelle fois le vieil homme.

Arthur est obligé de constater qu'il ne progresse pas beaucoup du côté des barreaux. Il s'approche du vieil homme, intrigué par son conseil.

-   Comment ça ? Ce n'est pas si compliqué de manger ! Pourquoi faudrait-il garder des forces ? demande Arthur pour engager la conversation.

-  Si tu veux manger, explique le vieil homme, toujours couché sur le côté, il faut tous les jours leur apprendre quelque chose. Sinon tu ne manges pas. Et impossible de tricher ! J'ai essayé de leur refourguer des vieilles inventions, même un an plus tard, ça ne marche pas ! C'est qu'ils ont de la mémoire ces abrutis-là ! C'est peut-être d'ailleurs la seule chose qui est bonne en eux ! En attendant, c'est la règle. Ils te remplissent la panse d'un côté et te vident le cerveau de l'autre.

-  La connaissance est la seule richesse par ici, et le sommeil, le seul luxe, ajoute-t-il avant de chercher une position plus confortable pour replonger dans sa sieste.

Tout cela intrigue évidemment notre petit bonhomme qui se gratte la tête. Et puis il y a la voix de ce vieil homme qui, sans lui être familière, lui rappelle quelque chose, ou plutôt quelqu'un.

-  Quel genre de choses ils veulent savoir ? demande Arthur, cherchant à la fois à connaître la réponse et à entendre à nouveau la voix qui va la donner.

-  Bof ! Ils ne sont pas très regardants, ils mangent de tout ! explique le vieil homme. Ça va des lois physiques et mathématiques à comment faire cuire les petits pois. Du théorème au thé à la menthe, ajoute-t-il avec humour.

Un humour qui surprend Arthur. Il ne connaît qu'une seule personne capable de garder un peu de distance dans une situation pareille. Une personne qui lui est chère et qui a disparu depuis maintenant trop longtemps.

-  Je leur ai appris à lire, à écrire, à dessiner...

-   À peindre ! ajoute Arthur qui n'ose pas croire ce qu'il vient de comprendre.

Ce vieil homme serait-il son grand-père, Archibald, disparu depuis quatre ans ? Comment pourrait-il le reconnaître, sinon par sa voix ?

Arthur était si petit quand son grand-père a disparu et même s'il se souvient de lui physiquement, son image s'est un peu estompée avec le temps.

Maintenant qu'il fait deux millimètres et qu'il ressemble à un Minimoy, il sera bien difficile de le reconnaître.

Le vieil homme est intrigué par les derniers mots d'Arthur.

-   Que dis-tu mon garçon ? demande-t-il poliment.

-   Vous leur avez appris à dessiner et à peindre. Des toiles géantes pour tromper l'ennemi. Appris aussi à transporter l'eau, à apprivoiser la lumière à l'aide de grands miroirs... Comment diable ce petit bout de jeune garçon peut-il savoir tout ça ? se demande le vieil homme.

Il décide alors de se retourner, pour voir le visage de son interlocuteur.

-   Oui, effectivement, mais... comment sais-tu tout ça ? Arthur observe ce vieux visage rongé par la barbe. Deux petites fossettes rigolotes, un œil encore pétillant, des petites rides au coin des lèvres à force d'avoir trop souri. Il n'y a plus de doute à avoir, ce Minimoy un peu fripé n'est autre qu'Archibald, son grand-père.

-   Parce que je suis le petit-fils de cet inventeur, répond Arthur que l'émotion commence à envahir.

Le vieil homme a peur de comprendre. Il retient la joie qui monte en lui.

-  ... Arthur ? finit-il par demander, comme s'il demandait la lune.

Le petit garçon sourit largement et acquiesce d'un signe de tête.

Archibald n'en croit pas ses yeux d'enfant. La vie vient de lui envoyer le plus beau cadeau de tous les Noëls. Il se lève et se jette dans les bras d'Arthur.

-  Oh ! Mon petit-fils ! Mon Arthur ! Comme je suis content de te revoir ! lui dit-il, entre deux bouffées d'émotion. Les deux hommes se serrent tellement fort l'un contre l'autre qu'ils ont du mal à respirer.

-  J'ai tellement prié pour te revoir, te toucher encore au moins une fois ! Quel bonheur de voir enfin mes prières s'exaucer ! Merci mon Dieu !

Une larme coule sur sa joue qu'absorbent les rides de son visage tout plissé. Puis il repousse légèrement Arthur pour mieux l'observer.

-  Laisse-moi te regarder !

Il le dévore des yeux, tellement fier, tellement heureux.

-  Comme tu as grandi ! C'est incroyable !

-  J'ai plutôt le sentiment d'avoir rapetissé ! lui répond Arthur.

-  Oui, c'est vrai ! approuve Archibald, et les deux hommes se mettent à rire.

Le vieil homme est obligé de toucher encore son petit-fils, tellement il a du mal à y croire. Il veut s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une mauvaise blague de Maltazard, d'un de ses fameux tours de magie, que tout ça n'est pas qu'une illusion. Mais les petits bras d'Arthur sont bien de chair et d'os. Des petits bras maintenant bien musclés. Ce n'est plus le bébé qu'il a connu.

C'est aujourd'hui un beau petit garçon que cette aventure a rendu très mûr pour son âge. Archibald est réellement épaté par son petit-fils.

-  Mais comment as-tu fait pour arriver jusqu'ici ?

- Ben... j'ai trouvé ton énigme ! répond simplement Arthur.

-  Ah ? ! Oui, c'est vrai ! J'avais complètement oublié !

-   Et les Matassalaïs ont eu ton message et sont venus m'aider pour le passage ! ajoute Arthur.

-   Ils sont venus d'Afrique, juste pour me délivrer ? ! s'émeut Archibald.

-  Ben... oui. Je crois qu'ils t'aiment beaucoup. Mais au dernier moment, c'est à moi qu'ils ont confié la mission de te libérer !

-   Ils ont bien fait ! Archibald est ravi et il tapote les joues de son petit-fils. C'est formidable ! Tu es un véritable héros ! Je suis tellement fier de toi !

Archibald l'attrape par le cou et l'emmène vers sa paillasse, comme il l'aurait fait dans son salon.

-  Allez, raconte-moi ! Quoi de neuf ? Je veux tout savoir sur toi ! lui dit le grand-père en l'obligeant à s'asseoir.

Arthur ne sait pas vraiment par quel bout commencer. L'histoire est si riche, si compliquée. Il décide de commencer par la fin.

-   Ben... je me suis marié.

-   Ah bon ? s'étonne Archibald qui n'attendait pas ce genre de nouvelle. Mais... quel âge as-tu ?

-   Ben... presque mille ans ! répond Arthur pour se justifier.

-   Ah oui ! C'est vrai ! dit Archibald, un sourire complice au coin des lèvres.

Cela lui rappelle le petit Arthur qui, à quatre ans déjà, voulait qu'on lui achète un couteau suisse, estimant qu'il était maintenant assez grand pour couper sa viande tout seul. Son grand-père lui avait répondu qu'à quatre ans, il était effectivement déjà très grand mais que pour avoir son propre couteau, il fallait être très vieux.

-   Et il faut avoir quel âge pour être vieux ? avait alors demandé le petit Arthur qui déjà ne lâchait jamais prise.

-   Dix ans ! lui avait répondu Archibald, pour se donner un peu de temps.

Le temps les avait rattrapés et se jouait de leurs paroles.

-   Et qui est l'heureuse élue ? demande le grand-père, curieux comme un lapin.

-  La princesse Sélénia, confie Arthur, osant à peine montrer sa fierté.

- Je n'aurais jamais rêvé de plus adorable belle-fille ! se réjouit Archibald.

-  As-tu déjà rencontré sa famille ?

Arthur indique du doigt Bétamèche qui roupille près des barreaux.