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-  Le brave Bétamèche ! Je ne l'avais pas reconnu ! Il faut dire aussi que c'est bien la première fois que je le vois aussi calme ! On dirait qu'il a trouvé son maître ! dit Archibald, un brin flatteur.

Arthur hausse les épaules, gêné par le compliment.

-  Mon petit Arthur, marié à une princesse ! Archibald n'en revient pas. Te voilà futur roi, mon fils !.. le roi Arthur ! ajoute-t-il, solennellement.

Arthur est embarrassé. Il n'a pas vraiment l'habitude qu'on lui fasse autant de compliments.

-   Un roi en prison n'est pas vraiment un roi. Allez grand- père ! Il faut absolument qu'on sorte d'ici !

Arthur retourne aussitôt à ses barreaux.

Avec son énergie et le génie de son grand-père, il n'est pas possible qu'ils n'arrivent pas à quitter cette satanée prison ! Mais Archibald n'a pas bougé.

-  Et ta grand-mère ? Comment va ta grand-mère ? demande-t-il, ignorant Arthur et sa demande.

-  Tu lui manques beaucoup. Allons-y ! répond l'enfant.

-  Bien sûr, bien sûr... et la maison ? Comment va la maison ? Et le jardin ? Elle s'en occupe bien j'espère ? questionne Archibald.

-   Le jardin est parfait ! Mais si on n'est pas de retour avant midi avec le trésor, il ne restera pas grand-chose ni du jardin, ni de la maison ! insiste Arthur, en le tirant par la manche.

-   Bien sûr, mon fils, bien sûr... et le garage ? Tu n'as pas tout dérangé j'espère ? Tu étais déjà tellement bricoleur quand tu étais petit ! se souvient Archibald, avec nostalgie. Arthur se plante devant lui, l'attrape par les épaules et le secoue comme un somnambule.

-   Grand-père ? ! Tu entends ce que je te dis ? !

Archibald se dégage un peu et soupire.

-   Bien sûr que je t'entends, Arthur, mais... personne ne s'échappe des prisons de Nécropolis ! Jamais ! dit-il avec tristesse.

-   C'est ce qu'on va voir ! En attendant, sais-tu au moins où est le trésor ?

Archibald dodeline de la tête, comme un chien sur la plage arrière d'une voiture.

-   Le trésor est dans la salle du trône et M le maudit est assis dessus.

-   Pas pour longtemps ! promet Arthur, qui a retrouvé toute sa fougue.

-   Sélénia est partie s'occuper de lui et, la connaissant, il ne va pas rester grand-chose de ce satané Maltazard ! Bétamèche se réveille en sursaut à l'annonce de ce nom maléfique, ce mot porte-malheur. C'est toujours quand il s'emballe qu'Arthur met les pieds dans le plat.

Archibald fait un signe de croix pour conjurer le mauvais sort, mais il est déjà trop tard. Le malheur n'est jamais en retard.

La porte de la prison s'ouvre et on y jette Sélénia, qui s'étale de tout son long.

Un séide referme rapidement la porte à clé, et la patrouille s'éloigne.

Arthur se précipite sur Sélénia et la prend tendrement dans ses bras.

Il essuie son visage couvert de poussière et arrange un peu ses cheveux décoiffés.

Sélénia est touchée par ces attentions délicates et se laisse faire.

De toutes façons, elle est trop faible pour résister.

- J'ai échoué, Arthur, je suis désolée, dit-elle, avec une infinie tristesse.

Jamais la princesse n'a été aussi perdue, désorientée. Son petit cœur n'était donc pas de pierre et sa carapace ne cachait que son manque de confiance et sa sensibilité.

-   Tout est perdu, ajoute-t-elle, avant de laisser ses larmes couler là où elles veulent.

Arthur les efface délicatement, du bout des doigts.

-  Tant qu'on est vivants et qu'on s'aime un petit peu... rien n'est perdu ! affirme-t-il, d'une voix qui se veut douce et rassurante.

Sélénia lui sourit, impressionnée par son optimisme à toute épreuve.

Elle a décidément fait le bon choix. Et puis, il y a tellement de belles choses qui passent dans le regard d'Arthur. On y voit de la bonté, de la générosité, mais aussi du courage et de la ténacité. Toutes ces belles qualités qui font d'un homme un prince. Sélénia lui adresse un sourire et son regard se noie dans le sien.

Le problème : quand Sélénia vous regarde comme ça, plus rien d'autre au monde n'a d'importance. C'est comme un brasero au milieu de la toundra, un parasol au milieu du désert, une gratouille à deux mains au milieu du dos.

Arthur la contemple et fond comme une boule de glace jetée sur la braise de ses yeux. Il se penche en avant, sans même s'en rendre compte, aimanté par ces yeux magnifiques comme des perles d'amour et par ces lèvres brillantes comme une rose du matin.

Leurs bouches se rapprochent doucement, paresseusement, tandis que leurs paupières se ferment au fur et à mesure, gentiment. Dangereusement.

C'est d'ailleurs pour cette raison qu'au moment où leurs lèvres allaient se trouver, Bétamèche glisse sa main entre leurs deux becs.

-  Je ne voudrais pas vous importuner mais... je pense qu'il serait préférable, malgré la situation, de respecter le protocole et la tradition, dit Bétamèche, navré d'avoir à faire cette intervention.

Ces quelques mots réveillent notre jeune princesse, qui sort instantanément du doux rêve dans lequel elle était en train de glisser.

Elle se racle la gorge, se redresse et arrange sa tenue toute chiffonnée.

-   Il a mille fois raison ! Où avais-je la tête ?

La vraie princesse, l'officielle, vient de se réveiller. Arthur est frustré, comme un chiot qui a perdu sa balle.

-  Mais euh... quelle tradition ? demande-t-il, un peu perdu.

-   Une tradition ancestrale, règle essentielle du protocole que tout mariage se doit de suivre à la lettre ! explique la princesse.

-... Oui, mais encore ? interroge Arthur, absolument pas éclairé par ces explications.

-   Une fois le premier baiser donné, celui qui scelle à jamais les lèvres des jeunes mariés, il faut attendre mille ans pour que le deuxième soit donné ! récite la princesse, qui connaît le protocole mieux que personne. Il est vrai que savoir ce genre de choses fait partie des obligations qu'impose son rang.

-   Le désir doit être mesuré et l'abstinence éprouvée. Le deuxième baiser en aura plus de force, plus de saveur et plus de sens. Car seul ce qui est rare a de la valeur, ajoute-t-elle, histoire d'achever Arthur, déjà anéanti par la nouvelle.

-  Euh... oui... bien sûr, balbutie-t-il, comme quelqu'un qui vient d'accepter de patienter mille ans.

La porte de la prison s'ouvre soudain, si violemment que tout le monde sursaute. Darkos affectionne particulièrement ce genre d'entrée théâtrale. Il adore jouer les méchants qui entrent sur scène, toujours au pire moment, et font rebondir l'intrigue.

-  Alors, pas trop chaud ? dit-il en décrochant un petit glaçon, qui pend au plafond, et en se le mettant dans la bouche. Arthur le lui mettrait bien autre part.

-  La température est parfaite, répond Sélénia qui, malgré le froid, bouillonne intérieurement.

-  Mon père a préparé une petite fête à votre attention. Vous êtes ses invités d'honneur ! annonce pompeusement Darkos. Comme d'habitude, quelques séides ricanent. Le piège n'a échappé à personne et les invités savent pertinemment le genre de spectacle qui les attend.

Arthur se penche légèrement vers Sélénia.

-  Il faudrait provoquer une bagarre. À la faveur de la confusion, certains d'entre nous pourraient réussir à s'enfuir, chuchote-t-il à l'oreille de Sélénia.

-   Des commentaires, jeune homme ? intervient aussitôt Darkos, qui suit à la lettre les instructions de son père qui lui a recommandé d'être vigilant.

-  Ce n'est rien ! Arthur me faisait juste une réflexion pertinente, lui répond Sélénia.

C'est comme si elle avait jeté un asticot devant un poisson en lui demandant de ne pas le manger. Darkos mord à l'hameçon, sans attendre.